For the Love, the Death and the Poetry possède-t-il la même puissance d’évocation que
Of Knowledge and Revelation ? Non, et c’était à prévoir.
Parvenir deux fois de suite à un tel coup de maître, glaçant de la tête aux pieds, auraient été presque trop, faisant d’un exercice de style unique en son genre – oui, il faut vraiment écouter
Of Knowledge and Revelation si cela n’est pas déjà fait – un style à part-entière, sa superbe s’étiolant par redondance. C’est, avec une certaine finesse, la voie que ne choisit pas de prendre Nero Kane, sans pour autant jeter aux oubliettes le vécu en eaux troubles à température négative de 2022.
For the Love, the Death and the Poetry, on le voit dès sa pochette, n’oublie pas la mort, l’embrasse de nouveau mais ne s’arrête pas à sa contemplation.
Il s’agit avant tout d’amour et de poésie désormais, la puissance liturgique au service de la passion, au cœur-même de chaque plan et paysage : désert sicilien (« There is No End ») et solitude d’église (« Unto Thee Oh Lord »), plaçant toujours le projet comme un croisement entre Earth et Amber Asylum (et davantage cette dernière) au pays de Dino Buzzati et Dante Alighieri, mais aussi la beauté naissant de la quotidienneté, les rues ascendantes et descendantes de l’Italie du Sud, sa chaleur suffocante, sa religiosité aveuglante empreinte d’animisme. Démon du Midi plutôt que celui de Minuit.
For the Love, the Death and the Poetry laisse-t-il spectre parmi les vivants, horrifié et hanté comme on a pu l’être avec
Of Knowledge and Revelation ? Non, et cela frustre au départ. Nero Kane se fait plus proche, plus humain, conteur cowboy parmi ses ouailles, son songwriting s’étoffant sans quitter son minimalisme, une guitare qui déroule ses notes (« My Pain Will Come Back to You »), des chansons qui sont humblement des chansons – des belles (« Mountain of Sin »). Il y a bien quelques violences vécues les yeux écarquillées, percutantes car plus rares (« Land of Nothing » ; « As an Angel’s Voice »), mais l’ensemble renvoie une certaine sollicitude, une forme de chaleur derrière le froid nacré, montrant une sentimentalité autre que celle d’autrefois. On le pressentait ; cela s’épanouit ici : l’Italien n’est pas un assassin folk, un autre de ces évêques auto-proclamés s’imaginant Robert Mitchum dans
La Nuit du Chasseur. Il est un prédicateur du côté des Hommes, acclamant la beauté du monde charnel et matériel.
Ce qui n’empêche pas le spirituel, loin de là.
For the Love, the Death and the Poetry en déborde, transi d’amour et transi tout court, loin des paillardises de Boccace. Son décaméron – à qui il manque un chapitre conclusif – est écrit avec le plus grand sérieux, presque avec morgue. Ainsi, une des réussites de l’album est « Receive My Tears » et ses émotions humaines portées en sacrement. Après avoir figuré l’autre-monde, Nero Kane – toujours épaulé de Samantha Stella et son chant ensorcelant, sans âge et aérien, Canidia et Madone ne faisant qu’une – revient à une forme de réalité des sensations, barbare dans ses sentiments et délicat dans ses effets, éprouvant les choses avec un dandysme rappelant qu’il est une modernisation du stoïcisme. La souffrance vécue avec distance, la fragilité sous-jacente et la béatitude proche.
For the Love, the Death and the Poetry est-il mieux ou pire que
Of Knowledge and Revelation ? La question ne se pose pas tant il inscrit Nero Kane comme « autre » qu’une entité que l’on pouvait vite cataloguer comme morbide à l’italienne. Il le rassoit en apôtre particulier, à la fois inscrit dans une certaine tradition de son pays – l’Italie, dont on a toujours l’impression d’écouter une partie de son histoire esthétique – et doté d’une personnalité atypique, sensorielle et spirituelle, le corps comme voie de l’esprit. Une discographie qu’on ne peut que conseiller d’écouter en entier – avec peut-être un évitement de
Love In A Dying World si l’on veut atteindre directement les hauteurs.
For the Love, the Death and the Poetry, lui, n’en fait clairement pas redescendre.
Par Jean-Clint
Par Jean-Clint
Par Lestat
Par Jean-Clint
Par xworthlessx
Par Ikea
Par AxGxB
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par Lestat
Par Krokodil
Par Niktareum
Par Jean-Clint
Par Jean-Clint
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène