Nihill - Krach
Chronique
Nihill Krach
Si je vous dis pochette noire, « Nihill », « Krach », tout plein de termes très réjouissants comme ça, vous pensez à quoi ? Black Metal ? Vous avez tout bon ! Jusque là rien de bien compliqué, que du classique venant de la part d'un groupe de black dépressif, pas de quoi révolutioner le genre. Cependant, un détail retiendra particulièrement mon attention de chroniqueur curieux quant à cet album : c'est qu'il s'agit du tout premier de ce jeune groupe qu'est Nihill, et à l'heure de Myspace et du home studio , la prolifération de groupe est telle qu'il est bien difficile pour une nouvelle formation de se distinguer de cette masse répugante de groupes, clonant, copiant indéfiniment les même stéréotypes et les même gimmicks sans une once de personnalitée ou d'inventivité. Alors certes, ce n'est pas avec une esthétique aussi banale et minimaliste que Nihill va nous faire croire au miracle, mais ne nous y trompons pas, et regardons y de plus près.
Avec « Empirical », Nihill amorce la longue descente aux enfers symbolisée par cet album : l'ambiance est lourde, nous sommes en plein néant. Quelques bruits lointains semblent nous indiquer une éventuelle présence de vie, mais malheureusement sans aide pour venir à votre secour. Cela s'intensifie, la pression monte... on s'attend à une explosion, à un jaillissement venu de nulle part, et Nihill brise enfin ce suspens en démarrant en trombe sur « Mundus Subterraneaus » . Blasts et leads de guitares vous plongent au coeur d'un tourbillon de rage et de désespoir, où distortions et sonoritées d'outre tombe percent votre âme damnée, comdamnée à errer éternellement au gré de ces riffs hypnotiques et lacinants tirés de l'imaginaire dépravé d'un esprit tourmenté. Ainsi s'installe à partir de cet instant une ambiance d'une noirceur insurmontable qui ne vous lachera pas tout du long de l'ouvrage.
Vous l'aurez donc compris, point de riffs thrashy black'n'roll ou de nappes de claviers façon symphonique dans la musique de Nihill, ces derniers affectionnant plutôt un black metal sans fioritures, affreusement malsain et torturé, à l'image de leurs comparses de la scène américaine Leviathan ou Xasthur, mais tout en se créant leur propre personalité et leur propre univers, mis en avant par fes fréquentes références à la mythologie et à l'eschatologie dans les paroles des chansons , le groupe étant très fortement influencé par les mouvements gnosticitiques (d'où les titres « Gnose Pt I/II/III »). L'oeuvre de Nihill n'a en effet pas été faite au hasard, et a pour but de former une trilogie dont « Krach » serait le premier tome, les trois pièces de cette oeuvre une fois réassemblées constituant selon leur propres mots : « un puzzle formant une clé pour atteindre la mort et l'au delàs » . Projet pour le moins ambitieux.
Même si je n'ai toutefois pas atteint l'objectif fixé par le groupe, à savoir que je suis encore là pour vous parler de l'album, je dois reconnaître le grand talent qu'a Nihill de vous saper le moral, notamment sur les morceaux ambient/atmosphérique qui représentent en durée plus de la moitié de l'ouvrage. Offrez vous une plongée de 31 minutes dans les abysses, et vous verrez que vous n'en ressortirez pas indemne. On se croirait presque à la limite du doom, tellement l'ambiance y est oppressante, sombre et apocalyptique, mais également terriblement froide et obsédante, à l'image d'un Sunn O))) qu'on aurait mélangé à un Blut Aus Nord. Nihill ne relache la pression qu'à de courts instants, comme pendant la première moitié de « Dreams Upon the Scaffold », que pour mieux vous replonger dans les ténèbres par la suite avec la suppliciante « Gnosis part II ». Il est d'ailleurs assez difficle de mettre des mots sur tout ce qu'il est possible de ressentir à l'écoute de tels morceaux.
Imaginez vous dans un futur proche, où la Terre aurait été complètement décimée par de multiples bombardements nucléaires ; telle est la vision du monde que nous offre à voir Nihill. Des bruits sourds, des voix agonisantes témoigent des dernièrres présences humaines avant que celles-ci ne rendent miserablement l'âme au milieu d'un champ de ruine dévasté. Puis le silence s'instaure, des tambours viennent des profondeurs, une voix monte des entrailles de la Terre, grave, putride, condamnant l'humanité dans sa course à la suprémacie, aboutissant au chaos et à l'anéantissement. Pleurs et cris de douleur des derniers survivants ne changeront rien à leur sinistre sort, le destin est scellé, l'apocalypse est là, et Nihill achève ainsi l'existence de toute vie en 16 minutes 49 secondes de pure annihilation, « Gnosis Pt III », l'armaggedon. Plus de paroles, plus de musique, juste le bruit assourdissant de la fin du monde. Grandiose.
Dfficile donc de rester de marbre devant un tel album, tant l'ambiance y est unique, et le concept travaillé. Nihill fascine autant qu'il déroute, de part la puissance même de sa musique et de son côté avant gardiste, autant que de part le mystère qu'il cultive, en composant dans le secret et l'anonymat le plus total, à tel point que je serais bien icapable de vous dire de qui est composé le groupe. Volonté de rester underground et true ? Qui sait... En tous les cas, Nihill semble déjà avoir un bel avenir devant lui avec un premier album totalement atypique et envoutant, sortant des sentiers battus d'un style déjà saturé par la merde, et ne saurait guère s'arrêtter en si bon chemin étant donné que son successeur, « Grond », est déjà en marche au moment où j'écris cette chronique. Il ne vous reste donc plus qu'à éteindre les lumières, à charger votre revolver, et à appuyer sur play pour apprécier pleinement le voyage astral gracieusement offert par Nihill, qui vous mènera par-delà les limites de la conscience et de la compréhension. Et si vous ne le saviez pas : le suicide, c'est hype !
| ChoKos 19 Octobre 2007 - 2737 lectures |
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