Mar de Grises - The Tatterdemalion Express

"Draining The Waterheart", second album de Mar de Grises, m'avait fait forte impression l'année dernière, se plaçant d'emblée parmi les découvertes les plus éprouvantes de 2008. C'est donc assez logiquement (et largement incité par notre dépressif maison Christliar je dois dire) que je me suis penché sur ce premier album sorti 4 ans auparavant. Tout comme son petit frère, "The Tatterdemalion Express" se révèle être une expérience marquante, un véritable chemin de croix pour l'auditeur, qui montre que déjà à l'époque, ces chiliens n'avaient plus aucune leçon à recevoir dans l'expression de leur art.

Pour tout vous dire, j'ai acheté cet album il y a déjà quelques mois, pensant le chroniquer assez rapidement après la sortie de leur second album. Si c'est souvent le temps qui me manque pour écrire, ça n'a pas été le cas cette fois-ci... Le doom/death que pratique Mar de Grises sur cet album est tellement lourd, glacial et abrupte qu'il m'a fallu beaucoup de temps pour ne serait-ce qu'aller jusqu'au bout de ces 56 minutes : "The Tatterdemalion Express" est un monolithe de noirceur, noyé dans un abyme de désespoir qui dès ses premières minutes, vous plonge dans un état neurasthénique comme peu d'albums en ont le pouvoir. Et pour compliquer un peu plus l'approche de cette oeuvre, à cette atmosphère austère vient s'ajouter un style d'une richesse et d'une complexité qui vous obligera à multiplier les écoutes afin de tenter d'en extraire toutes les subtilités. Chaque composition regorge de passages et d'ambiances différentes, tantôt lourdes, tantôt plus atmosphériques, déroulant des structures à tiroirs et proposant un travail énorme sur les mélodies qui se croisent et se mêlent à la perfection. Les claviers notamment, sont judicieusement utilisés, apportant un cachet froid et éthéré à la musique dont le rendu étrange donne une réelle personnalité à l'ensemble.

Pour peu que l'on apprécie ce genre musical, difficile de reprocher quoi que ce soit à ce premier album. Certes, Mar de Grises ne réinvente rien et emprunte même à ses pères (My Dying Bride et Opeth pour ne citer que ce que ma culture musicale me permet) mais au final, leur style possède une réelle singularité qui ne les noie pas dans la masse. De plus, chaque pièce de "The Tatterdemalion Express" flirte avec l'excellence, du formidable titre fleuve d'ouverture "El Otro" à l'interlude au piano "Self Portrait No.1" (le seul petit rayon de lumière de l'album) en passant par l'atmosphérique "Storm" (et son ouverture à 2'35, Raaaaah...) ou encore les mélodies délicates de "Recklessness". En ce qui me concerne, seul le chant se révèle en dessous du reste, un poil trop plat et délaissé par le mixage.

Vu la qualité de ce premier essai, pas étonnant de voir débarquer nos chiliens sur l'excellent label finlandais Firebox, plutôt coutumier des signatures locales. Arrivé sans crier gare, "The Tatterdemalion Express" possèdait déjà cette fabuleuse et cruelle beauté qui fait la grandeur de ce genre musical, un album sincère, riche et éprouvant dont la puissance aura peut-être raison d'une trop grande fragilité émotionnelle. Si vous aimez vous faire mal, vous devriez y trouver de quoi remédier à vos pires moments d'euphorie.

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