Zvoyn? Hmmm … Ok: go! Oh? Hum ... Gné? Wow! Rogntudju! Pffff … Ouarf?! Ouch! Mouais … Oh yeah! Top! Bon: Cool! Zarb'. Space!
Mouais, un peu short quand même l'Onomatopeous Love Review… Enfin disons qu'on perd un brin en précision, et que j'aurais l'air de la pire des feignasses en m'arrêtant là! D'autant qu'avec la palette habituelle du vocabulaire métalo-chroniquatoire, c'est déjà pas hyper évident d'expliquer ce qui se passe pendant le petit quart d'heure que dure cet E.P., alors avec la seule arme d'exclamatifs Youpi! et Bôarf!, on ne serait pas arrivé… Mais commençons donc par vous présenter le drôle de zoziau qui se propose ici de faire péter l'un de nos câbles en même temps qu'il grille joyeusement les siens.
L'éminence grise derrière Zvoyn s'appelle OYC – ou Younés Chraibi pour les intimes dont je ne suis pas, donc j'utiliserai OYC, d'autant plus que ça s'écrit quand même un chouya plus vite. Ce joyeux olibrius n'est pas totalement inconnu de nos services puisqu'il s'avère être web-chroniqueur (
sur Algoblast et surtout sut l'excellent Eklektik), bassiste live occasionnel de
The Ocean, membre de tout un tas de groupes évoluant généralement dans l'extrême (
Nerv, Innerty, HemeraH …), et réalisateur de court métrage (
l'un d'entre eux étant fourni gracieusement avec l'EP). Il paraîtrait même qu'il tond la pelouse, customise les side-cars et opère les tumeurs du gros intestin comme personne, mais je ne suis pas vraiment sûr de mes sources sur ces derniers points.
Qu'est-ce qu'un hyperactif comme OYC peut bien proposer de plus avec Zvoyn? Eh bien: du conceptuel, de l'arty, du furax, du délirant. Pour être un peu plus descriptif, nous dirons que Zvoyn propose un mélange de grind, de musique chaotico-expérimentalo-jazzy et de sonorités orientales. Pour seules armes, notre homme-orchestre dispose d'une basse utilisée avec virtuosité, d'une boite à rythmes, d'une voix faisant le grand écart entre des Woody Woodpecker-eries à la
Mr Bungle /
!T.O.O.H.! et des gargouillis goregrindesques, d'un ordinateur produisant des sonorités synthétiques kitchissimes et d'instruments « exotiques » – Oud, Kanoun, Ghayta - que des racines marocaines ont dû porter aux oreilles du gaillard parallèlement à sa découverte du brutal death. Tout seul comme un grand – ou au choix, comme un misanthrope, un nerd, un soliste, ou un pied d'unijambiste dans une paire de Nike - OYC a touillé très fort tous ces ingrédients pour composer, interpréter, enregistrer et sortir ce premier épisode des Onomatopeous Love Letters. Particularité pas banale: tous les morceaux ont été enregistrés en une seule prise, et le résultat est livré brut de décoffrage, sans mix ni mastering ultérieur (
dixit le livret).
Tout ça est très alléchant sur le papier. Et dans les faits me direz vous? Eh bien comme on pouvait s'y attendre, l'esprit anarcho-punky « on fait tout en une seule prise / on ne fignole pas le son aux petits oignons » fait que le résultat n'est pas sans aspérité ni imperfection, ce qui laisse l'auditeur sur ce sentiment que le son est un poil faiblard et creux là où il aurait pu faire preuve d'un peu plus de muscle et de clarté. Le 2e point qui jouera les repoussoirs à mélomanes audio-rigides réside dans l'aspect très synthétique de la BAR, et dans ce côté bien kitch du « synthé » qui évoque parfois les meilleurs moments des jeux vidéo de nos années Récré A2. Le 3e élément dur à digérer pour qui n'apprécie pas le math-grindcore à rétropédalage rythmique, c'est l'aspect chaotique, ultra sautillant de ce métal qui part à chaque instant dans toutes les directions à la fois, tel un Zébulon multi-schizophrénique sous crack (
bref, il y a du T.D.E.P. là-dessous). La conséquence de tout cela est qu'il n'est pas rare de se retrouver quelque peu perplexe, sans réel repère au milieu de tout ce fatras. Mais on reconnaîtra une certaine cohérence entre la (
dé-)structuration des morceaux et le concept développé ici: la musique semble en effet souvent constituée d'une succession d'onomatopées musicales, la basse, la BAR, le chant et les sonorités MIDI adoptant régulièrement une dynamique tout en tressautements saccadés, ce qui donne véritablement l'impression d'écouter une suite de points d'exclamations musicaux.
Mais en plus de reposer sur une démarche artistique particulièrement sympathique, la musique de Zvoyn comporte son lot d'éléments juteux qui font que finalement, malgré quelques possibles réticences, on accroche bien à cette performance des plus barrées. La basse déjà, centrale, omniprésente, énergique, tendue, tout en rebonds et ressort, alternant les registres death ronflant et jazz swinguant, et semblant manipulée par une bonne grosse douzaine de doigts (
au bas mot), remporte rapidement l'adhésion générale. La coloration « world music » arabisante ensuite, est un autre des gros plus de l'EP – bien que l'apport soit bien meilleur quand il provient de véritables instruments organiques (
cf. « Amina ») que quand il sort des gros tuyaux MIDI d'un ordi. Les effets de contraste entre les passages smoothy/jazzy et les purs glaviots death/grind sont également parmi les gros atouts de cet EP. Ajoutez à cela un packaging pas commun et très chouette, un concept « un titre / un prénom / une lettre / une onomatopée » vraiment original, et de petits délires comme ce dialogue entre OYC et sa conscience (
sur « Diane ») et vous obtenez un CD au très gros capital sympathie.
Bref, nous tenons là un EP relativement hors norme, plein d'idées et de couleurs inédites. Certes, il a également ce petit côté « pas tout à fait fini » et « délire égoïste » qui le rend un peu dur à avaler et lui donne un arrière-goût de « mince, ça aurait pu être encore bien mieux »... Mais il faut respecter les choix de l'artiste. Quels que soient les décalages qui existent entre ce « encore mieux » qu'on aurait pu espérer et les 7 titres finalement couchés sur cette galette, on ne peut que tirer notre chapeau – amateurs de Hat Fucking bonsoir – à OYC pour avoir accouché d'un bébé aussi prometteur et évoluant aussi loin des sentiers battus. Définitivement à essayer!
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