Enigmatik - Slitherin

Enigmatik porte bien son nom. En effet comment peut-on mélanger death metal, expérimentations, touches jazz et funk, posséder en ses rangs une batterie aussi polyvalente (balaise dans les gravity blasts – très fréquents – et à l'aise dans la caresse de cymbales jazzy) et une basse qui slappe et tape autant, tout en réussissant à me laisser carrément sceptique en fin de course … ? Sur le papier, ce 2e album des suisses avait pourtant tout pour plaire, et c'est d'ailleurs bien pour cela que « Slitherin » avait fini par trouver une brèche dans mon portefeuille par laquelle venir chatouiller une carte bleue bien trop sollicitée. Mais les avis mitigés lus ça et là, de par les sites bien informés, étaient malheureusement fondés.

Pourtant « Slitherin » a ses moments, et à chaque passage de l'album, au milieu de ce brouillard experi-menthe-à-l'eau-nawak, l'oreille se fait invariablement accrocher. Par ce riff simple et mélodique, qui vient relever un plan death gras à la SFU, à 2:29 sur « Nautilus ». De même, à 3:25 sur « Dark Age Of Reason », par cette tornade de blast charriant un death metal hyper saccadé en mode stop'n'go. Ou encore par cette lead space portée par une rythmique énergique et groovy à 5:55 sur « The Green Fairy ». Ou enfin par ce pur mélange de saccades modern death et de samples de Castafiore, à 1:49 sur « Fata Morgana ». Tout cela laisse entrevoir les qualités d'un groupe qui, s'il sait briller occasionnellement ou lors des prestations individuelles des zicos, peine pourtant à faire monter la sauce sur toute la durée d'un morceau.

Enigmatik souffre en effet d'une incapacité chronique à homogénéiser son propos. S'il est vrai qu'une prod' assez moyenne (c'est le son de la guitare qui pêche, guitare qui est d'ailleurs peut-être un peu trop en retrait dans le mix) ainsi qu'une tendance à composer des morceaux bien trop longs (4 morceaux de plus de 6 minutes quand même) plombent le propos, c'est surtout son éparpillement constant qui ruine « Slitherin ». Même pas besoin d'aller jusqu'à évoquer les transitions et mélanges pas toujours heureux entre des univers a priori opposés pour pointer du doigt les insuffisances de cette schizophrénie musicale. Il suffit de se concentrer sur la nature même des plans metal proposés: tantôt brutal death bas du front (« The Hanged Man », « Beasthunter »), tantôt modern metal saccadé (« Fata Morgana »), tantôt grassouillet et basique à la SFU (« Nautilus », « Pallas Athena »), tantôt Nilisant (« Let The Brother », « The Ghost »), tantôt tâtant du groove d'un Trepalium (« The Green Fairy »), tantôt plus spatial et plus jazzifiant, à la Cynic/Carcariass (« The Green Fairy », « Metropolis »), le groupe ne sait clairement pas parler d'une seule voix, ni ne semble savoir vers où aller. Et si certains hurluberlus géniaux ont le chic pour balancer n'importe quoi dans le blender et en sortir un cocktail mortel, Enigmatik ne réussit qu'à produire une mixture improbable où les ingrédients initiaux, excellents pris individuellement, se neutralisent et s'affadissent mutuellement, à l'exception de quelques grumeaux aux saveurs subtiles surnageant en surface. Et ce ne sont pas ces samples omniprésents, ces interludes inutiles (« Laudanum », et surtout l'horripilant « The Nucleus Of Spheres ») ou ces quelques pieds de nez dérisoires (« Il était un petit navire » au début de « The Nucleus », et le cantique/bonus track en toute fin d'album) qui permettront de nuancer le constat global. C'est terrible, mais il faut bien reconnaître que malgré la profusion et la variété des informations sortant de nos enceintes, on finirait presque par s'ennuyer …

Bref, constat d'échec pour ce « Slitherin » pourtant gorgé de bonnes idées et de bonne volonté. Avec un tel CV et la déclaration d'intention initiale, j'aurais été prêt à parier que cet album provoquerait l'une de ces bonnes vielles gaules cglaumiennes, mais ce n'est au final malheureusement pas le cas. N'empêche que si nos amis suisses réussissent à trouver la formule pour harmoniser tout cela, le résultat ne pourra que faire très, très mal.

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