Curseur pointé sur cette pochette aux airs familiers, vous aurez tout de suite reconnu le coup de crayon du stakhanoviste Pär Olofsson (Spawn Of Possession, Brain Drill, Deeds Of Flesh, The Faceless, Immolation...), il suffira à lui seul à attirer votre curiosité sur cet album. Je n’y échappe évidemment pas. Formé en 2008 en Allemagne, Ichor (« ikhốr », le sang des dieux dans la mythologie grecque) possède déjà deux galettes chez le méconnu Bastardized Recordings (Siege Of Amida pour les USA), un petit label plutôt spécialisé en musique à suffixe « core ». Quatre années se sont écoulées depuis leur dernier méfait
Benthic Horizon, une attente qui leur permettra de peaufiner ce voyage vers les profondeurs.
La thématique « Lovecraft + fonds marins » n’est certes pas la plus originale qui soit, elle ne sert ici malheureusement qu’à orner la musique d’Ichor. Outre l’artwork et les paroles, on ne retiendra que l’introduction « Deep Rising », les samples de baleine sur « While Giants Sleep » ou le final « Hadal Sirens ». Assez maigre au final, la bête
Sulphur Aeon peut rester placide. Une parenthèse qui permet de panser néanmoins nos oreilles ô combien maltraitées, la dominante d’Ichor étant le « bourrinage » de bonne famille « à la teutonne » (virilité façon testicules de Cthulhu). Le groupe pioche un peu partout et semble avoir délaissé son penchant deathcore des débuts (aucun « breakdowns » à noter) pour un death metal un peu plus épuré mais toujours bigarré. La bande de Rhénanie-Palatinat ira ainsi croiser cet aspect outre-Atlantique à la scène extrême européenne. On trouve sur
Depths des influences allant du death/thrash américain moderne (The Black Dahlia Murder pour le riffing et le chant modulé) à la scène technico-mélodico-progressive californienne estampillée Unique Leader (notamment sur les breaks de l’album).
Côté Vieux Continent, on décèlera une approche italienne pour sa brutalité à tendance néoclassique (Fleshgod Apocalypse) mais aussi particulièrement la martialité polonaise (Behemoth et Decapitated comme références principales). L’enregistrement en Pologne au Hertz Studio (Vader, Hate, Behemoth, Decapitated) affichant en gras les affinités d’Ichor. Volume élevé exigé et mains agrippées sur les accoudoirs, le son (compressé, marque de fabrique) plaquera le pauvre auditeur au sol. L’oreille attentive remarquera une batterie bien peu naturelle (particulièrement les longs passages soutenus) mais qu’importe, le plaisir « défouloir » résiste malgré tout. Comme un demeuré masochiste, on se laissera prendre par les vagues de riffs en fonte, les frappes sur les fûts pour enfoncer des pilonnes ou ces hurlements puissants. Le duo (en extraits ici) « The Beasts Approach » / « The Heretic King » (imparable), « Apophis », « Ra Iroa » (énorme clin d’œil à Nergal), « Deny Your God » ou l’atomique « Cthulus Sons » laisseront pas mal de cerveaux en charpie. Objectif réussi.
Pot pourri moderne de musiques extrêmes européennes et américaines,
Depths manque clairement de personnalité, un sentiment de « déjà entendu » qui reviendra malheureusement trop souvent. Reste que l’efficacité dégagée en convertira bon nombre et suffira amplement à se prendre au jeu décérébré. Avec une ambiance plus développée et d’avantage d’expérimentations, Ichor pourra sans nul doute marquer son territoire. Une très bonne découverte qui ravira les amateurs de gros death (velu) à écouter le cerveau « off ».
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