Avec son 2e album en titre, Comecon décide d'attiser encore un peu plus les velléités blaguifères des métalleux français à l'humour vaseux. En effet, comme si son patronyme n'y suffisait pas, le groupe sort un album à la thématique définitivement con-con, une galette au préfixe redondant malicieusement appelée « Converging Conspiracies » - qui aurait initialement dû s'appeler « Conspiracy at the Conference against Condom Contamination by Contact with Constipated Consumers », d'après mes informateurs travaillant au service culturel de « Tuning & Biscotos ».
…
La vache, vous imaginez: le chapitre précédent était initialement censé débuter cette chronique!? 'tain, heureusement, à la dernière minute, dans un éclair de lucidité salvateur, j'y ai renoncé. Encore heureux! T'imagines le début de merde que ça aurait été? Ze grosse honte quoi … On est passé à 2 doigts de la catastrophe, les autres ne m'auraient pas pardonné cet excès, et à raison.
* tente de détourner l'attention *
Et sinon, euh: vous avez appris pour Jean Ferrat ? Quel malheur …
Hum. Bon, on continue quand même?
C'est donc tout juste un an après leur premier méfait que les deux suédois de Comecon nous reviennent la fleur au fusil pour nous causer gros décibels et lattage de popotins. Deux suédois, oui. Mais si, je sais compter! Parce que, et de un: c'est encore une fois un faux batteur que le groupe fait figurer dans son line-up, histoire de tromper son monde. La batterie est en fait toujours autant programmée, et cela s'entend toujours aussi peu (
Ok, les plans de batterie ne sont pas démentiels. Ok, je ne suis pas batteur. Mais nom de nom il faut avoir l'oreille fine pour déceler la supercherie si on n'est pas au jus!). Et de deux: le micro a de nouveau été confié à un session brailleur de renom. C'est cette fois la goule batave Martin Van Drunen qui vient nous baver des insanités dans l'oreille. Et bien que le gaillard ait un style reconnaissable entre mille – et que son prédécesseur qui officiait sur
« Megatrends in Brutality », Lars Goran Petrov, ait lui aussi un grain de voix bien particulier – on constate que le groupe a réussi sans mal à assurer la continuité stylistique d'un album à l'autre. Certes il y a bien là une certaine évolution, mais nulle impression d'écouter un groupe entièrement nouveau, ça non.
Il faut dire que l'enveloppe sonore aide à maintenir une certaine cohérence. Ainsi Thomas Skogsberg a une fois de plus concocté au groupe un son bien épais et sourd, avec finition au gros gravier et mur de guitares rythmiques bourdonnantes de série (
bien que l'option « épaisse coulée de lave » à la Grave ne soit pas incluse sur ce modèle). De plus le groupe continue de pratiquer sur deux bons tiers de l'album son death metal à l'ancienne, qui laisse cette fois encore filtrer des influences rock'n'roll (
sur certains soli et leads) et – principalement – punk/crust. Bref, on se sent encore à la maison, le papier peint a un peu changé, mais le fauteuil est toujours à sa place, au coin du feu.
Bon c'est vrai quand même que l'arrivée de M. Van Drunen nous amène de temps à autre à penser à ce bon vieux
Pestilence (
par exemple à 0:45 sur « The House That Man Built », ou quand le groupe patauge dans le gras de « Bleed / Burn », vers 0:47). Et surtout la grosse nouveauté, c'est que le groupe a désormais une envie manifeste d'innover. C'est évident à un point tel que ça justifie – presque – le « experimental » aguicheur placé, il est vrai un peu aux forceps, en haut à droite dans la description du style de l'album. N'empêche que le groupe se fait vraiment plaisir: entre les grésillements organiques furtifs de l'intro de « Democrator », le kazoo (
ou le peigne musical?) et les grattes qui se la jouent démarrage de vieille 2CV au début de « The Ethno-Surge », le ping-pong guitaristique plugged/unplugged à 1:02 sur « Community » ou encore ce solo qui part dans un trip bidibip spatial en fin de « Aerie », c'est carrément la fête du slip d'avant-garde! Et si ce n'est pas toujours intégré de manière hyper naturelle à l'ensemble, il n'y a ma foi pas non plus de quoi se plaindre. Moins sympa par contre: le groupe semble absolument vouloir se vautrer dans des lourdeurs pataudes (
Ah le pénible début de « Morticide »! Et la douloureuse gueule de bois introduisant « Dipstick ») et autres plans retors ou dissonants (
les cassures du début de « Aerie », la prise à rebrousse-poils démarrant « Worms »), ce qui casse le rythme et perturbe cette aventure musicale aussi sûrement qu'une saloperie de préservatif qui refuse de se laisser dérouler gentiment en ces endroits où ces choses se déroulent habituellement refroidit la libido de quelques centimètres… Ces divagations poussent donc nos suédois à la faute, et si « Aerie » et « Morticide » contiennent suffisamment de moments jouissifs pour faire oublier leurs travers les plus gênants (
en particulier une décharge crusty à 1:03 pour le premier, et un milieu de morceau qui regagne en punch death pour le second), le constat est moins positif pour un « Dipstick » au mieux peu inspiré, au pire soporifique.
M'enfin tous ces écarts à la ligne du Parti des Garants de l'Orthodoxie du Death Made In Stockholm ne peuvent occulter le plaisir pris lors de l'écoute de l'éjaculation crust'n'roll d'un « God Told Me To » jubilatoire, lors des superbes leads sur rythmique galopante en 2e partie de « Worms » ou encore sur l'arrivée grandiose des twin guitares qui se font écho à 2:14 sur « Community ». Et s'il est évident que Comecon se met à semer ses graines à tous les vents histoire de voir si quelque chose de sympa et d'inattendu pourrait résulter de ces escapades extra-brutasseries, il le fait tout en restant solidement ancré dans une tradition death suédoise old school mâtinée de punk et de rock. Et dans ce domaine, on peut compter sur sa maîtrise et son inspiration.
Bref, nouvel album, nouveau chanteur, nouvelles perspectives … Mais résultat identique! Comecon livre un 2e album toujours aussi sympathique, qui apporte son lot de satisfactions à l'amateur du genre, mais sans pour autant réussir à écrire l'album définitif qui lui aurait permis de se faire un nom aux côtés de ses compatriotes du haut de l'affiche,
Entombed,
Dismember et consort.
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