Ça ne pouvait plus durer… Depuis quelques jours, Thrasho se retrouve emblackmetalisé jusqu'aux oreilles. On n'y voit plus que du noir et du blanc, on n'y parle plus que misanthropic suicide dans les frostbitten woods, on n'y entend plus que des grincements aigus de fond de larynx … Bref, il était temps de ressortir un bon gros album de bisounours metal de la CDthèque du lapin jaune! Et là, pour bien rétablir la balance, je vous préviens que j'ai tapé très très fort. Un ouragan de barbe à papa est sur le point d'enrosifier les corpse paints des âmes en peine errant sur les pages de ce webzine. Qu'on se le dise!
Et paf! Blood Stain Child. Bon, on a connu bien plus marshmallow comme blaze (
remember Blessed By a Broken Heart?). Le truc ici, c'est que le sucre n'a pas tellement coulé à l'extérieur, mais est plutôt resté à l'intérieur de la casserole, accrochant bien fort au fond, au niveau de la musique. Quoique. Vous avez maté la dégaine des six zoziaux qui constituent le line-up du groupe? Allez voir ça
ici. A la pointe du mélange visual kei / émo gluant, avec une pointe de « This is serious stuff man » … Le bonheur! Et je vous rassure, la musique est largement aussi trve: le groupe pratique en effet un mélange de mélodeath from Sweden fréquemment revisité à la mode metalcore US avec de pleines brouettes de musique électronique, entre trance et eurodance de mes années lycée. Voilà c'est ça: un mélange de
In Flames,
Mindless Self Indulgence et Aqua. Ou le chaînon manquant entre
At All Cost et Attack Attack version dance floor si vous préférez.
…
Eh merde, Keyser vient de nous faire un malaise. Eh les gars, un coup de main! Mais bordel, on dirait bien qu'on n'est plus très nombreux là … J'aurais dû m'en douter. Trop d'émotions pour ces frêles corps juvéniles qui n'assument pas encore le côté « Au Pays de Candy » de leur personnalité. Pas grave. Au contraire, on va même verser un gros seau de jus de fraises tagada de plus sur la tête des rescapés en précisant que le chant pratiqué sur « Mozaiq » va d'une voix gothico-risible à du shriek-core typé US en passant par le chant clair façon « tête à claque de teenager à voix nasillarde » et par le vocoder robotisant. Ca y est, là on est au fond: vous sentez comme c'est tiède et mou?
Et pourtant, là, c'est le drame … Telle la victime du syndrome de Stockholm qui s'interpose entre la police et son ravisseur, le lapin jaune se présente face à vous, la poitrine offerte à vos salves moqueuses, et vous le dit cash: la musique de Blood Stain Child envoie du panda, déchire sa race, démonte des culs … Bref, c'est vraiment excellentissimement trop d'la balle! Les compos – débordant de mélodies catchy, de beats technoïdes, de refrains et de plans jouissifs ainsi que de soli franchement bien gaulés qui montrent que les gars touchent quand même leur bille – naviguent entre le très bon, l'excellent et le carrément dément. A cheval sur les limites extrêmes de l'esthétisme musical, un pied sur le mauvais goût le plus crasse et l'autre sur la symbiose idéale entre des genres que tout oppose, Blood Stain Child réussit un numéro d'équilibrisme comme j'en avais rarement vu. OK c'est plein de néons jaunes et roses, c'est parfois ridiculement kitsch et niais, c'est à la limite de l'écoeurement qu'on ressent après s'être tapé seul une bouteille de Bayley's ou une tablette de chocolat accompagnée d'une double ration de bonbons Haribo … Mais justement c'est tout aussi bon! À l'écoute de « Mozaiq », on patauge dans un enthousiasme enivrant mâtiné de malaise honteux, un peu comme si l'on se matait dans une glace habillé avec les fringues de maman, ou que l'on se vautrait dans le canapé pour une soirée Loft Story à la téloche: c'est carrément la honte, si on nous choppe la main dans le sac on se coupe direct les veines, mais bon dieu que c'est bon de se lâcher!
Pas étonnant que bien qu'issus du lointain Japon et qu'accoutrés de la façon la plus ridicule qui soit les gus de Blood Stain Child aient fini pas se faire distribuer par chez nous (
il aura quand même fallu attendre le 3e et précédent album « Idolator ») … Même si une prod' signée Tue Madsen @ Antfarm Studio a pu également aider à faire pencher la balance du bon côté. C'est que ce groupe atypique possède une putain de science de la compo qui tue, et qu'il marie comme personne le meilleur de l'agression, de la vitesse et de la mélodie du death mélodique from Göteborg avec les plus honteux mais jouissifs plans de dance et de techno des charts du siècle dernier. A ce titre « Pitch Black Room » ou « Cosmic Highway » sont de pures merveilles … Qui – je vous rassure – seront détestées de 99,9% des métalleux traditionnels. Ecoutez moi « Neo-Gothic Romance » (
ce titre … J'en ai de délicieux frissons de dégoût): est-il possible d'imaginer un mélange d'eurodance à piano et de speederie mélodeath plus parfait? Et la techno-indus de « Peacemaker »! Et « Innocence »: vous prenez des samples ethniques à la mode Ushuaïa, vous partagez le chant entre une douce demoiselle débitant d'atterrantes naïvetés et un metalcoreux vénère … Et vous obtenez une subtile sucrerie qu'on ne peut s'empêcher d'adorer et de haïr tout à la fois. Et ça continue comme ça sur 12 titres!
Comment noter un tel album? Keyser, Von, nos BM-eux … enfin bref, 90% de la rédac' collerait un 1/10 vite fait mal fait à cet album. Et puis putain: cette dégaine, ce kitsch et ce ridicule dégoulinant, ces naïvetés insupportables … ne m'empêchent finalement pas d'adorer leur musique. Ah les salauds!!! Qu'est-ce que vous voulez coller comme note à un truc pareil? Le 1/10 du trve – pour jouer l'aveuglement snob de bon ton? 9/10 pour craquer mon slip et ignorer le ridicule crasse du truc? 5/10 pour faire la moyenne? Allez, j'ai beau faire mon chaud, je n'assumerai pas jusqu'au bout ce coup de cœur schizophrène, ce panard écoeurant. Pas de note.
PS: bien qu'un peu partout sur le web – tout comme sur mon CD – je trouve un tracklisting identique à celui figurant à droite de la chro, il se trouve qu'en essayant de suivre les paroles figurant dans le livret au fil d'une écoute attentive, je me suis rendu compte que la séquence des morceaux n'était pas celle que l'on croyait. Par exemple les paroles de « Cyber Green » sont chantées sur le 4e morceau. Bref, tout ça pour dire que les morceaux cités dans ma chro se réfèrent au tracklisting « de référence », mais donc à un tracklisting faux.
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