Il y a bientôt deux ans je vous vantais les qualités de la première démo de Drawers
« This Is Oil », cinq titres d'un stoner-metal venu tout droit du sud de la France, bien foutu, burné, accrocheur et extrêmement prometteur. L'heure du grand saut est aujourd'hui arrivée pour les Toulousains qui viennent tout juste de sortir via le label russe Slow Burn Records leur premier effort: « All Is One ». Dans la droite lignée de
« This Is Oil » en terme de qualité, ce full length montre pourtant un visage sensiblement différent du combo. Amateurs de grosses guitares bien grasses, de voix rugueuses et de rythmiques assommantes, bienvenue.
Pour ceux que les termes ''sludge'' ou ''stoner'' auraient amenés jusqu'ici, précisons d'entrée de jeu que s'ils s'appliquent en effet à la musique de Drawers, on est pourtant assez loin des Baroness, Kylesa ou autres Mastodon. Et c'est tant mieux oserais-je dire tant la grande majorité de ces groupes ne m'inspire au mieux qu'une indifférence lasse (passe encore pour Mastodon à la limite). Non, ici on parle avant tout de metal, celui avec des
cojones (on serait plus près d'un rejeton de High On Fire et Crowbar)! Et je peux vous dire qu'il y en a! Même si Drawers ne sera jamais flashé pour excès de vitesse sur l'autoroute de l'enfer, le quintette a de la testostérone à revendre et va vous en mettre plein la gueule, prévoyez les kleenex. Mais revenons-en aux quelques aspects qui pourront marquer une certaine évolution (bon, c'est un bien grand mot) entre
« This Is Oil » et « All Is One ». La première différence est marquée par le changement opéré derrière le micro puisque Sam a quitté Drawers début 2010, remplacé quelques temps après par Niko Bastide. Evoluant dans un style sensiblement éloigné de son prédécesseur, moins hurlé/chanté et plus rocailleux (voire guttural), on pourra en tout cas saluer un sacré coffre! Le gus s'époumone tout au long de ces douze titres avec une vigueur impressionnante, d'une voix assez classique, idoine pour le style et que l'on imagine aisément maltraitée par diverses substances assez peu appréciées des cellules épithéliales pharyngées. On notera même pour la petite histoire un court passage en chant clair sur « Muddy Smoke » assez réussi et parfaitement bien intégré. Passé cette petite modification de line-up c'est essentiellement vers la musique elle même qu'il faut aller chercher la principale évolution. Gardant à coeur de pratiquer une musique massive mais sans renier une certaine dose de groove, nos sudistes ont pourtant opté pour une légère correction de cap en pointant la barre vers encore plus de lourdeur. Car si
« This Is Oil » gardait un côté presque champêtre (genre
''le verre de sky à la main et la brindille d'herbe entre les dents, allongé sous un chêne'') il en va tout autrement sur « All Is One ». La lourdeur est ici noyée dans un horizon sombre au possible, frôlant le torturé. Il en ressort un album extrêmement dense, presque opaque, poisseux comme une épaisse couche de goudron qui viendrait vous recouvrir et vous coller désespérément à la peau. « Caput Mortuum Ocean » vous mettra directement dans le bain, un bain qui s'apparentera plutôt à des sables mouvants dont il vous sera difficile de vous défaire durant ces cinquante trois minutes quand bien même « Grey Sailor » ou « Black Queen » viendront redonner plus de groove et de légèreté comme une main tendue pour mieux vous la lâcher perfidement au moment de s'extirper de ce cercueil vaseux (l'étouffante « Ivory Lighthouse »). C'est bien simple la lourdeur est telle qu'on frôle parfois le doom dans une sorte de mélange qui n'est pas sans rappeler les excellents belges de Grown Below: l'intro d' « Ivory Lighthouse », « Red Ballet » à 2'00, le début de « Golden Adieu » ou encore l'outro « Azurite Constellation » et ses airs de fin du monde. L'assise rythmique assurée par une basse vrombissante et un jeu de batterie intéressant, plein de finesse autant que de biscotos, bourré de contre-temps finira de tirer le portrait d'un album aux qualités plus qu' évidentes, jusque dans le superbe artwork noir et blanc.
L'écoute de l'album pourra sembler à certains bien éprouvante et c'est probablement l'un des points noirs de « All Is One », à savoir une durée un peu trop élevée. Quelques titres auraient en effet mérité de petites coupes franches afin de passer le tout sous la barre des cinquante minutes et éviter cet effet de décrochage vers la fin du disque qui n'est pourtant pas de moins bonne qualité que son entame (la plus classiquement stoner « Electric Seat », l'excellente « Muddy Smoke » et l'outro parfaite « Azurite Constellation »). « All Is One » aurait également pu être rendu plus digeste si le groupe ne se montrait pas aussi avare en accélérations rythmiques tel qu'il sait le faire sur « Purple Ride », « Red Ballet » ou « Electric Seat ».
Malgré ces deux ou trois réserves, « All Is One » reste un album totalement réussi: puissant, imposant, étonnamment sombre, aux rythmiques reptiliennes qui vous retourneront autant le cerveau que les tripes et doté d'une production impeccable signée du guitariste Laurent Bringer. Drawers parvient qui plus est à éviter les clichés dans lesquels il s'était laissé aller avec la démo (
« Give me my fucking whiskey! ») et nous offre, il faut le souligner, un album 100% tout neuf ne reprenant aucun titre de
« This Is Oil ». Décidément avec mes chouchous de Zubrowska, les excellents Nolentia et Drawers qui confirme tous les espoirs placés en eux il y a deux ans, on peut dire que la ville rose est sacrément prolifique! Allez qui veut un verre de goudron? C'est Drawers qui offre!
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