Demilich - Nespithe
Chronique
Demilich Nespithe
Pour certains, faire de la musique c'est en quelque sorte rendre hommage à ses influences en offrant aux auditeurs une réinterprétation fidèle de ce qui a déjà été fait (de la composition au jeu des musiciens en passant même par la production). En résumé, se contenter de jouer la musique que l'on aime sans se soucier de savoir si oui ou non ce que l'on a à proposer révolutionnera le petit monde qui nous entoure. Pour d'autres, c'est au contraire un moyen de se forger une réelle identité à travers une musique originale et toute personnelle qui ne renvoie strictement à rien de concret malgré des bases évidentes. Demilich fait assurément partie de cette seconde catégorie.
Ce groupe Finlandais formé en 1990 n'a sorti qu'un seul album, le redoutable mais insaisissable Nespithe. Avant cela, on compte tout de même quatre démos, toutes sorties entre 1991 et 1992. Autant dire que Demilich était particulièrement assidu. Paru initialement en 1993 sur Necropolis Records, Nespithe a fait l'objet de nombreuses rééditions. Elles sont au nombre de quatre dans des versions sensiblement différentes que ce soit en terme de format, de contenu ou même d'artwork. Celle en ma possession est la dernière en date que l'on doit au label Espagnol Xtreem Music. En plus de l'album (et de sa pochette identique depuis chaque réédition) on y trouve la démo The Four Instructive Tales... Of Decomposition.
Composé essentiellement de titres figurants déjà sur les quelques démos évoquées plus haut, Nespithe est un album vraiment hors normes pour l'époque, et cela en bien des points. La chose la plus troublante et celle avec laquelle certains on eu ou auront certainement bien du mal, c'est la voix d'Antti Boman. Extrêmement gutturale pour l'époque, elle est d'une profondeur déroutante réduisant comme peau de chagrin la frontière qui peu exister entre le génial et le ridicule. Elle est même tellement profonde que le groupe s'est senti obligé d'apposer dans le livret de la version originale la note suivante: "Absolutely no effects were used on the vocals in any way". C'est dire. Il est vrai que notre homme se la joue pour le coup plombier de la scène death metal avec un growl dont la sonorité est assez proche d'un siphon que l'on débouche (un type de chant que l'on retrouvera plus tard surtout dans le grindcore). Pour parfaire le tout, Antti Boman n'y ajoute que peu de variation, que ce soit dans ses intonations qui restent plutôt identiques sur toute la longueur de l'album et même dans le rythme de son phrasé qui parfois donne le sentiment d'être parlé plus que chanté. Alors si ces vocalises peuvent être considérées comme une barrière pour pénétrer l'univers des Finlandais, force est de constater quelles contribuent quand même beaucoup à l'ambiance macabre, oppressante et étrange qui règne à l'écoute de Nespithe.
Si vous faites parti de ceux pour qui cette voix n'est pas un obstacle infranchissable alors vous pourrez vous régaler d'une musique riche et bien construite faisant appel à des références qui s'éloignent ouvertement de la scène death metal. Servit par une production plutôt naturelle et relativement neutre mais qui pour autant ne manque pas de puissance, les compositions de Demilich font preuve d'une richesse technique très intéressante pour l'époque. Sans être musicien, on se rend vite compte que les Finlandais ont bien plus à nous proposer que de simples accords de guitares ou des fûts maltraités à la va-vite. Que ce soit le riffing ou le jeu de batterie, ces deux éléments clefs de la musique de Demilich font preuve de diversité et surtout d'un feeling rare. Les deux semblent jouir d'une certaine liberté dans leur exécution respective. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il se dégage de Nespithe un feeling jazz mais malgré tout nous n'en sommes pas loin tant la succession de riffs, d'idées ou de pattern procurent un groove incroyable (les premières secondes de "The Sixteenth Six-Tooth Son Of Fourteen Four-Regional Dimensions (Still Unnamed)") en même temps qu'un certain sentiment d'arythmie. Mais tout cela est fait avec tellement de naturel, avec pour but unique de servir l'ambiance générale qu'on y fait presque pas attention. Pourtant, du riff à se taper la tête il y en a, autant que ces patterns de batterie à vous retourner le cerveau. D'ailleurs, c'est tellement parfait que ça me hérisse le poil comme sur l'excellent "(Within) The Chamber Of Whispering Eyes". Tout y est génial: la batterie pleine de groove (que j'aime cette façon de frapper la cloche des cymbales), les guitares et ce lead lugubre à 0:20, ce feeling macabre incroyable, cette voix... Raaa. On frise presque la perfection. Et dites vous bien que le reste de l'album est du même acabit.
En plus de ces onze titres fabuleux, on retrouve donc sur cette réédition, la première démo de Demilich intitulée The Four Instructive Tales... Of Decomposition. Je ne connais pas l'enregistrement d'origine mais une chose est sûre, la qualité est au rendez-vous, une fois de plus. Évidemment, la production est sensiblement moins bonne, mais elle reste d'excellente facture. Les riffs et le jeu de batterie sont peut-être un poil moins impressionnant/intéressant mais là encore, on est sur des compositions de grande qualité. La voix est assez similaire à celle de Nespithe même si je la trouve encore un peu plus gutturale. Sachant que ces titres ne figurent pas sur cet unique album, l'ajout de cette première démo est donc une très bonne chose d'autant que la qualité, comme je vous le disais, ne dépareille pas du reste de son contenu.
Difficile aujourd'hui de déterminer l'impact qu'aurait eu Demilich s'il avait poursuivit sa carrière après son split en 1995. Une chose est cependant certaine, Nespithe à marqué son époque et continue d'être aujourd'hui cité en référence lorsque l'on parle de death metal Finlandais. Nespithe est un album hors du temps, qui en son temps n'a probablement pas du rencontrer le succès d'estime qu'il connait aujourd'hui. Il est donc plutôt cocasse de constater que malgré plusieurs rééditions, il est plus ou moins devenu difficile de mettre la main sur cet objet. Quoi qu'il en soit, voilà un album à posséder pour son caractère historique et novateur pour l'époque mais aussi et surtout parce qu'il fourmille d'excellents morceaux à l'ambiance sinistre incroyable.
| AxGxB 15 Mars 2012 - 7186 lectures |
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