Voices - From The Human Forest Create A Fugue Of Imaginary Rain
Chronique
Voices From The Human Forest Create A Fugue Of Imaginary Rain
Avant d'entamer cette chronique, permettez-moi de profiter de cet espace de liberté d'expression qui m'est alloué pour pousser un coup de gueule, et promis, pour une fois il n'a rien à voir avec l'ethnie des pickpockets du Louvre ou les amateurs d'un groupe nommé d'après un monstre de cinéma japonais. Il était annoncé, dans la promo de ce premier album de Voices, des moments à 320 bpm, ce qui dans les faits est tout à fait exact. Seulement, s'ancrant dans la tradition séculaire de leur abjecte contrée, ces fourbes Anglais n'ont pas respecté l'esprit de la désormais répandue « course à celui qui ira le plus vite », qui consiste à parler de l'équivalent d'une vitesse d'exécution à la double croche. Or si le passage en question est effectivement à un tempo de 320, le riff est joué en triolets de croches, ce qui relève presque de la tromperie sur la marchandise quand on attendait des riffs à quasiment vingt-deux notes à la seconde – ok, dix-huit c'est déjà pas mal. Bientôt un album à un tempo de 900 joué entièrement à la ronde ! En vérité Voices n'arrive pas tout à fait aux tempos des moments les plus rapides d'Akercocke, car oui, c'est bien des cendres du regretté Akercocke que Voices est né, sans toutefois ni Matt Wilcock ni Jason Mendonça. Ce sont donc le vétéran David Gray, Peter Benjamin, qu'on avait pu entendre sur Antichrist, et Samuel Llyones, qui avait fait partie de Akercocke en live, qui ont fondé avec le moins connu Dan Abela ce nouveau groupe, chargé de propager dans son metal extrême l'autre trait caractéristique des Anglais : la classe. Avec Fabrice.
Bon, au lieu de faire des vannes moisies avec des références que notre jeune lectorat ne comprendra pas, il me faut passer aux choses sérieuses et soulever un point important : Voices n'est absolument pas un Akercocke bis. Là où le groupe de Jason Mendonça multipliait les visages, alternant les riffs death et quelques fois black avec des passages acoustiques voire planants, comme sur l'excellent Words That Go Unspoken, Deeds That Go Undone, Voices pratique un post-black certes changeant mais ne laissant que peu de place aux accalmies, ne vous attendez donc pas à retrouver les ambiances d'un « Shleter From The Sand », ce n'est pas le propos de ce nouveau projet. Malgré un riffing assez direct rappelant globalement le E x | I s t de Infestus, le groupe n'hésite pas à verser dans un style plus rampant et torturé, rappelant parfois même les Français du défunt Borgia. From The Human Forest Create A Fugue Of Imaginary Rain est donc très clairement à rattacher à la mouvance post-black, même s'il n'en emprunte que marginalement les codes, usant avec parcimonie des contretemps, et ne laissant qu'une place modérée aux dissonances. Voices n'a donc heureusement pas le visage disgracieux des saloperies torturées ou sans dynamique de la morne scène post-black d'outre-Atlantique, et c'est un black metal à la fois brutal et atypique que proposent les Anglais, aux allures du bon Blut Aus Nord au début de « Endless », voire de Deathspell Omega pour les parties plus torturées d'un « Fragmented Illustrations of Anger » – en vachement mieux toutefois parce qu'il ne faut pas déconner, il y a une vraie ligne directrice dans les titres de Voices. Car malgré tout, le propos reste majoritairement mélodique, mais trop brutal pour parler à ceux qui s'attendraient à la balade champêtre du dernier Summoning. Ici tout est froid et déshumanisé, mais assez personnel pour que premier album marque l'esprit plusieurs heures durant.
S'il ne se dévoile entièrement qu'après de nombreuses écoutes grâce à quelques titres assez peu directs, From The Human Forest Create A Fugue Of Imaginary Rain marque surtout par sa brutalité, qui s'exprime surtout dans un riffing assez classique mais suffisamment bien amené pour que les pics d'intensité coïncident avec les pics de vitesse, qui rappelons-le sont assez souvent très rapides. Et Voices, comme Akercocke en son temps, ne blaste jamais à vide ni en vain, soulignant à merveille des instants mélodiques en un contraste saisissant, comme sur le formidable refrain en chant féminin de « Eyes Become Black », titre à la structure assez classique mais dont l'audace n'a d'égale que la densité de son blast. Entre autres excellents riffs de guitare, le début de « Unawareness of Human Emotion » ne sera surpassé que par l'intro de « Sexual Isolation », qui, du haut de ses onze minutes, est un titre extrêmement varié, allant d'accalmies faites d'arpèges dissonants en blasts sourds à des vitesses supersoniques dont David Gray a le secret. Bien entendu, à l'image de son batteur, la technique des musiciens de Voices est sans faille, bien que sans solo ni passages avec des timings véritablement complexes, ce sera surtout par leur vitesse d'exécution globale qu'ils impressionneront. Mais s'il est un élément vraiment remarquable sur l'album, c'est la justesse du chant de Peter Benjamin, dont les vocaux typés black metal sont excellents, et surtout dont la voix claire parfaitement dosée, utilisée pratiquement comme un chœur, est véritablement intégrée aux compositions, comme sur le refrain de « Everything You Believe Is Wrong ».
S'il fallait trouver un défaut à Voices, ce serait sans doute celui de vouloir un peu trop forcer les choses dans la variété d'un même titre, faisant de « Creating the Museaum of Rape » un bon aperçu de ce que le groupe propose avec un très bon riff blasté, une accalmie en chant clair/féminin, mais aussi des moments dissonants sensiblement plus faibles que le reste. C'est dommage car « Dnepropetrovsk » et « Fragmented Illustrations of Anger », qui sont au final les deux titres véritablement post-black de ce From The Human Forest Create A Fugue Of Imaginary Rain, sont trop dissonants et un poil trop lents pour posséder un véritable impact, et demeurent sans aucun doute possible les deux lanternes rouges d'un album par ailleurs très propre et sans défaut majeur. Mais ce premier essai ne possède pas non plus l'éclat extatique d'un groupe touché par la grâce, se transcendant dans l'innovation, comme a pu l'être Akercocke sur ses trois derniers albums ; il lui manque assurément du génie, au delà d'excellents riffs qui font admirablement bien leur office. On était peut être en droit d'attendre plus de moments marquants, à l'image du refrain en chant féminin de « Eyes Become Black » ou de l'excellent intro de « Sexual Isolation », et si tout l'album est logique, il paraît parfois un peu évident, même s'il est un monument d'innovation à l'échelle du black metal actuel, y compris la mouvance post-black et ses inlassables gimmicks.
Reste à savoir à qui From The Human Forest Create A Fugue Of Imaginary Rain parlera véritablement. Les fans de post-black facile à la Krallice seront déboussolés par une trop grande âpreté des riffs et un univers trop en mouvement pour eux, les amateurs de black metal classique n'apprécieront pas l'usage de dissonances ou de chant féminin, et les amateurs d'Akercocke n'auront pas la touche Mendonça, avec son growl profond et ses parties acoustiques qui faisaient le sel de ses compositions. S'il ne peinera pas à séduire tous ceux qui aiment leur black metal travaillé et ambitieux, il sera toutefois difficile d'y trouver pleinement son compte tant les univers qu'il propose sont parfois drastiquement opposés, même s'ils rejoignent parfois, mais trop rarement, en quelques moments de très grande qualité, telle la fin du quasi-parfait « Endless ». C'est peut être là le plus gros défaut de l'album : très ambitieux mais pas suffisamment audacieux pour aller constamment au bout de son propos, hormis sur trois titres véritablement au-dessus du lot, et qui feraient presque regretter qu'un trop facile « Fragmented Illustrations of Anger » - rappelant un peu les perfectibles débuts d'Akercocke – ait été retenu pour faire l'objet du clip de l'album, même un an et quelques avant sa sortie. Mais on pardonnera bien vite au groupe puisque, comme d'habitude avec ces musiciens, il y a une fille en sous-vêtements qui se trémousse dans le clip, et ça suffit largement à faire passer un titre un peu moyen. Enfin ça c'est la théorie, parce que dans la pratique j'ai un peu l'impression de regarder une pub pour un gel douche senteur black metal.
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