Helrunar - Niederkunfft
Chronique
Helrunar Niederkunfft
Avec la sortie en février dernier de son quatrième album intitulé Niederkunfft, Helrunar confirme sans trop de surprise le changement de cap abordé depuis l’excellent Sól (Sól I: Der Dorn Im Nebel et Sól II: Zweige Der Erinnerung) paru en 2011. Une évolution intéressante marquée cette année par un autre changement, celui des thèmes jusque-là abordés par le duo allemand. Skald Draugir (Árstíðir Lífsins) et Alsvartr ont ainsi laissé de côté la mythologie nordique au profit de la bonne vieille Europe et de son Histoire, celle allant du Moyen-Âge jusqu’à des temps plus modernes (de 1348 à 1654). Une époque faite de croyances obscures, de religions omnipotentes, de découvertes majeures, de peurs et de maladies oubliées... A ce titre, l’artwork de ce nouvel album est plutôt réussi, laissant ainsi de côté l’aspect plus mystérieux et naturel de ces précédentes réalisations pour quelque chose de beaucoup plus sombre et concret.
Pour ce qui est de la version CD, deux éditions existent. La première et la plus abordable n’est rien d’autre qu’un digipack à trois volets tout ce qu’il y a de plus sobre. La seconde, pour le coup bien plus onéreuse (presque 30€ sur le shop de Prophecy), se présente sous la forme d’un digibook recouvert de (faux) cuir marron sur lequel un crâne argenté y est frappé. A l’intérieur un livret de 48 pages, des textes supplémentaires, un complément d’artwork et surtout un deuxième CD proposant deux titres inédits ("Landsknecht" et "1683"). Un bel objet malgré le prix quelque peu rédhibitoire…
Loin de ses débuts plus académiques mais aussi plus intenses, Helrunar s’est petit à petit tourné vers un Black Metal misant davantage sur l’atmosphère plutôt que sur l’aspect frontal caractérisant ses deux premiers essais longue durée. N’allez pas croire pour autant que le propos d’Helrunar se soit adouci. D’ailleurs, en allant faire un tour sur le shop de Prophecy on peut y lire la phrase suivante : "Never before have Helrunar sounded so nihilistic". Et s’il est toujours judicieux d’aborder les communiqués promotionnels avec des pincettes, cette phrase n’en est pas moins vraie tant l’ambiance qui émane de Niederkunfft ne prête franchement pas à sourire. Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir disait Johnny Halliday... Il avait raison.
Reléguées à l’arrière-plan (malgré quelques exceptions comme les débuts de "The Hiebner Prophecy"), les séquences les plus bas du front ont ainsi laissé place depuis Sól à une nouvelle architecture établie sur la base de mid-tempo sombres et extrêmement pesants. Une évolution qui devrait laisser circonspect les amateurs de la première heure mais qui, reconnaissons-le, confère à Niederkunfft une noirceur absolument étouffante, impénétrable et contagieuse que ses prédécesseurs n’avaient pas (du moins pas à ce tel niveau). Aussi, ceux d’entre vous qui oseront aborder ce disque le cœur léger se sentiront très probablement vidés de toute allégresse une fois passé les deux ou trois premiers titres car c’est bien une atmosphère glaciale et sinistre qui se développe au fil des secondes. Une ambiance qui se nourrit également de la rigueur de la langue allemande dans laquelle chante Skald Draugir (à l’exception de "Devils, Devils Everywhere!"). Une langue aux sonorités gutturales qui instaure la crainte et la toute-puissance, le respect ainsi qu’une certaine austérité ("Grimmig Tod", titre a capela chanté à l’unisson par plusieurs voix menaçantes). La langue idéale pour nous conter ces histoires sanglantes et obscures de cette bonne vieille Europe. Pour en terminer avec cette atmosphère des plus pesantes, n’oublions pas de mentionner le rôle de la production bien plus puissante et compacte qu’auparavant et qui confère ainsi aux riffs d’Alsvartr encore davantage de lourdeur.
Des riffs qui eux aussi ont évolué avec le temps. L’aspect cru et abrasif qui les caractérisaient jusque-là (enfin toujours jusqu’à Sól) s’est depuis transformé en quelque chose de beaucoup plus torturé et sinueux en conservant une approche mélodique indéniable et surtout incroyablement travaillée (mention particulière sur l’ensemble des leads à vous filer le bourdon). Certes, les riffs d’Helrunar ont peut-être perdu de cet aspect frontal qui faisait leur force mais ils ont gagné en profondeur et en puissance évocatrice. De fait, même si certains amateurs de la première heure risquent de déchanter et de regretter cette époque où Helrunar s’adonnait à la pratique d’un Pagan Black Metal plus intense, force est de constater que le duo allemand a tout de même gagné en maturité et en personnalité sans pour autant perdre de son intérêt. Car si le rythme s’est assagit, ces titres possèdent la capacité de transporter l’auditeur là où Helrunar en a envie, nous faisant ainsi parcourir avec Niederkunfft l’Europe de la Renaissance. Un voyage documenté et immersif dans les heures les plus sombres de notre Histoire.
Quant aux deux titres présents sur l’éditions collector, ils sont eux aussi d’excellent facture et auraient très bien pu s’intégrer à l’album même si on peut comprendre qu’Helrunar n’ai pas souhaité s’étaler davantage afin de ne pas effrayer les auditeurs avec plus de soixante minutes de Pagan Black Metal à s’enfiler d’une traite. Ainsi, le voyage évoqué il y a quelques lignes est ici prolongé pendant près de dix minutes supplémentaires. Dix minutes marquées par deux compositions construites sur le même modèle et offrant ainsi aux auditeurs qui n’hésiteront à se délester d’une trentaine d’euros, un Black Metal racé et personnel fait de leads et de mélodies toujours aussi puissantes et évocatrices.
Avec Niederkunfft, Helrunar continue ainsi sa transformation entamée sur l’ambitieux Sól que je ne peux également que vous conseiller. Bien que le duo ait décidé de calmer le jeu, d’alourdir et de noircir son propos, celui-ci n’en reste pas moins captivant, évitant au passage de susciter ne serait-ce qu’un seul soupçon d’ennui. A l’instar d’Árstíðir Lífsins dans lequel évolue également Marcel Dreckmann aka Skald Draugir, Helrunar possède cette même puissance évocatrice basée sur une Histoire toujours aussi riche et foisonnante. Avec l’Automne qui se dessine avec les jours qui continuent de raccourcir, Niederkunfft s’impose comme le compagnon idéal de ces nuits froides à venir. Un disque fort, capable de faire voyager n’importe quel auditeur un tant soit peu réceptif à travers un Pagan Black Metal puissant d’une sobriété impeccable.
| AxGxB 4 Septembre 2015 - 1362 lectures |
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