Il y a six ans (déjà !), j'abordais le cas Odraza, par le prisme de leur premier
full-length,
"Esperalem Tkane". Séduit que j'étais par la pochette, dégoûtante à souhait, et qui collait merveilleusement au contenu du disque, comme au nom du combo : la répulsion. À l'époque, j'expliquais, un peu maladroitement, espérer que le duo finisse par s'émanciper de l'influence de leurs pairs pour proposer quelque chose de plus personnel, leur permettant enfin d'atteindre les sommets.
Ce jour est arrivé, six ans plus tard. Un retour que l'on n'attendait plus, ou tout simplement pas, sans annonces ni trompettes, presque timide - et finalement, ce
comeback très intimiste colle parfaitement au contenu du disque.
"Rzeczom" est purement Black Metal. Pas de l'école qui blasphème et crache sa haine, mais de celle qui déprime, tout en sachant rester digne dans le chagrin. Ce Metal d'un noir de jais, mais à la surface usée, qui dépeint la sinistrose ambiante, celle du train-train quotidien, de la lassitude. Enregistré par des gens tristes, jamais satisfaits (
"Je veux l'hiver quand c'est Juillet, et je ne peux déjà plus le supporter six heures après" sur "W godzinie wilka") qui cherchent du regard, au loin, des cieux plus cléments - cette quête que l'on devine par cette pochette, sublime photographie de J. Drzewiecki, et par ces visuels, réalisés par l'omniprésent Sars (Furia). Ce sont d'ailleurs ses géniteurs qui en parlent le mieux :
"Rzeczom", de leur propre aveu, est à prendre comme un journal intime. Et ses titres comme des instantanés de ces rares instants de beauté, fugaces, mais qui nous poussent malgré tout à continuer d'avancer.
Soyons terre-à-terre. Musicalement, et sans surprise aucune,
"Rzeczom" est avant tout un grand disque de Black Metal. Pouvait-il en être autrement, vu le pedigree de Priest et Stawrogin ? Toutes ces années à charbonner au service de l'
underground Polonais, ce talent dont on a pu se délecter, chez Gruzja, chez Massemord, chez Totenmesse, chez Medico Peste, se retrouve ici transcendé. Parce qu'il est mis au service du vécu, tout simplement.
"Rzeczom" est sincère, vrai, il transcende la banalité du quotidien et dépeint ses prisonniers, dans leurs cages de béton (
"Oui, c'est votre théâtre, vous, les loups des steppes" sur le morceau titre), ceux qui rêvent d'ailleurs. Le moindre roulement de Priest (l'ouverture cadencée, presque militaire, de "Bempo"), le moindre passage en chant clair (ce duo désabusé sur "Długa 24"), même les passages qui se cassent volontairement la gueule (le pont de "...twoją rzecz też") sont mis au service de l'atmosphère générale... Complètement désabusée. C'est triste, en effet, mais ça n'oublie jamais d'être puissant, tant dans la composition que dans les sentiments, tonitruants, que
"Rzeczom" véhicule durant près d'une heure.
Au détour de la toile, j'ai pu voir beaucoup de comparaisons faites avec Shining. Disons que
"Rzeczom" aurait tout à fait pu être mis en boîte par les
sweds... Pour peu que Kvarforth ait arrêté cinq minutes de se regarder le nombril. Chez Odraza, le
spleen est vécu, palpable, ce n'est pas un argument commercial creux. Ainsi,
"Rzeczom" est un véritable modèle de Black Metal viscéral, inspiré par la ville, le béton, la lueur des lampadaires dans les flaques de pisse, qui raconte, avec puissance et justesse, l'effet destructeur de cet environnement, de cette vie et de ses galères, sur le mental de ceux qui y évoluent. N'est-ce pas la marque des chef-d'oeuvres, que de parvenir à faire sentir et ressentir sans avoir besoin d'en faire des caisses ? Il me semblait bien.
"Rzeczom", pour son arrivée, s'est contenté de la petite porte. Après écoute, force est de constater que c'est bel et bien le trône qu'il mérite. Un futur essentiel.
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