Après avoir autofinancé un E.P. un peu fourre tout pour faire patienter les fans (« Out Of The Dark … Into The Light »), retour aux choses sérieuses pour KREATOR avec un quatrième album qui fera date, autant pour les conditions de sa réalisation –
signature chez une major (Epic), tournage d'un clip pour le hit à venir « Betrayer » qui fera un carton sur MTV, migration à Los Angeles pour les sessions d'enregistrement – que pour le résultat final, un « Extreme Aggression » qui s'impose rapidement comme un des meilleurs albums du groupe. Toujours avec le même line-up (mais ce sera la dernière participation de Jörg « Tritze » Trzebiatowski avant son remplacement par Frank « Blackfire » Gosdzik des concurrents SODOM), Mille Petrozza et les siens partent donc outre atlantique pour enregistrer le successeur de
« Terrible Certainty » et mettent leur destin entre les mains du producteur Randy Burns, monsieur « Peace Sells … But Who's Buying ? » en personne.
Trouvant là un rare point d'équilibre entre crise adolescente thrash des débuts et progrès technique amorcé sur un
« Terrible Certainty » déjà transitionnel à ce niveau, « Extreme Aggression » présente ainsi une formation ayant progressé dans tous les domaines : plus à l'aise dans les variations, plus diabolique dans la gestions des accalmies et laissant planer une menace sourde sur les titres les plus retors du tracklisting, KREATOR, non content de pratiquer la déforestation à la rotative sur un title track d'une violence inouïe (et un classique absolu, un !), se fait également plus vicieux que jamais sur des perles de rage contenue comme sur une « Some Pain Will Last » dont les paroles empreintes de désenchantement font froid dans le dos :
Prepare, prepare for some pain yet unknown
Planned and arranged for so long
Chemical mutants arise
A generation born just to die
Born just to die, a whole generation born just to die !
Un virulent manifeste à l'attention d'une jeunesse dépitée, s'essuyant les pieds sur un pacte de confiance bafoué par les élites (non, Tchernobyl ne passera pas les Alpes !) et qui se retrouve parfaitement dans les véléités libertaires d'une « Love Us Or Hate Us » en forme de majeur tendu à la face du monde. Toujours aussi extrême musicalement parlant malgré une formule brutale qui s'affine logiquement au fil des ans, KREATOR peut désormais s'appuyer, pour la première fois de sa jeune carrière, sur des solis plus que décents, la paire Petrozza/Trzebiatowski ayant considérablement progressé depuis les leads spécial rage de dents d'un
« Pleasure To Kill » faisant passer la dialectique du chaos slayerienne pour les ritournelles chantantes de la vierge de fer. J'en veux pour preuve une montée de sève particulièrement jouissive à 4 :14 sur « Some Pain Will Last » donc, mais également sur le break mélodique de la monumentale « Betrayer », qui n'est pas devenue pour rien une indéboulonnable des setlists du groupe sur scène. Alors certes, par le passé, on a connu KREATOR plus rapide qu'il ne l'est sur cet album mais c'est peut être sur « Extreme Aggression » que Mille Petrozza livre sa performance vocale la plus aboutie. Toujours soutenu par les traditionnelles backing vocals sans lesquelles le thrash ne serait pas ce qu'il est, le chef de meute joue ici les aboyeurs comme personne, avec une férocité et une conviction qu'on ne retrouvera que partiellement par la suite,
« Coma Of Souls » marquant la première étape vers un lissage du son kreatorien qui ne sied que moyennement à un groupe de ce calibre.
Les titres les plus satisfaisants étant concentrés au début de la galette, on regrettera toute de même une légère baisse de régime une fois digéré l'assaut frontal d'une « Betrayer » dont les textes venimeux hanteront des générations de metalheads -
Your word isn't worth more than puke in the dust, betrayer !!! - KREATOR concluant un programme court par une « Fatal Energy » au caractère heavy plus prononcé que d'habitude malgré des accélérations thrash typiques, les moins définitives « Don't Trust » (qui annonce clairement la sophistication à venir sur
« Coma Of Souls ») et « Bringer Of Torture » (qui fera l'objet d'une reprise par DARK TRANQUILLITY) étant un cran en dessous des « No Reason To Exist » et autres « Stream Of Consciousness ». Rien de rédhibitoire cependant, surtout pour un « Extreme Aggression » frayant largement en dessous des quarante minutes et à la production parfaite, à la fois délicieusement abrasive (les riffs conservent leur tranchant coutûmier) et d'une grande clarté. Le caractère historique de
« Pleasure To Kill » mis à part, « Extreme Aggression » émarge donc à mes yeux au rang de meilleure réalisation du groupe, conséquence d'un placement entre un troisième full length batailleur mais encore perfectible
(« Terrible Certainty ») et d'un
« Coma Of Souls » fort séduisant mais un peu trop propre derrière les oreilles pour emporter totalement l'adhésion. Un essentiel du thrash, tout simplement.
3 COMMENTAIRE(S)
20/08/2010 13:51
De nada! Aussi bon que "Coma", en plus sauvage, tu devrais apprécier!
20/08/2010 10:45
15/08/2010 13:46