Entre toutes ses sorties les plus récentes (Gruesome, Torche, Skinless...), Relapse Records continue aujourd’hui son travail d’archéologie amorcé il y a déjà pas mal d’années mais sur lequel une certaine emphase semble être mise ces derniers mois. Après avoir remis sous les projecteurs les albums de God Macabre (
The Winterlong) et de Num Skull (
Ritually Abused), le label de Pennsylvanie s’intéresse aujourd’hui à un groupe canadien de Speed/Thrash longtemps passé inaperçu (en dehors des aficionados et autres initiés) malgré la qualité de ses albums. Il faut dire que dans la catégorie des pires artworks enfantés par la scène Thrash, Razor se pose comme l’un de ses leaders. Ainsi, pas un seul de ses huit albums ne fait exception à la règle et parmi les quelques disques réédités aujourd’hui par Relapse (
Violent Restitution,
Shotgun Justice et
Open Hostility), force est de constater que j’ai jeté mon dévolu sur le moins catastrophique des trois (visuellement parlant). Pour tout vous dire, c’est même le seul dont le revampage passe presque inaperçu...
Avant de rentrer dans le vif du sujet, intéressons-nous tout de même à l’histoire de Razor. Le groupe canadien voit le jour en 1983 à Guelph dans la province d’Ontario (une petite ville située à une centaine de kilomètres à l’ouest de Toronto). Il fait ainsi partie de la première vague de groupes Thrash à émerger aux débuts des années 80 bien que son premier album soit sorti un peu tardivement (1985) en comparaison de ceux qui ont marqué la scène Thrash de cette décennie. Formé sur la base d’un quatuor, Razor va enchaîner les sorties à un rythme particulièrement soutenu. Deux albums sortiront ainsi en 1985 (
Executioner's Song et
Evil Invaders) suivis entre 1986 et 1991 par cinq autres albums. Une productivité à toute épreuve, même face aux quelques problèmes de line-up rencontrés par le groupe.
Violent Restitution marque en effet l’arrivée de Rob Mills et Adam Carlo (frère de Dave Carlo, guitariste de Razor) dans les rangs de la formation canadienne. Ces derniers remplacent respectivement Mike Embro (batterie) et Mike Campagnolo (basse) qui a d’ailleurs réintégré la formation en 2011. Un changement de line-up tout ce qu’il y a de plus transparent puisque l’essentiel de Razor repose principalement sur les riffs assassins de Dave Carlo et la voix arrachée et un brin nasillarde d’un Stace McLaren aka Sheepdog au sommet de sa forme (ce cri sans fin sur l’excellent "The Marshall Arts"!). Au-delà de ces allées et venues qui accompagnent la sortie de ce cinquième album, précisons que dans le cadre de cette réédition,
Violent Restitution a été remastérisé et que trois titres live enregistrés en 1988 à Toronto ont également été ajoutés.
Ne souhaitant probablement tromper personne sur la marchandise, Razor rentre immédiatement dans le vif du sujet grâce à une introduction absolument jouissive qui aurait dû, si l’Histoire avait été bien faite, marquer au fer rouge toute la scène Thrash des années 80. Tout y est expliqué en l’espace de deux minutes et quarante-cinq secondes grâce à "The Marshall Arts", un titre en mode "blitzkrieg" tout a fait représentatif de ce que l’on peut retrouver sur
Violent Restitution: un Speed/Thrash véloce et dynamique au riffing incroyablement efficace. Rien de bien sorcier dans tout ce bazar mais les petits gars de Razor prouvent ainsi en l’espace de quelques secondes qu’ils ont absolument tout compris au Thrash et qu’il serait vain de vouloir le faire sonner autrement.
La base du Thrash ce sont donc les riffs et si quelqu’un essaye de vous convaincre du contraire, foutez le à la porte de chez vous, supprimez le de vos amis Facebook, bref, débarrassez-vous-en le plus vite possible. Dave Carlo lui l’a très bien compris et nous en fait la preuve pendant plus de quarante minutes. Un riffing simple et ultra incisif rappelant le tranchant d’un certain Exodus et qui, à l’exception de quelques séquences moins heureuses ("I'll Only Say It Once", "Fed Up"), se montre toujours d’une efficacité sans faille ("The Marshall Arts", "Hypertension", "Taste The Floor", "Enforcer", "Out Of The Game", "Eve Of The Storm", "Soldier Of Fortune"...). Un savoir–faire exemplaire qui a du initier bien des vocations de guitariste parmi les adolescents ayant eu la chance de découvrir cet album il y a de cela presque trente ans. Pourtant, en ce qui concerne les soli, même si Dave Carlo en dispense quelques uns tout au long de
Violent Restitution, ce ne sont pas eux que l’on retient principalement mais plutôt tous ces riffs tricotés à toute berzingue qui insufflent chez Razor cette intensité destructrice.
Un rythme soutenu, appuyé par les cavalcades d’un Rob Mills qui n’a décidément pas volé sa place et dont les tchouka-tchouka battent ainsi la mesure sans discontinuer ou presque. Les quelques breaks ne sont là que pour briser des nuques et/ou offrir une nouvelle impulsion à des titres qui pourtant ne manquent ni d’énergie ni de groove ("Taste The Floor" à 1:05 avec en bonus l’arrivée de cette tronçonneuse ensanglantée particulièrement bien intégrée, les premières secondes moins tendues d’un "Below The Belt" pourtant tout aussi bas du front, chaque amorce de refrain et notamment à l’arrivée des chœurs sur l’excellent "Enforcer", etc). Bref, attendez-vous à galoper un petit moment car Razor ne vous fera pas la politesse de vous attendre.
Terminons par la prestation de Sheepdog qui sera finalement évincé du groupe à la sortie de ce cinquième album pour des raisons d’entente avec le reste de la bande. Si sa voix est tout a fait adaptée à l’exercice et plutôt à ma convenance (rugueuse et agressive sans être trop aigüe), je lui reprocherais quelques placements parfois hasardeux. L’homme a des choses à dire et certaines de ses phrases débitées souvent à toute allure ont parfois un peu de mal à coller aux rythmes imposés par les riffs de Dave Carlo ou les assauts de Rob Mills. Rien de bien gênant car cela illustre finalement assez bien le côté jusqu’au-boutiste de Razor ainsi que cette folle intensité qui caractérise si bien ce
Violent Restitution mais il est vrai que cela peut parfois sembler quelque peu bancal. Cette voix à l’arrache vient, comme souvent dans le Thrash, appuyer des paroles acerbes et hautes en couleurs notamment sur la violence urbaine (agression, meurtre, vengeance et autre règlement de compte...). Razor n’est décidément pas là pour amuser la galerie même si l’humour n’est jamais loin dans tout cela.
Si certain on peut-être pu s’interroger sur l’intérêt de rééditer le pourtant convaincant
Ritually Abused de Num Skull, il ne fait ici aucun doute que
Violent Restitution méritait enfin une remise au goût du jour digne de ce nom. Merci à Relapse d’avoir initier la chose avec le repressage de pas un mais trois albums absolument indispensables pour quiconque apprécie le Thrash 80’s. Vingt-sept ans plus tard,
Violent Restitution n’a pas pris une ride et fait encore la nique à bien des albums de Thrash plus modernes. Quant aux trois titres live, il s’agit de deux morceaux tirés de l’album
Custom Killing plus un de
Violent Restitution. Sympa mais toujours relativement anecdotique en ce qui me concerne tant la restitution d’un live sur disque n’a que peu d’intérêt pour moi. Bref, rendez-vous service, achetez cet album et les autres aussi. Merci.
4 COMMENTAIRE(S)
28/02/2018 23:55
27/05/2015 15:15
25/05/2015 17:12
Très bonne idée que ces rééditions en tout cas, même si ce "Violent Restitution" restait assez facilement trouvable à prix raisonnable et que les bonus sont dispensables et allongent la durée d'albums qui gagnent à être courts pour rester 100% efficaces.
Pas d'accord sinon pour les artworks des 3 albums réédités, je les trouve terribles et tout à fait représentatifs du style agressif du groupe. Par contre, celles de "Malicious Intent", "Custom Killing" et "Decibels" sont très moches, oui!
25/05/2015 16:42