Jusqu'à
« Expurse of Sodomy », la bande à Tom Angelripper pratiquait un thrash primitif, pataugeant dans l'evil (
au passage, pas tant de différence que ça entre le rat evil et le rat méchant …), la crasse et les crus prémices d'un black metal blasphématoire. Sorti peu de temps après, « Persecution Mania » continue sur la lancée, en amorçant toutefois une ouverture – ou plutôt la confirmation d'une tendance déjà présente en filigrane, mais pas totalement assumée: l'amour du groupe pour le rock cradingue, mal lavé entre les orteils, à la Motörhead.
OK, vous me direz, pas besoin d'avoir fait Polytechnique pour mettre le doigt sur cette orientation nouvelle, une bonne grosse reprise d'« Iron Fist » figurant en bonne place sur cette galette. Mais les influences Lemmy Kilmisteriennes s'entendent par ailleurs sur pas mal de morceaux et passages épars: la grosse basse vrombissante du bombardier « Bombenhagel », l'esprit rock punky de « Conjuration », voire même le tout début de « Christ Passion » ... Ca sent pas le Jack Daniel's tout ça peut-être ?
Sur « Persecution Mania » donc, Sodom oscille entre un blackened thrash sulfureux, mauvais, labellisé « origines du black certifiées » (
« Nuclear Winter », « Electrocution », « Persecution Mania », « Christ Passion » …) et un evil crust'n'roll teigneux comme rarement (
« Bombenhagel », « Conjuration »). Cela ne rend néanmoins en rien (
ou à peine disons …) le groupe moins dangereux, Sodom sachant toujours évoquer avec talent des ambiances de fin du monde (
« Nuclear Winter »), l'enfer d'une jungle hostile (
« Persecution Mania ») ou les secrets du blasphème réussi (
« Procession to Golgotha » + « Christ Passion »), les éléments fondateurs du style du groupe - c'est à dire la délicieusement venimeuse voix de Tom Angelripper (
avec son élocution si merveilleusement démonico-reptilienne – écoutez moi « Electrocution » et sa prononciation sifflante des S: « ... by Sexual inStinct » / « SatiSfaction » / « Indescribable ecStaSieS » … J'adore ! On dirait Kaa dans « Le livre de la jungle » !! :)) et l'infernal couple guitare / basse au grain si agréablement boueux - restant inchangés.
Ah, puisqu'on en est à évoquer la guitare, attardons-nous sur l'une des (
nombreuses) forces de cet album que sont les flamboyants soli de Franck Blackfire: ceux-ci atteignent ici des sommets de feeling et de technique, à mille lieues de la rugosité ambiante. A la fois parfaitement intégrés aux morceaux et en total décalage avec le nihilisme cradingue du groupe, c'est le genre de géniale anomalie contradictoire qui fait la marque des grands.
A titre personnel - ouais bah c'est moi qui la fait cette chro hein ... - j'aimerais m'attarder, parmi les morceaux cultes qui constituent cet album, sur un couple infernal cher à mon cœur: « Procession to Golgotha » et « Christ Passion », le premier constituant une intro au second. « Procession to Golgotha », donc, est un court instrumental lourd, oppressant et rampant qui évoque à la perfection la pénible ascension d'un condamné qui ploierait sous une charge écrasante – disons une croix au hasard. Cet instrumental, pour l'ambiance qu'il dégage, est l'un de mes préférés, tous albums confondus – aux côtés du « From Skin to Liquid » de Cannibal Corpse, dans un autre registre. Ce périple s'achève au sommet du Golgotha pour laisser place à « Christ Passion », l'un des tous meilleurs morceaux de Sodom, toutes époques confondues. Quelle jouissance que cette littérale plongée progressive dans l'abyme d'un thrash infernal (
au 1er sens du terme): en effet le morceau commence de façon « light », presque rock comme – encore une fois - un Motörhead, puis le panzer se met progressivement en branle, noircissant le tableau et accélérant le tempo par petites touches, pour déboucher finalement, à 1:34 sur l'une des plus formidables descentes aux enfers qu'ait jamais connu le thrash metal (
Aaargh, si j'avais dû organiser un baptême sataniste, ça aurait été sous l'égide de l'anglais approximatif de Tom éructant « … You, that not know me as yet …. CHRIST PASSION !!! »).
Bien que culte, j'amputerai « Persecution Mania » d'un demi point à cause des charges suivantes :
* la fin de « Bombenhagel » – et donc de l'album – se fait, à partir de 3:36, sur une ligne de guitare joyeuse, à la limite du Happy Happy Helloween, qui m'insupporte et me gâche un peu le voyage
* certains morceaux comme « Electrocution » ou « Enchanted Land » – sans être le moins du monde mauvais – sont un peu plus fades, et en dessous du reste de l'album
* la reprise de « Iron Fist », aussi bonne soit-elle, tranche un peu du reste de l'album et - placée en troisième position -, constitue un faux pas dans l'harmonie de l'album: il aurait mieux valu en faire un bonus track
Quoiqu'il en soit, « Persecution Mania » est un album légendaire qui mérite son statut, et une excellente transition pour Sodom, qui va pouvoir continuer de muter vers un thrash moins sombre, plus guerrier, et tout aussi excellent sur
« Agent Orange ». Affaire à suivre ...
3 COMMENTAIRE(S)
29/12/2007 12:16
28/12/2007 20:36
Persecution Mania, du thrash old school crade comme je l'aime, un album impossible à louper pour les aficionados du genre :-) ... j'ai toujours une pointe de frisson à chaque fois que j'écoute "Christ Passion" (j'adore ce morceau). Impossible de ne pas headbanguer de la tête, tantôt doucement, tantôt plus frénétiquement
28/12/2007 16:59