Après l'excellent
Violent Restitution chroniqué par AxGxB, on continue de s'intéresser à la trilogie de rééditions de Razor par Relapse Records avec l'album suivant,
Shotgun Justice, sorti à l'origine en 1990 sur Fringe Products après un détour chez la grosse cylindrée Steamhammer. Comme son prédécesseur, l'opus voit son artwork embelli, sa musique remasterisée et sa durée largement rallongée par l'ajout de titres bonus. Je n'ai jamais été fan des nouvelles pochettes sur les rééditions ou même des simples cures de jouvence mais il faut avouer que pour le coup, le résultat se montre très convaincant, même si c'est presque trop bien fait pour du Razor!
Retour en 1990 donc. À une époque où le thrash a déjà commencé sa transition vers un son plus poli, plus mélodique et plus technique, Razor ne suit pas la même voie que bien de ses plus illustres collègues. Les Canadiens avaient certes quelque peu dévié de la route sur
Custom Killing en 1987 mais étaient bien vite retournés sur le droit chemin avec
Violent Restitution et son mitraillage ininterrompu, marquant la mutation total du combo historiquement speed à du pur thrash.
Shotgun Justice reprend exactement là où on avait laissé la formation. Seule différence, de taille, le départ du chanteur original Stace McLaren alias Sheepdog, remplacé par Bob Reid. Une grosse perte pour Razor dont une bonne part de l'identité se trouvait dans le chant de son frontman. Mais Bob Reid ne démérite pas, dans un registre pas si éloigné, assez arraché, rageur, encore plus agressif même et au débit très souvent rapide. Les thématiques à la dure le couteau entre les dents restent elles identiques, les paroles étant presque toutes écrites par le guitariste fondateur Dave Carlo. Le nouveau chanteur s'intègre ainsi très bien à la musique de Razor, même si on ne pourra s'empêcher de lui trouver un moindre charisme que Sheepdog. Quoiqu'il en soit, on se fait vite à ce changement.
Car pour le reste, c'est du pareil au même,
Shotgun Justice se voulant dans un style thrash metal urbain intense et linéaire très proche de
Violent Restitution. Les Canadiens nous ressortent en effet des titres courts et expéditifs entre deux et trois minutes qui s'enchaînent à une vitesse folle et ne varient quasiment pas. C'est bien simple, c'est quasiment du tchouka-tchouka permanent! Moi qui suis grand fan de cette rythmique skank beat, je peux vous dire que j'en ai pour mon argent, quitte à aller jusqu'à l'indigestion! Toujours à fond les ballons, Razor ne lâche la pédale qu'en de rares occasions, la plupart du temps en début de morceau comme sur "Meaning Of Pain", "Shotgun Justice", "Brass Knuckles", "The Pugilist", avant de rebalancer la sauce en général assez vite. Si ces passages sont bienvenus afin d'apporter un minimum de variété, je les trouve toutefois moins passionnants que les cavalcades thrash, à l'image de la première moitié de "Brass Knuckles" qui se révèle assez poussive par rapport à la deuxième bien plus percutante quand les chevaux sont lâchés. Niveau riffing, Dave Carlo n'a à nouveau pas fait dans la dentelle ni dans l'expérimentation. Ça thrashe à mort, bête et méchant! Razor a une définition très stricte du thrash: foncer dans le tas et montrer les muscles. Pas le temps de discuter! Du coup, c'est du riff incisif qui tâche et des titres très similaires sauf les rares introduits par du mid-tempo ou l'excellent "Burning Bridges", bien old-school et punky qui arrive à se démarquer ("Violence Condoned" un peu aussi grâce à son riff principal dans la même veine). Razor a le mérite de développer un style de riff assez unique, facilement reconnaissable, que l'on pourrait néanmoins rapprocher d'Exodus s'il faut absolument établir des rapprochements (ce côté guérilla urbaine, il y a même quelques chœurs!). N'attendez pas non plus vraiment de mélodies même si les riffs ont de l'accroche. Et les solos? S'il y en a bien au moins un par titre, ils font dans le chaotique au vibrato. Ils collent bien au style défonce de Razor mais clairement, ce n'est pas l'intérêt majeur de la musique du quatuor de l'Ontario. Cela dit, je suis sûr qu'ils manqueraient s'il n'y en avait pas! D'ailleurs j'adore quand les solos ne sont tenus que par le couple basse/batterie, sans couche de gratte rythmique. Mine de rien,
Shotgun Justice, malgré un style et une production très secs, ne manque pas de groove! La preuve aussi quand la gratte se fait plus lente mais la batterie continue de tartiner. Rha c'est bon ça!
Razor a-t-il donc réussi à faire aussi bien si ce n'est mieux que
Violent Restitution? Eh bien non! Malgré les grandes similitudes que
Shotgun Justice partage avec son prédécesseur, il reste un cran en dessous. Une sorte de remake, donc forcément moins bien. La différence? Une inspiration moindre niveau compos qui fait que l'on s'en lasse plus vite. Ce, en dépit de tout un tas de super hits bien efficaces et rentre-dedans comme l'ouvreur "Miami" qui met direct en jambes, "Violence Condoned", "Electric Torture", "Stabbed In The Back", "Parricide", "Burning Bridges", "Cranial Stomp", etc. L'aspect un peu moins inspiré fait ressortir le côté très répétitif des morceaux, certains plus anecdotiques en souffrant plus que d'autres ("Concussion" par exemple). Mais soyons clair, si
Violent Restitution s'avère supérieur,
Shotgun Justice n'en reste pas moins un album costaud de Razor et un très bon album de thrash tout à fait recommandable que je place personnellement juste derrière le trio gagnant
Executioner's Song /
Violent Restitution /
Open Hostility.
On accueillera donc avec plaisir cette réédition bienvenue, l'édition originale étant difficile à trouver à prix décent. Cependant, comme beaucoup de rééditions, celle-ci en fait trop. Pas sur le remastering où la différence n'est pas notable (juste plus de pêche) mais sur les bonus. Le thrash de Razor fonctionne ici par son côté expéditif brut de décoffrage. Une efficacité liée à une durée qui ne doit pas s'éterniser. Or, on passe ici de 39' à 57', beaucoup trop long pour le genre. D'autant que tous les morceaux se trouvent déjà sur l'album. On nous sert six versions différentes (live, alternate, original mix, rehearsal tronqué) qui n'ont que peu d'intérêt. Le point positif, c'est que l'on est pas obligé de les écouter! Ce n'est donc pas ça qui va gâcher la fête, même s'il fallait bien le mentionner. Non, moi je dis merci Relapse pour remettre au goût du jour un combo certes pas très populaire mais au statut culte dans les milieux bien renseignés. J'aime ce genre de groupes, ni les plus connus, ni les meilleurs, mais talentueux, sans compromis et qui ont une vision proche de la mienne. Qu'attendre d'autre de toute façon de la part d'un groupe qui s'appelle Razor et pond des titres comme "United By Hatred", "Electric Torture", "Shotgun Justice", "Brass Knuckles" ou "Cranial Stomp"?! Le thrash, ça doit être simple, rapide, efficace, intense, avec du riff qui tronçonne et du tchouka-tchouka en pagaille. Et
Shotgun Justice, c'est exactement ça!
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29/06/2015 08:25