Carrière en trois temps pour KREATOR avec un jeu de chaises musicales hasardeux dans les années 90 qui a failli causer leur perte -
passer sans transition du thrash frontal de « Cause For Conflict » à la sauce gothico-déprimante de « Outcast »/ « Endorama », fallait oser - suivi d'un comeback thrash mélodique réussi sous l'impulsion du génial six-cordiste de WALTARI, Sami Yli-Sirniö. Mais le premier temps qui nous intéresse ici, lequel a marqué plusieurs générations de thrashers au fer rouge d'un
« Pleasure To Kill » toujours aussi chaud bouillant 25 ans après sa parution, est symptomatique de la lente formation du son KREATOR, forgé dans la douleur d'un
« Endless Pain » trop juvénile et immature pour convaincre pleinement à la croisée des années 80.
Car après avoir appris à jouer plus vite que SODOM et SLAYER réunis sur un
« Pleasure To Kill » ultra bourrin mais bordélique au possible, Milland Petrozza et les assassins en puissance Rob Fioretti (basse), Jurgen Reil aka Ventor (batterie) et Jörg Trzebiatowski (guitare), une fois hissé au plus haut l'étendard de la haine, passent à l'étape supérieure : sur ce « Terrible Certainty » qui voit KREATOR lâcher Harris Johns pour le producteur Roy Rowland, il est grand temps d'apprendre à poser une rythmique ! Et c'est chose faîte, avec brio, sur un album transitionnel dans le bon sens du terme puisque les allemands corrigent sur « Terrible Certainty » un de leurs défauts majeurs, une certaine propension à la débauche instrumentale qui ne les avait pas empêché de causer un maximum de dégâts à force de canarder tout azimuth sur ce qui restera comme un des plus gros pugilats métalliques de l'histoire (réécouter « Rippin Corpse » et « The Pestilence » pour s'en convaincre). Rythmiquement parlant, ces huits nouveaux brûlots sont donc bien plus carrés que leurs devanciers, sans qu'on y perde pour autant grand-chose en matière de barbarie ; avec les jeux du cirque d'une « Blind Faith » qui a sans doute bercé l'enfance de Nergal en ouverture …
« The lions come storming in, the spectacle begins
The crowd is as one on their feet – See Christians bleed ! »
… KREATOR n'essaie même plus de cacher le sien à l'aide d'une « intro » en forme de trompe l'œil, ça charcle d'entrée et salement, les moins résistants dans le public mordant la poussière dès la première accélération lâchée dans l'arène à 0 :12 ! Un très bon titre d'ouverture sur lequel Mille Petrozza, non content de trouver définitivement sa « voix », affine le tranchant de ses riffs en attendant de passer à l'étape supérieure niveau leads. Les solis ? Une boucherie à faire grincer une convention de dentistes, comme précédemment, qui contraste sévèrement avec un ensemble ou le groupe se révèle en net progrès sur bien des plans. Mais plus que le détartrage sauvage promis au détour de chaque break, on retiendra l'application quasi-chirurgicale du groupe à pulvériser la résistance à l'aide de rythmiques d'enfer sur d'authentiques incitations à l'émeute du calibre de « Terrible Certainty », « Storming With Menace » ou encore « Behind The Mirror » sur lesquels les allemands ne donnent pas leur part aux lions. Le meilleur exemple d'un KREATOR formellement plus mature mais versant avec toujours autant de complaisance dans l'excès ? Certainement « Toxic Trace », de loin le morceau le plus redoutable de l'album malgré le statut de classique du title track. Détentrice des meilleur riff, refrain et break (les salves de double à contre temps de Ventor font des ravages), « Toxic Trace » marque vraiment le passage du groupe à l'échelon supérieur, au même titre qu'une « Behind The Mirror » à l'entame foudroyante –
et aux superbes arpèges introductifs - malheureusement plombée à mi parcours par une atteinte à l'ordre soloïsant à faire regretter les errances passées et futures d'un Rick Rozz. C'est à peu près le seul défaut d'un album où KREATOR s'essaye avec un certain succès au mid tempo sur « As The World Burns » et « No Escape », même si leur statut d'anonymes du back catalogue reste entièrement justifié. Moins intense et plus posé que
« Pleasure To Kill » malgré une propension à la désobéissance civile jamais prise en défaut, « Terrible Certainty » est donc le point de passage idéal vers son successeur, un
« Extreme Aggressions » toujours brutal mais qui verra KREATOR franchir un cap décisif sur le plan des … des … solis. Merci Keyser, y en a au moins un qui lâche pas l'affaire, c'est rassurant. Rassurant comme ce troisième très bon album dont pas mal de titres gagneraient à être défendus plus souvent sur les planches (« Toxic Trace » et « Behind The Mirror » en tête, suivis de « Blind Faith ») en lieu et place des sempiternelles « Riot Of Violence », « Terrible Certainty » ou « Betrayer ».
Sur la version remasterisée de l'album, on trouve également l'EP "Out Of The Dark ... Into The Light" (1988) en bonus.
1 COMMENTAIRE(S)
24/07/2016 04:04
Behind the Mirror sans doute une de leurs meilleures chansons elle est extra !