Septième album du combo d’Essen, “Cause For Conflict” marque une évidente perte de repères pour un KREATOR qu’on a connu plus prolifique par le passé, trois longues années séparant ce skeud charnière du déjà particulier
« Renewal ». Pourquoi charnière alors qu’en aucun cas on ne lui collera l’étiquette
classique ? Parce que comme tous les albums de rupture, les changements de caps décidés ici orientent le groupe parvenu au sommet d’une formule thrash à l’orée des années 90 (un
« Coma Of Souls » en béton armé) vers autre chose que l’agressivité débridée, les gueulantes d’écorchés vifs et les solis chaotiques du démarrage en fanfare
« Pleasure To Kill ».
Pourtant, tout démarre sous les meilleurs auspices avec un contenu plus rapide et brutal, presque death par moments ("Tapping The Vein" des voisins SODOM n'est pas bien loin) plus homogène que l’expérimental (et réussi)
« Renewal ». Le son est aussi sec que chez MINISTRY, les riffs acérés et la batterie claque comme une volée de coups de fouets sur l’échine de fans prêts à bien des courbettes pour retrouver la machine de guerre responsable des terrifiants « Betrayer », « Toxic Trace » ou « Terror Zone ». Le hic étant que d’emblée, derrière les rugissements de façade destinés à annoncer le retour au premier plan d’un KREATOR rageur, on sent bien que l’arme jadis fatale s’enraye assez tôt dans le tracklisting, une fois encaissée un « Prevail » évoquant le « Killing Fields » de SLAYER. Changement de line-up oblige, on peut faire une croix sur les automatismes des campagnes précédentes, l’inamovible Ventor étant porté pâle au profit d’un Joe Cangelosi (WHIPLASH) au jeu plus tentaculaire, plus riche mais délestant du même coup KREATOR de sa légendaire force de frappe -
on ne remplace pas un colosse de sa trempe sans y laisser quelques plumes – le départ de Rob Fioretti prêtant lui beaucoup moins à conséquence. Et si Christian Giesler débarque en pleine période de vaches maigres (il lui faudra patienter jusqu’à
« Violent Revolution » pour figurer sur un essentiel), on ne peut pas lui imputer le manque d’efficacité avéré d’un « Cause For Conflict » frustrant à bien des égards.
La trademark mélodique de KREATOR désespérément absente, la musique des Allemands s’oriente vers un contenu moins léché, plus torturé ("Crisis Of Disorder", "Isolation"), bien moins immédiat et viscéral que par le passé. Jamais mauvaises mais rarement enthousiasmantes, les compos enquillent des riffs à géométrie variable sans jamais capitaliser sur les meilleurs d’entre eux, le break mort-né de « Hate Inside Your Head » étant le plus parlant des exemples. Dans le même ordre d’idée, le démarrage explosif de « Bomb Threat » est un pétard mouillé qui ne débouche que sur une resucée bâtarde du thrashcore de SEPULTURA sur « Chaos A.D. », album auquel on pense de temps à autres à égalité de référence avec « Divine Intervention » des frères ennemis ricains (la petite guéguerre d’époque entre Kerry King et les Cavalera bros.), sans que KREATOR n’arrive ici à la cheville d’aucun des deux. A la limite, dans le registre ultra direct d’une « Dittohead », la
fast and furious « Dogmatic » tire son épingle du jeu de massacre, la grande majorité des titres restant étant affligée de refrains aussi peu inspirés qu’un Frank Gosdzik à la limite du désoeuvrement (il sera remplacé un peu plus tard par Tommy Vetterli de CORONER). Mille Petrozza aura beau s’acharner à intégrer durablement la sympathique « Lost » dans ses setlists futures –
à l’instar de « Phobia », seul morceau potable de « Outcast » - rien n’y fait, « Cause For Conflict » paraît bien longuet avec ses douze titres à tiroirs qu’on peine à dissocier les uns des autres. Et si en changeant complètement son fusil d’épaule (les balles à blanc
« Outcast » et
« Endorama ») KREATOR sera nettement moins heureux encore, cette galette sauvage mais finalement très anecdotique reste une énigme, faute d’une ligne directrice plus claire et d’une équipe suffisamment soudée pour mener à bien la reconquête.
2 COMMENTAIRE(S)
02/12/2012 14:26
10/08/2011 12:17