Tous ceux qu’on a biberonné au thrash dans leur prime jeunesse sont passés par là : après une glorieuse décennie 80's caviardée de chef d’œuvres en veux-tu en voilà, il a fallu se manger la traversée du désert des années 90. Un genre dépassé en puissance et en force de frappe. Des seconds couteaux qui splittent par palettes de douze. Des patrons aux abois, ne sachant plus dans quelle chapelle piocher pour s’attirer les faveurs d’un public ne jurant plus que par MACHINE HEAD et « Ratamahatta ». SLAYER se dopant au hardcore pour faire bonne figure, FORBIDDEN qui se saborde en virant power sur l’infâme « Green ». Quelques uns sauvent l’honneur comme OVERKILL, fidèle à ses racines old school. Mais si la greffe death prend plutôt pas mal chez TESTAMENT, les géniteurs de « The Gathering » y perdent un peu de leur identité. Bref, on a beau chercher, difficile de trouver trace d’un album de thrash mémorable avant le premier THE HAUNTED en 1998. Pourtant, un an plus tard, KREATOR en est encore à se demander ce qu’il peut bien faire en première partie de MOONSPELL, à endormir le public à grand renfort de berceuses
(« Outcast », « Black Sunrise ») plutôt de déterrer un bon vieux « Under The Guillotine ». Finalement, le seul bon souvenir laissé par
« Endorama » sera le retour du batteur originel, Jurgen « Ventor » Reil.
C’est dans ce contexte gris sombre pour le genre qu’intervient la résurrection d’un KREATOR au line-up presque stable, le bassiste Christian Giesler ayant miraculeusement survécu à la période de vaches maigres du combo d’Essen. Quant au poste ô combien important de soliste, exit Tommy Vetterli au profit de l’excellent Sami Yli Sirniö, barré de chez WALTARI avant que Kärsty Hatakka ne pète son câble electro pop. En dehors de ça, tout semble rentré dans l’ordre : le démon de l'adolescence pointe à nouveau sa sale trogne cornue pour une déclinaison rouge sang de la pochette de
« Coma Of Souls » et au-delà du titre vindicatif de rigueur, tout est clarifié dès l’opener. « Reconquering The Throne », sa rythmique mid-speed et ses gueulantes du diable remettent illico les pendules à l’heure, pour ce qui s’annonce comme une relecture jouissive d’un des meilleurs KREATOR pré-
« Renewal ».
« Coma Of Souls » donc, auquel « Violent Revolution » ressemble beaucoup sans donner pour autant dans la copie conforme. L’expérience aidant, KREATOR nous livre ici un contenu plus réfléchi et maîtrisé que sur ses premières sorties. Moins frénétique, plus porté sur la mélodie et les tempi modérés, « Violent Revolution » est une sorte de meilleur des deux mondes, combinant la puissance brute des vieilles productions et les velléités progressistes des mal aimés qui suivront. Le tout combiné avec ce qu’il faut de savoir faire et de roublardise pour embarquer le public à l’aide d’hymnes maison (« Violent Revolution », Servant In Heaven/King In Hell »). Certes, les ficelles sont parfois un peu grosses et on aurait volontiers aéré l’ensemble d’un ou deux morceaux superflus (la prévisible « Second Awakening », une « Slave Machinery » agréable sans plus) mais dans l’ensemble, excepté une longueur inhabituelle pour le genre, l’album ne souffre que peu de défauts.
Surtout, KREATOR a le mérite d’initier un mouvement salutaire dans une sphère metal où bon nombres de formations commencent à se lasser d’expérimenter à tout va. Le bon album au bon moment ? Entre la volonté d'accoucher de classiques et la réalité, les forceps sont souvent de sortie. Principal artisan du retour aux affaires, Mille Petrozza a d’autant plus de mérite d’avoir réussi son coup. Difficile de résister aux salves imparables d’une « All Of The Same Blood », au démarrage façon jugement dernier de « Bitter Sweet Revenge » ou à la charge finale de « System Decay ». Magnifiés par les soli diaboliques d’efficacité de l’ange blond (« Mind On Fire »), les riffs de tueur sont de sortie sur ce qui reste un des meilleurs titres de KREATOR toutes périodes confondues : passé un démarrage acoustique bien traître (c’est là qu’on se remémore, la larme à l’œil, notre première écoute de « Fight Fire With Fire »), on a à peine eu le temps de se réjouir de s’être rabiboché avec un vieux pote d’enfance que KREATOR carbure à pleine puissance sur une « Replicas Of Life » d’anthologie. Toupa toupa endiablé, lignes mélodiques enivrantes et cadence infernale, tous les éléments du classique instantané surgi de nulle part sont réunis pour prouver que non, le meilleur de KREATOR ne se trouve pas forcément derrière. Comme c’est avec les vieux potes qu’on se prend les meilleures mines, on sortira régulièrement du placard ce « Violent Revolution » carré, violent, rapide et inspiré. Plus de dix ans après sa sortie, le statut d’indispensable de leur discographie s’en trouve renforcé. Pourtant, le groupe n’a pas démérité sur
« Enemy Of God » (jeu de contraste accentué entre mélodie et brutalité) et
« Hordes Of Chaos » (retour à un son plus brut). Question de timing sans doute car à l’époque, « First Strike Still Deadly » (TESTAMENT) et « Morning Star » (ENTOMBED) m’avaient fait le même effet bœuf.
5 COMMENTAIRE(S)
01/05/2014 11:34
29/04/2014 18:13
29/04/2014 17:43
"Second Awakening" n'est pas mauvaise, je la trouve juste en dessous des autres morceaux rapides. Son refrain est un poil faiblard mais le riff principal reste bien sympa.
29/04/2014 16:00
C'est de très loin le meilleur album du retour en grâce de kreator, même si Enemy Of God n'est pas mal non plus et que le dernier album a l'air de vouloir être un Violent Revolution bis. Bon par contre Hordes Of Chaos c'est un immonde étron, je préfère encore leurs errements des années 90.
29/04/2014 15:31