Deranged - Place Of Torment
Chronique
Deranged Place Of Torment (Démo)
Alors non, on ne va pas parler ici du Deranged suédois bien connu de tous les amateurs de Brutal Death grâce à quelques parpaings fort sympathiques parus essentiellement durant les années 90 mais du Deranged canadien, inconnu de tous, ayant officié brièvement à la fin des années 80 et dont la portée s’est malheureusement avérée bien plus modeste...
Originaire de Victoria, petite ville côtière située entre Vancouver et Seattle, le groupe qui n’a été actif qu’entre 1987 et 1989, justifie comme on pouvait s’en douter d’une bien maigre discographie composée de seulement deux démos parues au seul format cassette. Vous comprendrez donc aisément pourquoi il fût difficile pour Deranged de tirer son épingle du jeu à une époque qui, on le sait, aura été marquée par tout un tas de sorties ayant façonné durablement le petit monde du Metal extrême. Ainsi rapidement relégué aux oubliettes, le nom des Canadiens sera néanmoins exhumé des abimes où il pourrissait depuis plus de trente ans grâce au concours du label Supreme Echo spécialisé dans la réhabilitation d’obscures pépites canadiennes aujourd’hui encore inconnues du plus grand nombre (Arcfiend, Mission Of Christ, Karrion, Sudden Impact, Witches Hammer, Northern Haze, Kradle...). Ce travail de (re)mise en lumière, Jason Flower (tête pensant du label Supreme Echo) l’a toujours pris très à coeur, faisant ainsi de ces rééditions soigneusement remises au goût du jour (layout, remixage, remastering, etc) de véritables petites pièces de collections qui ne manqueront pas de trouver preneurs, notamment du côté de tous les archéologues de la scène.
Cette version vinyle de Place Of Torment, deuxième démo de Deranged parue pour la première fois en juin 1989, ne fait bien évidemment pas exception à la règle. De l’artwork légèrement retravaillé pour l’occasion afin de rester le plus fidèle possible à la version originale en passant par le remixage de Kurt Ballou (guitariste de Converge) au GodCity Studio, le mastering d’Audu Obaje et ce très chouette livret de douze pages dans lequel on va pouvoir trouver une longue interview particulièrement interessante ainsi que de nombreuses photos et autres flyers d’époque, cette réédition va définitivement faire honneur à une démo passée injustement sous silence toutes ces années en dépit de qualités absolument évidentes...
Adepte d’un Thrash particulièrement virulent, Deranged a humblement et modestement participé en son temps au développement d’une scène canadienne qui en la matière n’a jamais eu à rougir de quoi que ce soit (dois-je en effet vous rappeler l’existence de groupes tels que Slaughter, Razor, Sacrifice, Infernäl Mäjesty, Aggression, Soothsayer et bien d’autres encore ?). À la manière des Américains de Morbid Saint dont il est très proche musicalement, le groupe canadien va livrer durant ce gros quart d’heure une véritable leçon de Thrash qui à titre personnel me fait me demander comment une telle petite pépite a-t-elle pu restée cacher à mes yeux et à mes oreilles aussi longtemps ? Quoi qu’il en soit, mieux vaut tard que jamais et comme souvent dans ce genre de cas, je me réjouis surtout d’être tombé je ne sais plus trop comment sur cette formation (et surtout sur cette providentielle réédition) qui mérite largement de figurer dans la playlist de tous les amateurs de Thrash féroce aux consonances Death pour le moins évidentes.
Saluons ainsi dans un premier temps l’excellent travail effectué sur le mixage et le mastering qui confère ainsi à Place Of Torment un caractère intemporel sans pour autant dénaturer son propos originel. Et même si je n’ai pas écouté la version originale de cette démo dans l’idée de pouvoir la comparer avec cette réédition, on peut légitimement penser que le travail de Kurt Ballou et d’Audu Obaje a permis à ces quelques morceaux de gagner en force et en impact et ainsi de se jouer des affres du temps et du manque de moyens de l’époque. Le résultat est à ce titre plutôt bluffant puisqu’à les écouter comme ça et malgré l’esprit résolument old school dans lequel ils trempent, difficile de donner un âge (en tout cas certainement pas trente-trois ans) à ces quatre morceaux qui auraient très bien pu être enregistrés hier. Propre, puissante, lisible et certainement pas dénuée de caractère, cette production virile va donc servir des compositions rageuses et particulièrement efficaces qui ne devraient pas manquer de réjouir les amateurs de Thrash pour le moins épicé.
En effet, s’il y a bien une chose que Deranged ne fait pas ici, c’est semblant. Pied au plancher, le couteau entre les dents, le groupe aujourd’hui défunt fait preuve d’une détermination particulièrement convaincante, enchaînant ainsi les bourre-pifs avec un talent non-dissimulé. Car si le groupe à clairement beaucoup l’énergie à revendre au vue de l’intensité de son Thrash, celle-ci est néanmoins portée par une véritable qualité d’écriture. À ce titre, Jason Harvey et Ross Butterfield font là un excellent travail, délivrant effectivement un riffing particulièrement nerveux (je vous assure que ça tricote dur chez les Canadiens) et explosif (attendez-vous à sérieusement transpirer à l’écoute de titres tels que "Eminence Of Terror", "Coercion" ou "The Burning") auréolé par quelques soli chaotico-mélodiques participants à cette véritable frénésie ("Eminence Of Terror" à 2:35 et 3:20, "Before Your Eyes" à 4:16, "Coercion" à 2:02 et "The Burning" à 3:08). Naturellement, les guitaristes ne sont pas les seuls à bosser dur. Derrière ses fûts, Tim Sweeting cravache lui aussi sans demander son reste, enchainant les blasts, tchouka-tchouka et autres attaques à la double avec force et conviction. Particulièrement dynamique, Place Of Torment est ainsi marqué par tout un tas d’accélérations à se taper la tête contre les murs mais également par de nombreux ralentissements et autres changements de rythmes extrêmement bien sentis qui ne manqueront pas de faire leur petit effet. Autre point d’attention, la basse discrète mais néanmoins volontaire de Dave Bentley et surtout que le chant arraché et hargneux d’un Scott Murdoch qui devrait normalement rappeler de bons souvenirs à tous les fans de Razor et de leur premier véritable chanteur, monsieur Stace "Sheepdog" McLaren.
Si mon enthousiasme non feint ne vous a pas convaincu de jeter une oreille sur le Thrash féroce et virulent de ces Canadiens déjà largement sous-estimés à l’époque où ces derniers étaient encore actifs, alors c’est que cette chronique n’a pas su toucher votre petit coeur insensible à l’idée de se déboiter les cervicales à coups de riffs balancés à toute berzingue, de changements de rythmes impromptus et radicaux, d’accélérations jouissives et explosives et de hurlements possédés et rageurs… Dommage pour vous car je vous assure que vous passez là à côté du genre de petites pépites oubliées sur lesquels il est toujours agréable de tomber. En tout cas une chose est sûre, si l’évocation de Morbid Saint et plus généralement de la scène Thrash canadienne réputée pour son intensité évoque chez vous la promesse de moments particulièrement musclés, je ne saurais trop vous conseiller la découverte de Deranged qui ne devrait pas manquer de vous procurer le même enthousiasme.
| AxGxB 26 Janvier 2022 - 1001 lectures |
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1 COMMENTAIRE(S)
citer | Y'a aussi un Deranged chilien ! Je connais pas ce Deranged mais ça donne envie. |
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26/01/2022 13:29