Tournant depuis des lustres sur scène en pilotage automatique avec une setlist grosso-modo inchangée (quel que soit les tournées depuis vingt ans), la formation de Mille Petrozza conserve malgré tout de l’intérêt contrairement à nombre des vétérans nationaux du Thrash (DESTRUCTION en tête), et ce malgré des derniers opus inégaux au manque flagrant de morceaux incontournables. Car depuis l’excellent
« Violent Revolution » (devenu aujourd’hui un classique du quatuor) les albums se succèdent à un rythme de plus en plus espacé (cinq ans en moyenne désormais) sans pour autant être franchement mémorables (hormis
« Enemy Of God » au-dessus du lot), tant tout ce qui a suivi depuis
« Hordes Of Chaos » sentait bon le pilotage-automatique et ne faisait simplement que s’ajouter au sein d’une discographie désormais très riche. Du coup il faisait peu de doutes que ce quinzième chapitre serait dans la droite ligne des précédents, et en premier lieu de
« Phantom Antichrist » et « Gods Of Violence » - sympathiques à défaut de mieux et qui se contentaient de réciter leurs gammes en alternant entre plages courtes endiablées bien véloces et celles plus longues où les harmonies sont de sortie. Car finalement la seule nouveauté ici présente est l’arrivée de Frédéric Leclercq à la basse en lieu et place du fidèle Christian Giesler (dont le départ reste encore mystérieux à ce jour), et qui ne va pas changer la donne musicale d’un cru 2022 franchement mitigé.
Pourtant au démarrage il y’avait de quoi être enthousiaste (même si tout cela sentait quand même le réchauffé) tant l’introduction « Sergio Corbucci Is Dead » donnait un ton guerrier et western-spaghetti où les pistoleros allaient se faire entendre, à l’instar de « Hate Über Alles » taillé pour le live et qui renvoie aux débuts de quatuor vu que ça joue à fond la caisse sans se poser de questions. Débridé et sans surprises ça envoie la purée comme il faut de façon quasiment continue et très agressive tout en misant sur le old-school jouissif, et ça bute comme il faut même si tout cela sonne déjà entendu. Néanmoins pas grand-chose à reprocher à cette ouverture réussie qui va continuer sur cette lancée avec le très bon « Killer Of Jesus » qui va alterner rythmiquement de façon régulière, afin de densifier une composition où violence et mélodie se mélangent facilement et donnent ainsi un rendu typique de ce que fait le groupe depuis l’arrivée de Sami Yli-Sirniö. Offrant un parfait condensé de son pendant moderne celui-ci marque aussi hélas la fin des bonnes choses, tant ce qui va suivre après cela ne va être au mieux qu’une vaste redite sympatoche (pour « Conquer And Destroy », « Demonic Future » et « Pride Comes Before The Fall »), voire au pire carrément chiante la majeure partie du temps. En effet dès la fin de la réussie doublette d’ouverture les choses vont franchement se gâter, et en premier lieu via l’ennuyeux et pantouflard « Crush The Tyrants » qui mise majoritairement sur des ambiances tribales mais aussi écrasantes où la vitesse est absente, un choix qui va se payer cash tant ça ne va jamais décoller et surtout donner la sensation de ne jamais vouloir se terminer malgré sa durée relativement courte. Car l’écriture en elle-même n’est vraiment pas joyeuse et n’est dans le meilleur des cas qu’une vaste resucée de ce que les Teutons ont déjà fait (mais en bien meilleur), voire même totalement loupée et sans idées comme avec « Strongest Of The Strong » aux accents actuels trop prononcés et au manque criant d’agressivité, tant ça se montre trop accessible.
D’ailleurs à vouloir trop en faire la suite va s’enliser dans des sommets de médiocrité et tout d’abord avec « Become Immortal » qui avait pourtant tout ce qu’il fallait pour être efficace (vu que ça allait à l’essentiel)… mais ça c’était avant de pondre un break central où chœurs et passages tribaux étaient de sortie pour venir tout gâcher, tant c’est d’une platitude et d’un inintérêt flagrant… et ce avant l’arrivée de l’infâme « Midnight Sun » qui est probablement ce que la bande a fait de pire de toute sa carrière. On était déjà dubitatifs en entendant qu’elle allait faire une chanson en collaboration avec la jeune Sofia Portanet, et on n’a pas été déçu tant sa voix fait tache par rapport à celle du vieux briscard, et surtout elle ne se révèle pas du tout adaptée à l’ambiance musicale classique proposée ici, où la fureur du tempo côtoie les riffs modernes au mélange plus que douteux. Car hélas la greffe ne prend jamais et on a juste envie de zapper au plus vite ce plantage en règle abominable, constat presque similaire sur la conclusion intitulée « Dying Planet ». Osant lever le pied de façon directe tout en jouant sur les atmosphères (de par ses arpèges doux et froids) le résultat est là-encore peu convaincant vu que ça traîne en longueur de façon drastique et sans jamais parvenir à captiver, tant c’est bien trop rapidement répétitif et conclut ainsi un long-format sans doute parmi les plus faibles de KREATOR.
Retombant progressivement comme un soufflé après un début agréable ce cru 2022 ne va cesser de recycler ses riffs et plans entendus mille fois auparavant, tout en accentuant les mauvais points de par cette production pompeuse et dégoulinante (qui peut presque faire penser par moments au ARCH ENEMY récent), et ainsi ne pas laisser grand-chose de mémorable pour l’auditeur. A l’instar du bébé de Schmier cette année n’est définitivement pas une réussite pour les fondateurs du style outre-Rhin qui montrent une nette perte d’attractivité et d’imagination, et qui feraient mieux de rester sur une certaine forme de radicalité (où ils arrivent toujours à captiver), au lieu de vouloir sonner plus jeune en y perdant leur âme. Bref ça n’est pas encore cette fois-ci que le chanteur-guitariste va ressortir un enregistrement marquant qui passera l’épreuve du temps sans difficultés, tant ici il sera aussi vite écouté qu’oublié sans qu’on n’en ait retenu quelque chose d’intéressant… à voir donc la prochaine fois. Rendez-vous peut-être dans cinq ans pour au choix la confirmation du déclin irréversible ou alors une surprise qu’on n’espérait plus… l’avenir le dira. En attendant on se contentera de revenir vers les classiques des gars ou de retourner les écouter en concert, où ça reste toujours aussi efficace malgré le peu de risques pris et une prévisibilité sans bornes.
1 COMMENTAIRE(S)
10/08/2022 15:35
Un début d'album mortel qui vient doucement mourir sur des mid-tempi fainéants et des trouvailles foireuses. Seul le très bon "Demonic Future" vient remettre un peu de charbon dans une locomotive qui commence à tourner un peu à vide...
Autre chose qui "m'amuse" chez Kreator, ce visuel et cet "enrobage" toujours ultra guerrier et régressif (à l'image du titre de l'album) qui cache en fait des paroles pacifistes et progressistes.