Souvenez-vous de
Het aalschuim der natie, le split que les Flamands avaient partagé avec Urfaust cet été 2015, chroniqué dans nos pages et signant le glorieux retour de Lugubrum, 4 ans après l'album
Face Lion Face Oignon. C'est que la formation s'active depuis ce début d'année entre concerts (bien souvent en Belgique ou aux Pays-Bas...), release party et réédition afin de célébrer au mieux les 20 ans de leur premier album (sold-out)
Winterstones paru en 1995 – déjà disponible en vinyle chez Aphelion Productions et bientôt en CD (décembre) via Those Opposed Records. Et oui, ils en ont fait du chemin mine de rien ! Et malgré l'absence de publications sur notre site... Traînant leurs guêtres dans la scène black metal depuis 1992, le groupe répond toujours présent, toujours à la marge, et ce malgré le départ en 2014 de leur chanteur emblématique Barditus – auquel leur dernier album est dédicacé. Long-format dont il est question ici et dont le titre « Kapitaalschuim » – datant d'août – mettait déjà la puce à l'oreille quant aux nouvelles incursions et orientations prises par les musiciens.
Lugubrum récidive une nouvelle fois avec un album conceptuel se situant aux confins du grotesque, jouant sur les mots (Herval/Orval, notamment), tout en humour, malgré la gravité sous-jacente ainsi qu'une construction des plus intelligentes. Un propos qui est toutefois difficile à saisir à cause de son aspect plutôt abstrait et de la barrière de la langue. Néanmoins le trio, par ce mélange hétéroclite regroupant religion, alcool et histoire ancienne de la Belgique – particulièrement sur le titre introductif « Aalschuimix » –, rend un hommage tant vibrant que poétique au doux breuvage houblonné faisant la renommée de leur pays. Entre métaphores ou encore détournement d'image (le fameux poisson) et de citation célèbre, la formation se montre à la fois grivoise et excessive. La voix, très naturelle et sans retenue, de Midgaars – passant aisément du chant éructé à des parties davantage théâtrales – apporte d'ailleurs une aura encore plus sincère et enfiévrée à l'ensemble. Tels des arapèdes accrochés à leur comptoir, aussi pathétiques que beaux et glorieux dans leur addiction, les musiciens vous renvoient aux bouges jouxtant le port d'Amsterdam ou encore les bars insalubres de la Louisiane – fin XIXe, début XXe.
Dans sa propre vision et retranscription du brown metal, la formation paraît avoir atteint son but sur
Herval. En alchimistes éclairés les Flamands arrivent à créer un univers particulier grâce à une musique toujours plus riches mêlant black metal old school aux relents punk (« Uri Noir »), folk consanguine (l'instrumental « Dorstige Vis »), parties psychédéliques (« Comata »), influences ragtime ou encore ce swing habitant une grande partie de l’œuvre. Et si, sur papier, ces étiquettes accolées les une aux autres peuvent effrayer, la magie opère tout au long de ces huit titres. Un fait qui est dû à une grande variété alternant, au sein même d'un morceau, passages black très rugueux, ambiances feutrées aux tonalités chaudes vous faisant gentiment dodeliner de la tête mais encore parties dansantes à donner la bougeotte. Que ce soit sur « Aalschuimix » ou bien « Vergeeldetruidrager », Lugubrum vous perd dans cette fumée opaque et les conversations de bistrots, une forte odeur de tabac froid vous attaquant les narines. Cependant, le groupe reste sur le fil ne sombrant pas dans le spleen ambiant ainsi que le misérabilisme grâce aux nombreuses cassures, les nombreux arrangements effectués par Midgaars et les lignes de basse assez folles au son très ronflant. Les sonorités sont plus à la fête ici, voire déjantées, vous invitant à lever votre verre d'Orval, Chimay, Westmalle et j'en passe ! Ce ne sont pas les bonnes bières belges qui manquent !
Ce dernier album de Lugubrum est un véritable hymne à l'ivresse, prenant un tour davantage tourbillonnant et grandiloquent en seconde partie avec l'apparition de cuivres ainsi que le chant en espagnol tant clair que théâtral (« Comata »). Le trio semble baisser d'un cran la cadence montrant une facette plus psychédélique, entêtante et hallucinée au gré des minutes. « Herval Herval » se pose d'ailleurs là comme illustration de fin de soirée trop alcoolisée tel un kaléidoscope de couleurs troubles, prémisse d'une monstrueuse gueule de bois à venir. Le groupe se lâche totalement sur
Herval, se foutant des conventions, des modes ou encore des critiques, comme il l'a toujours fait. Cependant si la folie douce et le côté très spontané des compositions ressortent au premier abord, les nombreuses écoutes vous donnent rapidement tort. En effet, tout est méticuleusement calculé avec des morceaux taillés pour la version vinyle, quatre sur chaque côté, ainsi qu'une durée relativement courte n'excédant pas les 35 minutes. L'album est très homogène, ne laissant aucun réel temps mort même durant le changement de face, « Dorstige Vis » – titre clôturant la face A – étant un instrumental et « Aldi Iacta Est » – premier titre de la face B – débutant par une longue introduction.
Déçu(e)s de Lugubrum ? Vous le serez toujours après avoir écouté
Herval. Le trio continue ses expérimentations, délaissant un peu plus leur style premier, les nombreuses influences prenant davantage le pas sur cet album. De même, le chant éructé de Midgaars pourra en rebuter plus d'un(e) sur la longueur. Et certains points qui auraient pu être négatifs, comme la courte durée de ce long-format ou encore les riffs quelques fois répétitifs, ne le sont pas vraiment. Car ces derniers participent clairement à ces ambiances souvent lourdes et moites instaurées par le groupe et allonger l'opus de quelques minutes le rendraient indigeste. Non, le seul petit bémol est le fait qu'aucun titre ne sorte véritablement du lot. Après, tout est question de ressenti et me concernant : c'est du bon ! Santé !
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