Autant jouer franc jeu et être honnête avec vous, si cette chronique du dernier album d’Elder arrive en ces pages aussi tardivement (pour rappel, celui-ci est sorti en avril dernier) c’est tout simplement parce que les premières écoutes n’ont pas été chez moi très concluantes. Pourtant, quelques secondes suffisent pour savoir où l’on met les pieds et retrouver le savoir-faire de ces artisans passionnés et dédiés à l’art des musiques enfumées, progressives et psychédéliques. Sauf que non, je n’ai lors des premières semaines jamais su pousser au delà des deux ou trois premiers morceaux ni même été capable de me résoudre à insister pour y parvenir. Ajouter à cela les vacances d’été, une tripotée d’albums plus immédiats à s’enfiler et ma mémoire sélective et nous voilà aujourd’hui arrivés début novembre pour aborder probablement après tout le monde le cas de ces Américains devenus pour beaucoup (et probablement un peu à raison) les chouchous d’une scène Stoner Rock discrète mais en ébullition permanente.
Paru chez Armageddon Shop et Stickman Records, ce cinquième album intitulé
Omens souffre dès le départ d’un artwork pas spécialement désagréable mais tout de même bien moins marquant que ce à quoi nous avait pourtant habitué jusque-là le talentueux Adrian Dexter. Tant pis, ce sont évidemment des choses qui arrivent, mais après ses dernières oeuvres oniriques et colorées réalisées pour
Lore et
Reflections Of A Floating World, cette statue antique au milieu de ces volutes de fumée fait forcément un peu pâle figure…
Après deux albums enregistrés aux Sonelab Studios de Easthampton, Massachusetts, Elder s’est envolé pour le studio Black Box de Segré-en-Anjou Bleu, petite commune d’environs 18000 habitants située en plein coeur du Maine-et-Loire. Alors forcément, dit comme ça, ça peut prêter à sourire. Sauf que le studio Black Box, qui existe quand même depuis 1993, a vu passer chez lui des artistes tels que Chokebore, Chrome Hoof, dEUS, Motorpsycho, Les Thugs, Shellac, Thou, Zeni Geva et tout un tas d’artistes français plus ou moins reconnus. Une réputation qui n’est aujourd’hui plus à faire au service d’un groupe qui en matière de production a toujours su faire les bons choix afin de donner à chaque musicien l’opportunité de s’exprimer pleinement. Le travail effectué ici en la matière est une fois de plus irréprochable puisque chaque instrument trouve naturellement sa place sans avoir à jouer des coudes, que l’espace sonore est habilement utilisé et que, fort heureusement, le tout conserve une certaine attaque plus que bienvenue (même si on est tout de même un peu éloigné de l’abrasivité des deux/trois premiers albums).
Et oui, plus que bienvenue car comme on pouvait le pressentir après la sortie du EP
The Gold & Silver Sessions, les Américains ont fait le choix d’orienter leur musique vers un Stoner Rock plus progressif, psychédélique et mélodique. Si les guitares de Nick DiSalvo et Michael Risberg conservent tout de même un certain fuzz, elles se font effectivement un poil moins abrasives et pesantes que par le passé. La nuance est subtile mais en faisant succéder à
Omens son prédécesseur, on remarque tout de même assez facilement cette différence en matière production. Un son plus lisse et consensuel, très efficace dans cet équilibre et cette puissance qu’il arrive à maintenir tout au long de l’album mais avec cependant bien moins de caractère que par le passé.
On note également que les claviers occupent désormais une place beaucoup plus importantes que sur les albums précédents. En s’imprégnant très largement du Rock psychédélique et progressif des années 70 et même de la scène Krautrock, il était de toute façon évident que ceux-ci finiraient par prendre petit à petit davantage d’importance dans la composition et les arrangements proposés par Elder. En soit, cela n’a rien de problématique car on sait ô combien ces claviers permettent de construire des atmosphères éthérées propices à ces univers colorés et à ces paysages grandioses et désertiques évoqués par ce genre de musique. Sauf que forcément, entre cette production tout de même bien moins rugueuse et ces claviers dont l’apport mélodique n’a jamais été aussi important qu’ici, l’amateur de la première heure risque naturellement de faire un peu la mou…
Et malheureusement ce n’est pas tout à fait terminé puisque le plus gros souci de
Omens est plutôt à chercher dans cette absence de moments forts et marquants. On passe ainsi le plus clair de nos écoutes à attendre non pas que quelque chose se passe, se serait mentir copieusement, mais plutôt qu’Elder explose le temps d’une séquence aussi jouissive que libératrice. Sauf que ce n’est pas le cas et que ces moments n’arrivent jamais ou alors très rarement (les toutes dernières parties de "Halcyon", "Embers" et "One Light Retreating" par exemple).
Pour autant, malgré ce sentiment de déception qui pointe inexorablement le bout de son nez dès les premières écoutes, on ne peut se résoudre à tirer ouvertement sur Elder dont la musique conserve cet espèce de magnétisme et ce flow qui ont toujours fait l’intérêt et le succès des Américains. Aussi, malgré l’absence de moments forts,
Omens régale malgré tout par la qualité de ses morceaux et de ses nombreux arrangements mélodiques (ouais, ces claviers rétro seventies, bien que très présents, ne sont quand même pas dégueulasses), par ce jeu au feeling et au groove toujours aussi incroyable (comment ne pas prendre son pied lors de ces longues séquences instrumentales pleines de feeling ?) et qui, entre passages Stoner Rock et séquences plus progressives et psychédéliques bien souvent instrumentales héritées de ces années 70, semble tout naturellement couler de source. Non, clairement, les quatre garçons de chez Elder font toujours autant plaisir à entendre (ou presque) et, à tête reposée, passé ce moment où l’on comprend que les Américains ont tout simplement souhaité aller de l’avant et ne pas reproduire encore et encore le même schéma (ce qu’ils font déjà depuis
Lore), il devient évident que
Omens est tout de même un fichu bon album…
Cependant, au moment de conclure cette chronique, on ne peut décemment pas se résoudre à mettre
Omens sur le même piédestal que ses prédécesseurs. Certes, tout le talent d’Elder est une fois encore parfaitement retranscrit tout au long de ces compositions inspirées et captivantes mais il manque cette fois-ci un petit quelque chose pour perpétuer cet enthousiasme des précédentes sorties du groupe. En laissant de plus en plus de place à la mélodie tout en choisissant de s’exprimer d’une manière plus polissé, Elder semble abandonner une partie de ce qui a fait son succès et surtout un bout de son identité. Bien sûr, cette décision lui appartient mais il n’y a rien d’étonnant à voir le public quelque peu déconcerté. Contraint de rester à la maison, les Américains semblent avoir déjà entamé le processus de compositions de leur prochain album. Reste à savoir maintenant si le groupe choisira de poursuivre dans cette voie ou bien si Elder renouera avec des sonorités plus abrasives et marquées. En l’état,
Omens demeure un très bon album (qui demandera d’ailleurs un peu plus d’engagement pour passer outre cette première impression forcément un peu décevante) mais dans la discographie sans faute des Américains, celui-ci peine forcément un peu plus à convaincre. Il fallait bien que cela arrive, c’est désormais acté…
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