C'est à se demander pourquoi Lugubrum et Urfaust ont mis tant de temps à collaborer ensemble sur une réalisation. Car tout semble lier ses agités du bocal originaires de pays voisins, la Belgique et les Pays-Bas, qui ont un bon penchant pour l'alcool, l'opacité, le black metal, les expérimentations musicales ainsi que le grotesque – certes nettement plus prononcé chez les Flamands. Cependant le résultat est là avec
Het Aalschuim der Natie, split sorti en ce beau mois d'août chez l'incontournable Ván Records. Un 7'' des plus aguicheurs avec un artwork improbable, réalisé par Midgaars, mais dans l'air du temps, fleurant l'été à plein nez, et où chaque groupe propose un titre inédit sur une face dédiée.
« Kapitaalschuim »
La première lame arrive, apportant son lot de mousse et de fraîcheur, avec Lugubrum. En constante évolution, passant d'un « Farmer Black Metal » tant rural que cru à des sonorités plus exotiques avec son « Brown Metal », la formation aime voyager et tisser une toile de fond différente pour chacune de leur réalisation. Ainsi sur
Het Aalschuim der Natie les Flamands – évoluant désormais sous la forme d'un trio suite au départ de Barditus l'an passé – vous emmènent sur les plages du pacifique, pour surfer sur la vague capitaliste. Mais outre ces paroles, toujours métaphoriques et absconses, les mélodies aussi dégagent un fort parfum iodé. Mises en relief par une production très organique, crade, une ligne de basse ronflante et la voix tantôt criarde tantôt théâtrale du multi-instrumentiste Midgaars – ayant déjà fait ses preuves sur
Bruyne troon – celles-ci vous donnent clairement la bougeotte. Il faut dire que tous les ingrédients sont réunis avec des airs plutôt basiques et hypnotiques saupoudrés de rock déglingué (personnellement, je pense pas mal à Primus), des paroles répétées à l'infini ainsi qu'une petite montée en puissance tourbillonnante à partir de 2:38. Impossible de ne pas dodeliner de la tête ou taper du pied tant « Kapitaalschuim » semble taillé pour être un tube de l'été et ce malgré son aspect sombre et barré. Les minutes défilent sournoisement, ponctuées par un passage semi-acoustique des plus inattendus – j'avoue avoir souri à la première écoute – arrivant en bout de course et qui vient enfoncer le clou. Addictif !
« Zelfkastijder »
La seconde lame sera quant à elle beaucoup plus douloureuse. Pas de petit rayon de soleil ou de de riffs dansants ici, Urfaust durcit nettement le ton. Certes leur musique lo-fi est reconnaissable entre mille avec des mélodies entêtantes, le chant inégalé de IX (The Spirit Cabinet) ainsi qu'un côté ritualiste toujours prononcé et une production plus massive – cf. leurs dernières sorties en date – mais vous sentez un malaise palpable d'entrée de jeu. Pas d'ambiances cosmiques et feutrées ou encore de touches orientales, l'ensemble est résolument froid et malsain (se rapprochant plus d'un
Der freiwillige Bettler). D'ailleurs la tension ne fait que monter crescendo – un trait qui se vérifie souvent chez Urfaust – avec des cris toujours plus stridents et schizophréniques, surlignés par les réverbérations, accompagnés par des chœurs masculins cérémoniels qui déstabilisent par leur côté à la fois très répétitif et détaché. Le black metal low tempo occulte des Néerlandais fait lentement mais sûrement son travail, arrivant à vous ensorceler malgré la crasse ambiante et ces nappes de guitares grésillantes. Néanmoins vous vous laisserez surprendre entre deux longs passages funèbres par les variations dans le jeu de batterie de VRDRBR (Botulistum, Heretic, etc.), un poil plus véloce. Un petit interlude bienvenu où vous pourrez quelque peu souffler avant de replonger dans ce brouillard de soufre et de subir un déferlement de violence à 4:32. Car la formation lâche totalement la bride avec IX hors de lui, éructant en discontinu, ainsi que VRDRBR martyrisant ses fûts et utilisant la double pédale (si, si). Une fin totalement hallucinée, chaotique mais ô combien jouissive !
Deux titres inédits, deux univers différents et deux franches réussites : le choc Lugubrum/Urfaust aura tenu toutes ses promesses, me concernant. De plus, le titre « Zelfkastijder » réjouira, je pense, tous les déçus – comme ils ont tort – du dernier EP des Néerlandais. Néanmoins
Het Aalschuim der Natie reste avant tout réservé aux fans de ces formations ainsi qu'aux collectionneurs de par sa courte durée (moins de 11 minutes), son format (vinyle) ainsi que son prix.
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