Clochards Célestes
Jamais, parmi les moult sobriquets ou adjectifs donnés à la paire IX/VRDRBR, a-t-on trouvé plus représentatif que celui cité plus haut. Et, ce n'est pas l'écoute de
Der freiwillige Bettler qui viendra contredire ce fait, bien au contraire. Tout fait sens sur ce troisième album de Urfaust, où la personnalité de la formation vous explose littéralement à la figure, se posant comme la quintessence même. Ainsi, cinq ans après l'ovni
Verräterischer, nichtswürdiger Geist et différents court formats de qualité (notamment le split
Auerauege Raa Verduistering), cette singulière entité vous ouvre les porte de l'Enfer. Une descente vertigineuse, déjà entamée sur l'EP
Einsiedler, que ce longue durée ne fait que clore, reposant le couvercle sur votre tombe.
Side Intoxication
Le rythme tantôt low et mid tempo dicte votre cadence morne, tâtonnant comme un aveugle, vous portant à bout de bras de bouge en bouge sinuant dans les ruelles sales. Vous errez dans les ténèbres, la tête dans le brouillard – aussi lourde que vos paupières refoulant des larmes spirituelles – avec la musique de Urfaust pour seule guide. Car ces atmosphères entêtantes vous rassure, dessinant un enfer aux contours familiers, et ce dès le grisant « Vom Gesicht und Rätsel » où le chant de IX agit tel un appel à la bouteille. Vous lâchez rapidement prise, perdu sous d'épaisses volutes de fumée entremêlées à la vapeur d'alcool. Le bateau ivre vogue haut toujours plus haut dans des contrées attrayantes et inconnues du pauvre mortel, les chœurs d’intoxiqués désabusés vous parvenant en écho. Des formes prennent vie et se meuvent dans l'espace, dégueulant leurs couleurs ternes – sur l'hypnotique et déroutant morceau titre. Le son lo-fi vient d'ailleurs renforcer le côté attractif des compositions ainsi que cet arrière goût de bile se renforçant au gré des minutes. Un malaise qui est nettement palpable par ces notes désarticulées et cauchemardesques – en particulier l'outro de « Der freiwillige Bettler », renvoyant au second album –, les plaintes corrosives de IX (souvent imité jamais égalé) ou encore les boucles de guitares à la fois pesantes et lugubres. Cette bande-son blême suinte le mal être de fin de soirée tant triste que misérable, la gueule de bois se profilant lentement mais sûrement avec, en particulier, la paire « Der hässlichste Mensch » / « Der Zauberer » qui vient clôturer l’œuvre. Une ligne d'arrivée douloureuse vous renvoyant à vos propres démons, délirant en solitaire dans une ville désertée.
Side Possession
Seul tel un clochard céleste – à l'image des têtes pensantes de la formation – vous délirez et errez sans véritable but, payant au prix fort la découverte de savoirs interdits. D'où un nihilisme exacerbé et un vent d'ésotérisme – deux thèmes chers à Urfaust – s’échappant vicieusement de
Der freiwillige Bettler. Ce jeux d'ombres donne à lire entre les lignes, mettant également en relief le paradoxe entre l'aspect humain et insaisissable dégagé sur ce long format. Un mélange déjà effectué par le passé mais qui est plus fortement chargé en alcool ici, donnant à l'ensemble des allures de rituel ésotérique tremblotant. Vous êtes comme sur le fil, suspendu entre deux mondes, balancé par les oscillations lentes et entraînantes. Les voix parfois mal assurées – toujours ces chœurs chevrotants et addictifs –, le timbre de possédé de IX et les petites touches noise agrémentent les morceaux (« Der hässlichste Mensch »), leur conférant un je ne sais quoi de mystérieux et magique. Car sous ce vernis blême, les musiciens développent des ambiances accrocheuses et puissantes que ce soit sur des titres davantage cadencés (« Ein leeres Zauberspiel ») ou encore d'autres plus lents mais au fort pouvoir d'immersion (de « Der freiwillige Bettler » en passant par le suggestif « Der Zauberer »). Malgré l'aspect minimaliste de la musique, le groupe varie son propos avec cohérence par le jeu des voix, ses guitares spectrales mais également un batteur marquant le rythme tel un mort vivant. Comme des magiciens, nos deux hommes – qui semblent avoir vendu leur âme au diable – font côtoyer laideur et merveilleux, laissant par la même entrevoir des beautés singulières dans des lieux aussi sordides que nauséeux.
De la soirée solitaire et blafarde aux soirées orgiaques, du noceur au clochard céleste,
Der freiwillige Bettler rallie une certaine faune en ouvrant un large champ de perspective. L'essence de Urfaust prend véritablement forme, le groupe touchant à la perfection sur cet album – dans une discographie pourtant très riche. D'ailleurs, pour une mise en abyme plus profonde et lancinante, je ne peux que vous conseiller d'écouter ce troisième album couplé avec le fabuleux court format,
Einsiedler, paru un an plus tôt (à prendre dans l'ordre chronologique).
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