Rares sont les albums d'aujourd'hui dont on apprécie les imperfections.
"Ain", troisième album de Tamerlan et celui qui m'a fait découvrir ce projet, en fait partie. Il puisait sa force de ses maladresses, de son authenticité, de sa singularité, laissant les guitares acoustiques et les vocaux sublimer des mélodies atypiques et mystiques. Quelques années après, il s'en dégage toujours autant de choses, un album qui vieillit bien et dont la puissance de son âme ne faiblit pas. Sorti 2 ans plus tard dans un relatif anonymat, son successeur risque de vous surprendre. Timur Iskandarov bouleverse une fois de plus les certitudes et se lance avec "Luciferian" dans un pari osé. Quitte ou double.
L'ami Timur ne vous prendra pas en traître, ça n'est pas le genre de l'homme. Dès l'ouverture "Patricide", on entre dans le vif du sujet à tel point que je me suis demandé si Spotify ne me faisait pas une blague en m'envoyant ce titre baigné d'influences gothiques et darkwave aux faux airs de vieux Moonspell. Oubliez le folk éthéré, les mélodies lumineuses et les paysages chatoyants de
"Ain", "Luciferian" n'a pas été composé avec les mêmes intentions. Tamerlan n'est plus un voyage, il est une présence inquiétante, une ombre qui plane au dessus de votre tête, une entité démoniaque et polymorphe. Chaque pièce que compte ce nouvel album arbore un visage différent dont la seule chose qui la lie aux autres est son atmosphère froide et pesante. Sorte de gros patchwork au premier abord, l'album se découvre une vraie unité au fil des écoutes de part la ténacité de son ambiance qui vous prend aux tripes, paradoxalement peu violente et pourtant terriblement malsaine.
A l'instar de ses précédentes productions, les compositions de Timur partent des guitare et luth qui demeurent la colonne vertébrale de sa musique. En plus d'être ce guide à travers chaque morceau, les cordes sont le seul réel vecteur d'émotions. Viennent ensuite se greffer claviers, violons et percussions pour donner du relief à l'ensemble. Le chant est finalement à prendre comme un élément annexe qui s'adapte au contexte, souvent murmuré, grave et clair par endroits ("Patricide", "Faces in the Fog"), parfois même hurlé ("The Beholder") rappelant le black atmosphérique de Summoning. Car "Luciferian" s'autorise quelques incursions de guitares saturées pour renforcer la rugosité de certains passages. Et puisqu'il est question de références, autant j'avais trouvé
"Ain" assez personnel, autant ce nouvel album m'a paru plus influencé par ses pairs. Si j'évoquais Moonspell au début et Summoning à l'instant plus pour la ressemblance que les influences, c'est surtout Of the Wand & The Moon qui m'est venu à l'esprit (période "Lucifer" justement) dont "Until Dreams Are All That's Left" et "Lucifer's Son" sonnent comme un hommage, Rome également sur un "Faces in the Fog" aux mélodies et au chant très inspirés par le Luxembourgeois, mais aussi Empyrium dans ses premières années de temps à autre.
En ce qui me concerne, ce n'est pas vraiment ces considérations qui m'ont moins séduit, simplement la direction artistique qu'a pris le projet. J'avoue regretter la mise à l'écart du chant féminin qu'on ne retrouve que très rarement ("Come and See" en fond), l'abandon des sonorités moyen-orientales, et plus globalement le choix de troquer le minimalisme d'antan pour un style plus chargé. La beauté des mélodies se perd un peu dans la richesse de l'instrumentation, surtout quand celle-ci propose un son approximatif, venant parfois gâcher le plaisir d'écoute : c'est notamment le cas des guitares électriques sur la fin de "The Beholder" ou encore tout au long d'un "Lucifer's Son" dont le magnifique final au violon est ruiné par une saturation des plus irritantes.
Tamerlan a perdu de son identité dans l'exploration de son style et, pour moi, laissé de côté une partie de ce qui faisait son charme. On retiendra surtout quelques pièces de toute beauté, principalement les moins alambiquées, "Until Dreams Are All That's Left" en tête. Toutefois, Timur n'a pas oublié d'accorder à son nouvel enfant une âme et aussi repoussant soit-il, "Luciferian" possède une sincérité et une profondeur qui vous ramènent à lui, à croire qu'il a été susurré par le démon. C'est déjà ça.
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