Tamerlan - Ain
Chronique
Tamerlan Ain
Timur Iskandarov est un homme qui a voyagé. Originaire de Russie, il a eu l'occasion de s'installer et de vivre à divers endroits en Europe de l'Est, Moyen Orient et Asie du Nord. Imaginé il y a environ 10 ans, son projet Tamerlan (en référence au guerrier turco-mongol) aurait pu se faire un nom dans le black atmosphérique mais apparemment limité dans cet art, notre guitariste/luthiste se tourna vers le folk plus à même d'exprimer ses sentiments. Depuis, il n'a pas chômé. Succédant à 3 EP, 2 albums et un split avec Melankolia et Hoyland, "Ain" propose une parenthèse dans notre existence, une oeuvre aux contours volontairement flous qui tire sa force de sa diversité.
"Ain" est un pari osé car ce genre de folk ne pardonne aucun écart. Il n'y a pas de secret lorsqu'on se lance dans un style aussi traditionnel : tout est affaire d'intention, d'implication et de ressenti. Aussi sûr que la haine conduit au côté obscur, singer l'authenticité conduit à la caricature, la pire chose qui puisse arriver dans le style. Mais ça n'est pas vraiment le problème de Timur qui n'y a probablement jamais pensé, trop occupé à réfléchir à comment s'extraire de sa réalité. C'est justement le fruit de ses réflexions que vous présente notre homme dans ce troisième opus. Terriblement déroutant, "Ain" l'est assurément : cela faisait bien longtemps que je n'avais pas entendu un album chargé à ce point d'histoire et de cultures. Iskandarov s'est inspiré de tout ce qu'il a pu voir et entendre de ses pérégrinations autour du monde pour façonner sa musique, la rendant intemporelle et universelle. Bâti autour de ses instruments de prédilections (guitare classique et luth) et du chant, son folk n'accorde de place qu'à ce qui renforce son atmosphère : claviers, effets et percussions ne servent ici qu'à sublimer le reste, les émotions étant jalousement gardés par les cordes et la voix. Parlé, chantonné ou chanté, les prestations vocales varient d'ailleurs au gré des morceaux, tantôt froid et énigmatique, tantôt puissant et poignant. Parmi les nombreux invités présents dont Tony Wakeford et Lesley Malone (Sol Invictus) ou Mike O'Brien (Melankolia), on retiendra surtout la performance aux faux airs d'Avrigus de Cecilia Bjargo (Arcana, Sophia) sur "The Countless Reflections Of Non Matter" et "Ignite The Dawn" dont les paroles résonnent à l'infini.
A de nombreux égards, "Ain" n'est pas évident. En plus d'être extrêmement personnel et original, sa production diffuse et imprécise apporte un charme qu'il faut du temps pour apprécier. Ainsi, l'expérience qu'offre Tamerlan ici ne se révélera que si vous laissez le temps aux compositions de s'insinuer en vous. Vous serez alors étonné de la richesse de cet ensemble aux multiples visages dont le mélange de musiques traditionnelles de diverses contrées dépeint des tableaux aux teintes variées. A l'exception d'un petit passage à vide en milieu d'album, Timur signe une oeuvre d'une beauté mystérieuse et glacée que l'on coincerait volontiers entre les ambiances d'un Qntal et les sonorités d'un Of The Wand & The Moon. Décidément, Debemur Morti nous régale cette année.
| Dead 6 Septembre 2014 - 1157 lectures |
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