Barren Harvest - Subtle Cruelties
Chronique
Barren Harvest Subtle Cruelties
Il y a des genres musicaux avec lesquels on passe des contrats de confiance, sûr de ce qu'on va y trouver. Le dark folk en est indéniablement un, tant ses fidèles paraissent se baser sur le même canevas : l'instrumentation pastorale où prennent place les graciles débuts de saison ; les nappes de claviers caressant le sol de leur fumée, faisant entrer le monde dans une étrangeté immobile ; les voix aristocratiques et mortuaires semblant sortir de figures de tableaux préraphaélites... Tout cela, Barren Harvest ne le dérange en rien, offrant par sa musique des liens entre John Everett Millais et Tenhi, le Huysmans de En rade et Sol Invictus.
Il paraît donc compliqué d'expliquer en quoi Barren Harvest tient de la découverte majeure, autrement que par un pouvoir d'évocation le faisant passer du rang des apaisants repos à celui, comme l'intitulé de son premier album l'indique, des cruautés subtiles. Pourtant, le simple fait qu'il soit une collaboration entre Lenny Smith (Atriarch) et Jessica Way (Worm Ouroboros) devrait suffire à donner la puce à l'oreille – et quelques soucis à se faire – pour qui connaît les tétanies qu'ils ont pu créer dans leurs formations d'origines. Sans surprise par rapport aux C.V. des deux participants, Subtle Cruelties paralyse contre son gré, ses joliesses lâchant si peu leur douceur esseulée, ses chants tantôt funèbres, tantôt emphatiques étant d'une telle sincérité gênante, qu'il effiloche, impudique, les quelques barrières séparant la douce fainéantise des dimanches et les morbides obsessions où l'esprit s'égare sans le vouloir.
Coincé dans ce temps suspendu, on erre bien en damné et non en touriste. Plus que d'autres noms, Barren Harvest rappelle en cela Amber Asylum et l’éphémère The Gault, dont on retrouve ici l'ennui fatal caché derrière le romantisme noir, la volupté synonyme de mort. C'est par cette alliance des voix de Lenny Smith et Jessica Way que le tour de magie se réalise, les deux personnifiant chacun à leur manière – froideur enveloppante côté homme, chaleur lointaine côté femme – le moment où les repères se délitent et la conscience de soi fond, perdu dans le vague à l'âme.
Cependant, Barren Harvest n'est pas encore tout à fait à mettre au même niveau que les deux références citées, du fait d'un fonctionnement cyclique qui, s'il apporte de nombreux moments forts (les terribles « Heavens Age », « Reveal » et « Claw and Feather » par exemple), s'encombre ici ou là d'inutiles rappels à l'image des « Memoriam », parfois anecdotiques et dont j'aurai préféré une version moins éclatée, ne gardant que ses deuxième et sixième parties comme points centraux. Le tracklisting n'en reste pas moins extrêmement réfléchi, notamment dans ce retour au point de départ qui sert de conclusion, « The Subtle Cruelty of Spring » reprenant les accords de « The Bleeding » pour un résultat différent mais également figeant, où un printemps timide laisse place à l'hiver.
Il y a des genres musicaux avec lesquels on passe des contrats de confiance, sûr de ce qu'on va y trouver. Le dark folk en est indéniablement un. Recueilli et désenchanté, poétique et cynique, Subtle Cruelties parvient pourtant, avec toute l'humilité dont se sont drapés ses deux membres, à donner une patine neuve aux photographies jaunies du style, traquant l'auditeur, l'emmenant tendrement par la main vers une mélancolie où il reste prisonnier et un peu amoureux, comme dans un rêve doux-amer. À vous de voir si ce type de dépression hantée vous botte.
| lkea 12 Mai 2014 - 1450 lectures |
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