Quand on pense Espagne et Metal, on pense soit à Mago de Oz ou, moins kitsch, au Thrash revival. Mais ce qu'on oublie, c'est que l'Espagne n'est pas seulement un bastion de groupes seconds couteaux dans la sphère du Metal qui castagne, c'est également le bassin d'un genre musical dans lequel puise la musique extrême : le Flamenco.
Mêler le Metal avec cette musique traditionnelle aurait pu sembler incongru il y a dix ou vingt ans, et pourtant des groupes comme
FlaMetal, des musiciens tels que
Rodrigo y Garbiella ou
Marc Rizzo l'ont prouvé : ce sont deux genres qui se marient parfaitement bien ensemble.
Et pour cause : la rythmique Flamenco est bondissante, très marquée par des accélérations et breaks, et la guitare y est technique. Certaines montées et descentes prises telles quelles évoquent forcément le Thrash 80's, et des reprises de ces standards en Flamenco ne choquent pas l'oreille, au contraire. On a le sentiment que tout est en place, et que seule change la forme.
Cependant, ce mélange est resté une musique de niche, et on a eu assez peu de grands représentants du Flamenco Metal à se mettre sous la dent. Mais avec l'essor de formations ambitieuses qui n'hésitent pas à mélanger plusieurs genres au sein de leur Metal, comme
SEPTICFLESH et ses mélanges symphoniques, ou le
« Tsar » de ALMANAC et son travail poussé sur les guitares, le créneau est libre, et le public est prompt à recevoir toute sorte d'expériences.
IMPUREZA est ainsi clairement dans cette vague du Metal qui cherche, qui expérimente : né en 2004, il leur a fallu 6 ans et plusieurs démos avant d'enfin fournir un premier album que j'avais découvert au hasard et qui m'avait laissait sur ma fin. Un Death Metal assez mou, un Flamenco qui semble à côté et qui n'a pas l'air de prendre avec la musique ; autant dire que mon constat a été vite vu. Je n'ai pas retenu le nom du groupe.
Un EP et sept ans plus tard, les français sont de retour, et une chose est sûre : ils sont là pour s'imposer, et il s'en sont donné les moyens !
Car lorsqu'on parcourt l'album, on est surpris par plusieurs moments.
Surpris d'abord par la façon dont le Flamenco, alors présent par touches et qui ne semble pas s'allier au Death Metal dans les premiers titres, vient peu à peu se mêler à la musique extrême, jusqu'à imposer ses riffs. Et si un morceau comme « Sangre Para los Dioses » montre très vite les influences du groupe, notamment les touches arabisantes du
« Sphynx » de MELECHESH ou un poutrage à la
BEHEMOTH époque
« Demigod » (décliné partout, tout le temps sur ce disque), on entend une basse feutrée qui rappelle
BEYOND CREATION, le tout parsemé de coupures hispaniques. Autrement dit, rien de neuf niveau métal mort, mais c'est élégamment exécuté, même quand les gusses se décident à nous faire headbang comme jamais sur « Camino Hacia Mictlán » : ça fracasse, puis on arrive à une rythmique martiale efficace au possible, à tel point que j'en ai pété mon air drumset !
Heureusement, ce Flamenco parviendra peu à peu à donner la cadence : c'est une musique basée sur des élancées puis des ruptures, des breaks qui viennent sans crier gare. Ce manque de prévisibilité peut être dangereux, car ça peut décontenancer et déstabiliser, alors qu'un bon breakdown, on le prend et on s'en saisit à l'avance !
« Abre-Aguas » est le premier morceau de l'album à illustrer cette manière de bien jouer avec cette touche, par des montées amputées qui donnent un côté épique et grandiloquent vraiment appréciable. Ensuite, c'est le festival : « Leyenda Negra » situe le Flamenco à la première place, et le mix impeccable du disque permet de donner un son plein. On n'est ni submergé ni déçu, on entend tout ce qu'il faut entendre – et cette basse, je l'aime définitivement, autant que ces riffs égyptiens et ces voix arabisantes qui me font toujours fondre.
Le top du top du mélange des genres, et qui augure du bon pour la suite, est atteint avec l'instrumental « La Caída De Tonatiuh » : on a une mélodie qui sera reprise par mouvements, et tu finis sur des castagnettes – et comme tu ne les as pas entendues du tout, et que tu t'y attendais un peu, ça fait comme une récompense ! Mais cette idée pourrait aussi se montrer dangereuse : avec une si forte identité et des éléments aussi chargés, gare à l'indigestion. Ils ont mis sept ans entre ce disque et le premier, on sent qu'ils ont bien grandi. Prendre le temps pour leur prochain disque ne sera pas une mauvaise chose.
D'ailleurs, tout l'album a été peaufiné jusqu'aux moindres détails tant les articulations sont bien senties, ce qui est pour moi indispensable quand on joue sur une palette aussi vaste que celle du Prog/Sympho. Car, oui, quitte à puiser dans plusieurs styles, autant ratisser le plus large possible ! Un titre comme « Otumba, 1520 » met la misère avec cette batterie très riche, sa cymbale qui teinte solennellement. Puis vient le chant, varié lui aussi sur l'ensemble du disque, et alors ça s'emballe et ça martèle sans se presser, avec un travail de diversité sur les grattes. C'est progressif et ça prend son temps de manière équilibrée : ils savent jouer avec les effets. C'est grandiloquent et narratif, tout en étant bien fichu et naturel. Là, on n'a pas d'ajouts de pistes « pour faire sympho ». Même leur gimmick du « Flamenco » n'est finalement pas utilisé à outrance : il est d'abord présent par ce côté méditerranéen qui transpire dans les choeurs également, façon MELECHESH toujours, puis il contaminera les mélodies.
Et il y a ces sweeps métalliques portées par les voix en suspensions et les montées et descentes de la batterie, pour conduire à un solo sous une rythmique qui fout la claque : ce morceau est une réussite !
Et des moments de grâce, on en compte plusieurs : les choeurs et alternances du feu de dieu dans « Abre-Aguas », le sursaut dans « Ultimo Día Del Omeyocán » avec ces rythmiques changeantes, entre accélérations et ralentissements, le tout sous un mur de son agrémenté de sweeps métalliques et autres joyeusetés à la guitare qui dépassent l'entendement, ou bien l'ultime titre « La Llegada De Los Teules », simplement indécent dans sa manière de te faire ramasser tes dents.
Après, il faut se l'avouer, cet album n'est pas pour autant un sans-faute. De prime-abord, j'étais sur la réserve : le début a du mal à accélérer. Je trouve les parties blast beats aux couplets un poil en-dessous, comme si le chant et la batterie avaient du mal à s'entendre, notamment dans « Sangre Para Los Dioses » ou « Leyenda Negra ». Ce dernier, aussi, termine un peu sans grande explosion, alors que le reste du morceau aligne les idées judicieuses. Je m'attendais à du grandiose, puisque, pour le reste, les titres terminent au juste moment.
Ensuite, soyons sincères sur autre chose : si on a du mal avec les références dont j'ai parlé, ou si on est du genre à ne pas trop apprécier les emprunts, ça risque de faire réagir. Pour moi, tant que c'est fait avec du recul, et qu'on ne fait pas dans la facilité, tout va bien !
Car, véritablement, nous avons affaire à un album de l'approfondissement : après un premier essai où le Flamenco n'apportait pas grand chose à leur musique si ce n'est un gimmick (et comme je le dis : si on ôte ces pistes « originales » et que ça ne tient pas, eh bien c'est pas bon, ce qui était le cas pour moi), ici on sent que les membres d'IMPUREZA ont pris le temps de réfléchir leur musique.
Outre le Death Metal hyper bourrin qui dépasse ce que proposait MELECHESH, en terme de musique extrême arabisante, par la richesse prog que les français insufflent, tout en s'inspirant du BEHEMOTH de « Slaves Shall Serve », le quintet est parvenu à un subtil équilibre entre extrême et Flamenco, le tout par des alternances, des intros et des articulations qui forcent le respect.
Leur musique sait mettre en avant les moments qu'ils ont voulu transmettre, sans trop s’appesantir. Le mix étant impeccable, on se retrouve face à un bijou soigné, dont chaque sinuosité dévoile des facettes naturelles. On ne fait pas du riff pour du riff, ni du solo pour la frime. Rien ne semble artificiel ou gratuit (l'écueil de « faire genre épique » est celui qui m'horripile le plus dans le genre sympho), si bien que j'ai pris mon pied là où un SEPTICFLESH a pu, justement, me laisser septique.
Je suis souvent difficile vis-à-vis des groupes vendus comme originaux à cause d'un fil rouge qu'on peut juger surfait. Mais il n'y a rien de tout ça ici. L'album est non seulement une réussite en terme de Death metal progressif et symphonique, et sait se réinventer en utilisant avec raison leur atout fort. C'est cet équilibre des forces qui fait de cette « Caída De Tonatiuh » un disque à découvrir.
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