Dirty Shirt - FolkCore DeTour
Chronique
Dirty Shirt FolkCore DeTour (Live)
A l’instar de son voisin bulgare la scène roumaine n’est ni la plus exposée ni la plus connue par chez nous, et hormis NEGURA BUNGET rares sont les formations qui ont réussi à percer et à se faire un nom au-delà de leurs frontières. Si cela est dû à un manque d’exposition et de moyens criants, il y’a aussi certains préjugés (justifiés ou non) sur la qualité des groupes locaux où il faut bien reconnaître que comme partout ailleurs le mauvais côtoie le très bon. DIRTY SHIRT fait partie de cette seconde catégorie et mérite que l’on s’y attarde tant sa musique est inclassable et étonnante, car il faut du temps, de la patience et de nombreuses écoutes pour accrocher aux multiples facettes du combo qui oscille entre Metal moderne voire Neo, Indus, touches électroniques utilisées avec parcimonie et hommage à leurs traditions locales via des incursions folkloriques et locales. Propulsé meilleur groupe Rock et Metal de Roumanie depuis sa seconde place à la finale internationale du Wacken Metal Battle en 2014, leur cocktail détonnant et original a été poussé à son paroxysme via une série de six concerts dans leur pays où a été invité l’Ensemble National Folklorique de Transylvanie (soit plus d’une dizaines de personnes), pour un résultat surprenant, et qui surtout jette un regard neuf aux morceaux des albums « Dirtylicious », « Freak Show » et « Same Shirt, Different Day ». Ceux-ci bien que conservant leur structure initiale ont été transformés et modifiés de manière plus ou moins importante afin d’amener plus de surprises, de mélancolie ou de joie, le tout avec différents interludes qui servent de transition aux passages plus lourds, et qui sont soient d’une profonde tristesse (« Balada »), ou d’obédience burlesque inspirée par le cinéma muet (« Hungarian Dance No.5 »).
Au milieu de toutes ces ambiances différentes le chant se fait lui aussi international vu qu’en plus de la langue locale du combo multi-têtes on peut entendre de l’anglais, du français, du serbe et du hongrois, ce qui donne un melting-pot linguistique aussi varié que la partie musicale. Justement ce qui va frapper rapidement c’est que les instruments traditionnels vont apporter un côté dansant et remuant à des compos qui ne l’étaient pas forcément à leur création, comme avec « Moneyocracy » qui se retrouve chamboulé dans le bon sens du terme, tout comme « Rocks Off » bondissant et festif ou l’instrumental « Calusarii » qui nous plonge dans les fêtes de village de l’est de l’Europe. Les guitares ne sont heureusement pas oubliées et rugissent sur les très industriels « Ride » et « UB » de facture classique mais où les amplis se font plus puissants, et où l’on remarque que tout le monde est sur le même pied d’égalité, comme ça pas de jaloux et chacun peut voir son instrument de prédilection être audible et mis en avant. D’ailleurs si le riffing syncopé et mélangé au violon revient à plusieurs reprises (sur « Freak Show », « Maramu’ », ou encore « Bad Apples ») il se greffe aussi à des percussions tribales qui renforcent la puissance du combo, via les très réussis « Manifest » et « Dirtylicious » qui lorgent vers les tambours du bronx et conservent une vraie cohérence.
C’est d’ailleurs la force de ce live, car sur le papier le projet pouvait paraître présomptueux voire carrément gonflé, tant on a pu entendre par le passé des mélanges des genres faisant le grand écart, pour un résultat final rarement à la hauteur des espérances (et qui finissait même par tomber dans le kitch et le ridicule). Ici il n’en est jamais question, notamment grâce à une durée de chacune des compos relativement courte, qui du coup se digèrent très facilement et permettent de passer rapidement à un autre style et une ambiance différente, comme sur les mélodiques « My Art » et « Saraca Inima Me ». Si le premier propose un début et une fin aérienne et apaisante, ponctué d’un break doux et calme, le second en est presque à tirer des larmes entre les notes acoustiques et le chant d’une tristesse infinie, mais sans jamais sonner bubble-gum ou autre niaiseries rose bonbon.
Etant blindé au maximum de la durée d’un compact-disc cet album atypique demandera énormément de temps et d’écoute tant sa richesse se dévoile progressivement, et surprendra à chaque fois. Comportant peu de temps faibles, il mérite vraiment qu’on s’y attarde car ça n’est pas tous les jours qu’on entend un maelström auditif aussi imposant et totalement à part. Bref difficile de parler de tout cela par des mots, le mieux est encore d’y jeter une oreille afin de se faire sa propre idée, certes comme d’habitude, mais cette fois-ci encore plus !
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