Svart Crown - Wolves Among The Ashes
Chronique
Svart Crown Wolves Among The Ashes
Depuis ses débuts il y’a un peu plus de quinze ans la formation menée par JB Le Bail a vu défiler en son sein bon nombre des meilleurs musiciens de la scène extrême hexagonale, et pour ce cinquième album il n’y a pas eu de dérogation à cette règle. Si on a également pris l’habitude de voir à chaque sortie de nouvelles têtes autour de son leader cette fois-ci les choses ont été poussées très loin, vu qu’il y’a eu un renouvellement complet des troupes. En effet si les deux Kevin (Verlay et Paradis) ne sont plus de la partie le gros changement provient du départ du bassiste historique Ludovic Veyssière, qui était de l’aventure depuis 2006. Du coup pour remplacer tout ce beau monde le frontman a fait notamment appel à des anciens membres, à savoir le guitariste Clément Flandrois et le batteur Nicolas Muller que l’on retrouvait tous les trois ensembles sur le monumental « Profane », et qui depuis leurs aventures extérieures notamment dans HYRGAL, PILLARS, ARTEFACT et OTARGOS, ont encore gagné en technique et en efficacité. Du coup sur le papier ce retour au bercail s’annonçait des plus prometteur, tant ce line-up est probablement le meilleur de la longue et tumultueuse histoire de SVART CROWN, et celui qui en 2013 lui a permis d’emprunter une voie plus ambiante et religieuse, où il évolue encore aujourd’hui.
Car après avoir continué son exploration musicale sur le très bon « Abreaction » le quatuor n’a pas l’intention à l’heure actuelle de revenir aux sources plus brutales de ses débuts, cependant il ne les a pas totalement oublié comme va nous le rappeler le puissant et radical « Thermageddon » où la vitesse et brutalité sont prédominantes. Pas de quartier en effet ici le rythme global va être élevé, notamment via Ranko qui derrière son kit se lâche totalement (confirmant qu’il est bel et bien un des frappeurs les plus énergiques du pays), et ne ralentissant l’allure que lors du passage central extrêmement lent, qui amène un supplément de noirceur bienvenu au milieu de cette froideur pénétrante. Autant dire qu’ici ça canarde de tous les côtés et ça permet de mettre les points sur les i pour commencer, afin de prouver que malgré son orientation d’aujourd’hui la bande sait encore écrire quelquechose de brut et direct. Il était important pour l’entité de débuter sur les chapeaux de roue car dès la plage suivante c’est sa version plus actuelle qui va être mise à l’honneur via la doublette « Art Of Obedience »/« Blessed Be The Fools ». Place ici à un tempo général bridé et écrasant où vitesse et accélérations sont absentes des débats, afin de miser sur la lourdeur sous toutes ses formes, sans pour autant être linéaire. En effet l’ensemble est suffisamment bien foutu au niveau des riffs comme des patterns qu’on n’a pas l’impression d’avoir une répétition des plans, le tout étant porté par des ambiances plus obscures qui se mêlent à des moments de douceur. Car on y retrouve des passages où les guitares et la tessiture de la voix se font plus mélodieuses, permettant ainsi d’amener un soupçon de lumière au milieu de cet abîme de noirceur impénétrable et angoissante. D’ailleurs ce point se retrouvera plus loin sur le tout aussi inquiétant « Down To Nowhere » presque Doom dans l’esprit (et à la reverb’ angoissante), créant ainsi un sentiment ambivalent de malaise et d’espoir malgré la violence qui s’est ici estompée.
Si cette dernière se retrouve encore sur cette galette via l’excellent « At The Altar Of Beauty » (où toute la palette de jeu des mecs est de sortie - entre brutalité extrême et instants plus mélodiques), c’est néanmoins le modernisme et l’écrasement qui vont terminer les hostilités, tout d’abord avec le très bon et classique « Exoria » particulièrement intéressant, et surtout via le très long et étonnant « Living With The Enemy ». Ici on va se retrouver plongé en pleine prière de cérémonie funéraire où le chant incantatoire est porté par une frappe tribale sur les toms, donnant de fait une ambiance planante et ésotérique (que l’on retrouvera également plus tard) avant que le tout ne monte en pression avant d’exploser, pour mieux redescendre ensuite. Offrant les deux visages opposés poussés à leur paroxysme, le résultat est surprenant de prime abord mais parfaitement réussi car parfaitement imbriqué dans la thématique générale. Cependant à l’instar du reste de ce long-format il va falloir du temps et de nombreuses écoutes pour démêler chaque élément du puzzle et en saisir toutes les subtilités, qui composent l’œuvre de la première à la dernière seconde.
Poussant plus loin sa recherche et son cheminement le combo continue sur la même (et intéressante) voie tracée sur les deux précédents volets de ses aventures, sans pour autant s’égarer en cours de route. Une fois encore le chanteur-guitariste a emmené son projet vers de nouvelles contrées lointaines, où la profondeur et densité impressionnantes sont portées par une production équilibrée et chaude parfaitement en raccord. Toujours bien calé dans son segment celui-ci continue son chemin sans se fier aux modes et au buzz à tout prix, gardant son intégrité artistique sans avoir peur de prendre des chemins de traverse. Tout ceci est le prix à payer pour rester atypique dans une scène hexagonale de haute lutte où la concurrence est féroce, mais où les Sudistes restent dans le haut du panier, via cette réalisation impeccable de bout en bout qui ne faiblit jamais ni ne montre de baisse de régime… du grand art !
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