Dix ans déjà… Dix longues années à guetter la moindre news de Cor Scorpii pour une suite au bijou
Monument, hommage magistral au défunt Valfar par ses anciens acolytes de Windir. De ce dernier, il ne reste dans Cor Scorpii que son claviériste Gaute « Righ » Refsnes , le lead guitariste Strom étant parti chez Vreid en 2010 (et retrouver trois autres ex-Windir), remplacé par Erlend Nybø (Funeral). Un poids conséquent pour ce nouvel arrivant mais en partie aidé par un Strom qui n’aura pas su réellement marquer nos oreilles sur le dernier Mistur et surtout le très médiocre Vreid (sous le joug de Hvàll, peut-être un sursaut cette année ?). Ainsi des teasers dès 2013 et un enregistrement étalé sur plusieurs années jusqu’à ce mois de juin 2018 et la sortie de
Ruin via le label spécialisé en black norvégien Dark Essence Records. Enfin.
Strom ne fait plus partie du « cœur du scorpion » mais en regardant les crédits de
Monument de plus près, le responsable de ses mélodies et de plus de la moitié des morceaux (à mon sens les meilleures compositions) n’était autre que Gaute Refsnes. Pour
Ruin le musicien tire encore les ficelles et ne déroge pas au cahier des charges « sognametal » : du black/viking/folk mélodique aux tremoli épiques par paquet avec cette fois la présence d’un accordéon (« Siste dans ») et même d’une mandoline (intro de « Ærelaus ») pour enfoncer le clou. Mise en bouche et gros « ouf » de soulagement dès l’ouverture majestueuse « Svart Blod (Hovmod står for fall) » (déjà teasée il y a cinq ans), 9 minutes qui exposent à mon sens le meilleur de Cor Scorpii. Un Gaute qui sort désormais de l’ombre du lead guitariste, un clavier plus présent à la limite parfois du symphonique et aux touches 90’s rétro des plus délectables (« Helveteskap » à 6:54 ou comme un air de Warcraft 2). Le gaillard vient d’ailleurs rejoindre la reformation d’Odium (groupe de black symphonique des membres de Myrkskog), à suivre de près. Le mixage (de nouveau au Toproom Studio) ira dans ce sens, les guitares étant parfois presque reléguées, masquées par des basses en avant (accentuées au casque) et une batterie très martiale.
Nappes de claviers de côté,
Ruin ne prendra donc aucun risque pour braquer les anciens adorateurs de
Monument, enfin presque. Une petite surprise en plus, la présence de chant féminin. Aucune frayeur à avoir pour les plus récalcitrants, comme ornement et se fondant parfaitement au reste, on ne le retrouvera que brièvement sur trois titres. Côté masculin, à l’instar de l’album précédent, le chant clair en guest de Mats Lerberg (ex-Funeral) pour épauler Gaute, enchanteur pour nos oreilles sur « Skuggevandrar ». Contraste avec les vocaux black (toujours en norvégien) méchamment criards de Thomas dans l’esprit de Valfar mais aussi d’un Pest (Obtained Enslavement comme influence majeure), la puissance en moins. Malgré tout le frontman fait le job. Les écoutes s’enchaînent, comblées par les mélodies de « Skuggevandrar » (jusqu’à son final à 5:39), le glacial « Helveteskap » (à la conclusion aussi frissonnante), l’homérique « Ri Di Mare » ou l’imparable « Ærelaus ». Puis l’euphorie se dissipe et le cerveau de chroniqueur commence à analyser les compositions puis forcément à comparer à
Monument.
Au final
Ruin est malheureusement plus inégal que son aîné. Des longueurs disséminées pour des morceaux où la colonne vertébrale reste la mélodie (« Fotefar », « Helveteskap », « Ærelaus »), le reste étant un peu maigre et comblant des minutes parfois en pilotage automatique. Sans lead le black de Cor Scorpii a d’ailleurs du mal à fonctionner, la thrashy « Hjarteorm » certainement composée par le guitariste rythmique (écho à « Kjettar ») comme constat. Des mélodies légèrement en deçà de ce qu’a pu apporter Cor Scorpii, moins mémorables et aux émotions moins intenses. Preuve de cette conclusion comme une sorte de générateur Sognametal et qui ne provoquera pas le moindre frisson… Problématique quand il s’agit de l’artère principale du style.
Ruin ou ma plus grosse attente de cette année. Un album qui fera un bien fou aux adorateurs de « sognametal » après un Mistur qui nous aura laissé sur notre faim et un genre encore discret après la fin de Windir. L’effervescence des premières écoutes laissera malheureusement place à un sentiment quelque peu mitigé car plus inégal et à l’atmosphère moins touchante que son prédécesseur
Monument. Prédécesseur sorti il y a dix ans… Difficile de ne pas faire la fine bouche sur le travail de composition après tant d’attente, surtout que cette sortie suit le plus modeste et excellent
Vallendusk. Pour autant le plaisir d’écoute demeure mais Messieurs, un troisième album qui ne sortira pas en 2028, pitié. Mélomanes pleurant Windir même si la quintessence de Valfar n’est pas atteinte, un hommage sincère et de grande qualité.
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