Black Sin - Solitude Eternelle
Chronique
Black Sin Solitude Eternelle
Si la Scandinavie nous a habitué à être un terreau fertile en matière de formations maudites la France n’est pas non plus épargnée par ce phénomène, d’ailleurs dans le genre BLACK SIN n’a rien à envier à ses cousins du grand-nord. Si son existence s’est achevée en novembre 2017 celle-ci n’a pas été de tout repos vu que pendant treize ans elle a été marquée par de très nombreux mouvements de personnel, conjugués à la mort qui n’a cessé de rôder tout autour… d’ailleurs la faucheuse a fait son œuvre en emportant avec elle deux anciens membres, ce qui a contribué à renforcer cette sensation de désespoir. Si ce second et ultime opus a mis du temps à sortir c’est qu’en interne la situation était très compliquée et a convaincu son leader et fondateur Berith de mettre fin à l’aventure pour passer à autre chose (sentiment renforcé par l’annulation d’un concert d’adieu prévu pour la fin de l’année pour cause de manque d’investissement de ses acolytes). Si désormais le projet est enterré une fois pour toute il est important comme pour tout défunt de se rappeler les bons moments et bonnes choses qu’il a pu faire durant sa vie, et même si musicalement il n’a pas été des plus productifs. Car il mérite incontestablement qu’on s’y penche attentivement, tant ce testament d’une noirceur absolue va faire plonger l’auditeur dans des abîmes obscures qui ne laisseront pas indemne.
Sans jamais tomber dans le kitch ou le ridicule le Metal noir proposé ici pendant un peu plus de trois-quarts d’heure se montre régulier et homogène, tout en mélangeant la noirceur la plus extrême à des moments plus entraînants afin de renforcer l’effet de surprise et de plaisir provoqué. Après une introduction aux notes coupantes où les cris de souffrance s’y mêlent afin de donner de suite le ton, l’excellent et entraînant « Lente Descente » va montrer un large panel des influences des musiciens où le rythme change assez régulièrement. Pas original sur le fond mais excellent sur la forme il se fait à la fois désespéré et remuant, tout en étant d’une écriture simple et fluide où le feeling et le groove passent avant tout le reste. Ce schéma est poussé plus loin avec « Dévastation » qui joue les montagnes russes entre vitesse pure et lenteur extrême, accompagné par un break coupant et déchiré qui rappelle les grandes heures du SHINING suédois, pour un rendu dense et oppressant où l’on ne s’ennuie pas une seconde. Si « Derniers Instants De Vie » et « K.A.H.R II » vont plus à l’essentiel et restent plus basiques dans leur construction, l’ensemble conserve néanmoins une accroche totale où l’envie de taper du pied n’est jamais absente, tout comme les petits éléments qui évitent de tomber dans la redondance, comme un solo plaintif et des ralentissements indispensables. Là-encore le sens du riff se révèle juste et précis et permet de conserver une base de départ imparable où vient se greffer le reste des instruments, tout en augmentant son niveau de jeu, qui va atteindre son sommet avec le tentaculaire et magistral « Cendres ». Durant dix minutes on est emmené vers des contrées inconnues, renforcé en cela par les incessantes variations de tempo jusqu’à l’arrêt total où le temps semble suspendu. En effet après un court et agréable passage en lead voici que la douceur et la tendresse font leur apparition via des notes douces et froides ainsi que par celle plus surprenante d’un saxophone fort discret, mais dont l’apport est indéniable. Là-aussi on sent l’influence qu’a eu le combo de Niklas Kvarforth sur la composition tant ses cassures diverses et ambiances plus cotonneuses sont sa marque de fabrique, mais ici bien que reprenant certaines de ses idées une écriture plus personnelle est également mise en avant. Si ce fameux instrument à vent est plutôt présent dans le Jazz ou la Pop son intrusion ici n’a rien d’incongrue car il se superpose à une rythmique très douce conjuguée à des pleurs et à une grande mélancolie, avant que la batterie plus martiale ne conclût les débats par un recueillement intime et dans le silence.
On n’a pas vu le temps passer sur cette compo (à l’instar des précédentes) et cela sera encore le cas avec « Vide Existence » ainsi que sur le morceau-type de facture plus conventionnelle mais tout aussi agréable. Ces deux ultimes plages compilent en effet tout ce qui a été entendu jusqu’à présent tout en conservant la qualité intrinsèque de l’ensemble, où l’équilibre parfait entre brutalité et écrasement calé au milieu d’une accroche parfaite permet de terminer de la meilleure des façons cet opus réussi à plus d’un titre. Car bien que ne réinventant rien (ça n’est pas son but) Berith et ses collègues réussissent le tour de force de ne pas tomber dans les nombreux pièges inhérents au Black dépressif, pas de place pour le ridicule tant tout sent la sincérité au sein d’un album au titre évocateur et dont le contenu est en total raccord avec lui. Avec sa production crue et sonnant live (où chacun des instruments est sur le même pied d’égalité), son écriture sans temps faible et ses paroles de qualité récitées de façon possédée d’une main de maître (et particulièrement pénétrantes), on ne peut que regretter la fin des activités du quatuor tant cet opus est un petit bijou occulte et qui sent le trépas à des kilomètres à la ronde. Il est certain en tout cas qu’il n’aura pas eu droit à la lumière qu’il était en droit d’avoir, mais il n’est pas trop tard pour rattraper cette erreur, d’autant plus que son leader risque de refaire parler de lui bientôt vu qu’il ne compte pas arrêter ses activités, mais bel et bien repartir sur un nouveau projet dont le visage n’est pas encore connu pour l’instant, mais qui sera à surveiller en temps voulu.
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