Wolvennest - Void
Chronique
Wolvennest Void
Bienvenue dans le monde merveilleux de Ván Records ! L’excellentissime label allemand spécialisé dans le Black et ses nombreuses variantes (URFAUST, THE RUINS OF BEVERAST, MOURNING BELOVETH ou encore OUR SURVIVAL DEPENDS ON US suffisent à me faire saliver tel un bulldog anglais) s’est une fois de plus illustré par sa démarche audacieuse en signant le deuxième album de WOLVENNEST (ou WLVNNST) en l’an de grâce 2018. En ce début du XXIème siècle, la sorcellerie n’a normalement plus cours. Normalement. Surgit alors ce projet musical issu du microcosme bruxellois, construit notamment autour de Marc De Backer (MONGOLITO), Corvus von Burtle (CULT OF ERINYES), Michel Kirby (LA MUERTE, ARKANGEL) et de la sublime Sharon Shazzula au chant, que l’on imagine aisément en marraine maléfique du bébé de Rosemary. WOLVENNEST nous offre avec ce second opus un sublime voyage aux confins du Krautrock et du Black Ambient dont on revient étonnamment apaisé… mais marqué de manière indélébile par l’empreinte du Malin.
Un format généreux avec plus d’une heure d’écoute mais qui ne semble durer que le temps d’une berceuse diabolique (par quel démoniaque enchantement ?). Tout est essentiel, rien n’est dispensable. On ne ressent aucune lassitude, à aucun moment, on se laisse emporter et on savoure. Chaque titre, que l’on mémorise très facilement malgré sa relative longue durée, a son identité propre, pour un ensemble malgré tout incroyablement homogène. La musique de WOLVENNEST peut sembler très accessible au premier abord, mais s’avère subtile pour qui sait écouter entre les notes. Guitares douces, virevoltantes et planantes aux sonorités seventies, riffs répétitifs et lancinants, voix (tant féminine que masculine) sensuelles, parfois torturées mais jamais agressives, synthé plaquant sur l’ensemble une ambiance occulte et angoissante : c’est Woodstock à Fantoft !
VOID démarre en douceur avec Silure, titre d’ouverture instrumental avec des guitares subtilement orientalisantes et une atmosphère reposante. C’est le calme avant l’inexorable montée en intensité ou plutôt la lente et tortueuse progression vers le Purgatoire. L’ambiance devient au fil du temps plus pesante, plus sombre. Ritual Lovers ? Essayez donc de vous la sortir de l’esprit, celle-ci ! Bon courage ! Un riff, une ligne de chant en guise de ritournelle, vous êtes happés, vous êtes foutus ! Le ton de Sharon Shazzula, la ténébreuse maîtresse de cérémonie, se durcit dans le titre éponyme jusqu’à en devenir intimidant. L’Heure Noire porte bien son nom avec son rythme accéléré, cette sensation d’oppression et cette voix masculine, s’apparentant à un chant religieux, sorte d’invitation à un rituel à n’en pas douter pas très catholique. Dans The Gates, Sharon Shazzula s’exprime désormais en français, mais elle ne chante pas, elle ordonne : « Embrasse l’obscurité, oublie la lumière » tandis que son comparse hurle sa douleur et son désespoir dans une langue que je peine à reconnaître. Il faut bien que ça se termine, mais de quelle manière ? Par La Mort bien sûr ! La musique est aussi douce-amère que le cyanure mais le discours servi en litanie péremptoire « Allons chercher la mort au plus profond de ces corps » ne trompe personne. La descente aux Enfers est finie.
WOLVENNEST est une drogue dure. C’est le Diable paré de ses plus beaux atours pour vous séduire et voler votre âme vouée à l’éternelle damnation. C’est le poison que l’on boit avec gourmandise, la blessure que l’on s’inflige volontairement avec plaisir, le fil du rasoir qui passe sur le poignet plongé dans l’eau que l’on ne sent pas entamer la veine. Je nourris l’espoir de voir de mes propres yeux les ingrédients savoureux de la musique de WOLVENNEST se dissoudre en une alchimie parfaite dans le chaudron bruxellois du festival A Thousand Lost Civilizations en mars prochain.
VOID est à mon sens une réussite totale, une œuvre aboutie, mature et homogène, dotée d’une atmosphère ensorcelante dans laquelle on plonge tête la première en ayant pleinement conscience du danger. La magie noire opère si tant est que l’on s’y abandonne. Ne tentez pas de résister à l’appel de la sirène à la queue fourchue, vous passeriez à côté d’un coupable et périlleux, mais néanmoins immense plaisir.
Je ne me permettrais qu’une seule petite critique : son artwork. Une imbrication de formes géométriques colorées que je trouve en décalage avec le contenu musical… à moins qu’une obscure signification mystique ne m’ait échappée.
| ERZEWYN 17 Janvier 2019 - 2759 lectures |
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