Saltas - Mors Salis – Opus I
Chronique
Saltas Mors Salis – Opus I
Après Yves, le film français sur un frigo qui fait du rap (je conseille), Saltas, le frigo qui joue du death metal ? Sûr qu’il fait froid dans ce projet composé des pas-si-mystérieux N.R. et C.J., ces derniers n’ayant visiblement pas encore tout dit dans les milliards de groupes dont ils font ou ont fait partie (Runemagick, Heavydeath, Irkallian Oracle, Sacramentum, Swordmaster... la liste est longue !). Déjà auteurs de deux démos remarquées (Currents et Parasites, compilées ensemble par Atavism Records sur Death•Spirit•Continuum l’année dernière), les Suédois n’ont pas décidé de s’arrêter à ces coups d’essai, déjà fortement particulier dans leur death / doom congelé où mécanique et organique s’allient dans un rêve cronenbergien de chair glacée. Évoquant une version metal extrême des productions du défunt label Cold Meat Industry, les riffs typiques deviennent ambiances, les grognements se marient à l’air pour mieux intoxiquer nos poumons, l’ensemble s’assimilant à une bouillasse rouge qui, sans qu’on s’en aperçoive, nous contamine malgré (ou grâce à ?) l’absence de tangible.
Mais ce premier album est encore différent. Comment décrire la musique jouée ici ? Imaginez un monde où Chaos Echoes, Grave Miasma et Encoffination se partagent les terres, un monde de flammes, de magma permanent, une chapelle régnant en son centre et l’acclamant. Je ne vois pas d’autres images pour décrire le tour joué sur Mors Salis – Opus I, le duo accentuant la part death metal de son style pour aller vers un ailleurs encore plus personnel. Niveaux riffs, il y a clairement de quoi se faire accrocher l’oreille pour l’amateur de mort metal traînant ses membres en putréfaction, à commencer par l’explosion « Dimensional Seismic Waves ». Mais ces quelques moments frontaux ne sont là que pour mieux nous plonger la tête dans cet univers irrespirable : à voir comme des fondations, des instants de grâce immondes (raaaah, cette montée sur « Reversed Atom(b) »), ils hypnotisent pour mieux nous engouffrer entre les lignes, là où de belles horreurs se déploient quarante-deux minutes durant.
Un temps que l’on ne trouve jamais long, pris que l’on est dans ce son collant et abrasif, une glue toxique qui nous grignote les oreilles. Narratif, l’album ne tombe jamais dans l’écueil de l’ambient qui dessine dans l’ombre mais oublie nos yeux habitués au formel (tout juste note-t-on quelques difformités trop informes sur « ...The Liberation »), les paysages étant plus qu’évoqués. Cela tient grandement à des voix charriant énormément d’émotions dans leur inhumanité, à commencer par une ferveur de chaque instant où la barbarie cadavérique inhérente au genre devient celle de messagers racontant leur vie morbide dans ces lieux. Il y a sur Mors Salis – Opus I la sensation grisante que les choses se passent devant nous, qu’on peut presque les toucher, tant les conteurs ci-présents manient avec talent les intonations, insinuations et exclamations qui font leurs compositions.
Peu de choses à reprocher à ce premier album qui avance tambour battant – c’est le cas de le dire, tant les toms faits de peaux mortes de C.J. guident le pas – et nous rend rapidement avide de partager davantage son appétit allant au-delà du blasphème. Car Saltas semble tant à l’aise dans son enfer personnel qu’il en fait un paradis pestilentiel sans volonté de conquête, juste le plaisir d’y baigner un peu plus longtemps. Il n’y a plus qu’à espérer que, là où d’autres ont délayé excessivement ce qu’ils avaient d’inédit (Matron Thorn par exemple, qui a sorti trois albums et annoncé quatre projets différents le temps que j’écrive cette phrase), les Suédois conserveront ce qui les rend autant à part. La qualité de Mors Salis – Opus I rassure sur ce sujet.
| lkea 5 Mars 2020 - 1700 lectures |
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