Déluge - Aego Templo
Chronique
Déluge Aego Templo
Si je dois avouer n’être pas un fan absolu de ce mélange de BM et de post hardcore qu’on voit fleurir dans la scène extrême depuis quelques années, le premier album de Deluge, Aether, chroniqué sur feu Vs, m’avait laissé une impression plutôt favorable, entre un artwork classe et une musique relativement fouillée. De nouveau Ladlo avait trouvé un poulain intéressant. J’avais aussi noté la lourdeur du son, le bloc monolithique que le chant me semblait renvoyer comme encore la basse ronde, grouillante au sein des structures alambiquées.
Aego Templo s’inscrit, disons-le clairement, dans une veine assez différente. La thématique de l’eau est de nouveau présente en bruitages divers, comme sur l’ouverture de Soufre par exemple, comme le ressac des vagues au lointain (de même sur le départ de Aego Templo) ou sur le final de Gloire au silence. Le son est également relativement lourd mais la voix, elle, a muté. Plus aérienne, plus variée, elle accompagne des structures qui, de leur côté, ont capté davantage de lumière. Mais surtout, les aspects BM ont presque totalement disparu (quelques traces demeurent sur les accélérations d’Opprobe par exemple) au profit d’une musique plus proche du hardcore en effet, qui entretient davantage de liens avec Converge ou Céleste par exemple qu’avec n’importe quel combo obscur. Si quelques bases shoegaze à la Alcest traînent encore ça et là (sur le pont central de Soufre, la voix sur Digue, les riffs de Béryl), il est indéniable que les influences post-metal et post-hardcore prennent désormais le dessus.
Les structures sont calibrées sur ce modèle, de ralentissements en montées progressives en puissance, d’accalmies suivies de brèves accélérations et d’explosion finale. Plus rapide, plus brutal qu’un Neurosis ou qu’un Cult of Luna, c’est pourtant là encore vers ces secondes influences que tend désormais Deluge (Opprobe et ses cassures / accalmies / explosions en rafales, ses arrangements étranges, aériens ; Fratres et son ouverture nébuleuse qui monte doucement en tension, avant de changer de direction à mi-parcours, s’orientant vers de l’ambiant menaçant). Un titre comme Abysses, très fouillé, très varié, évoque ainsi de multiples changements d’humeur, de rythmes, des directions différentes au service pourtant d’une même cohérence. La voix féminine de la nouvelle venue, Hélène Muesser, parsème ce morceau (et d’autres comme Aego Templo et Digue) de notes cristallines ultra aériennes, presque fantomatiques, qui participent à l’enrichissement de la structure.
On pourra regretter que la puissance fasse défaut à un certain nombre de titres ou que, parfois, l’incohérence pointe le bout de son nez. La lourdeur du son de Aether a été un peu rétrogradée – mais n’a pas disparu – et parfois, cela se sent. Gloire au silence par exemple, est un morceau assez bateau, un peu inoffensif. Le pont central « parlé », par exemple, n’est pas très utile. Dans le genre « inserts parlés », comme pour relancer la dynamique du morceau, The Great Old Ones fait mieux, dans un genre assez proche. Le titre éponyme part sur des bases pertinentes ; les notes égrenées tissent une vraie sensibilité, les influences post sont ici très fortes, avec des notes comptées, cristallines, le bruit de la mer en arrière-plan et une menace tournoyante omniprésente. La montée en puissance s’effectue avec brio… et l’explosion est très réussie, ce d’autant que la voix féminine aérienne l’accompagne parfaitement. Mais la suite tabasse de manière très convenue et, précisément, cette suite tranche, à mon sens, beaucoup trop, avec la « fragilité » que ce morceau renvoie. Baïne est construit sur le même modèle, très post-hardcore/metal mais reprend des codes déjà beaucoup éreintés.
Deluge ne démérite pas, loin s’en faut. Le groupe, en deux albums, a déjà montré bien des talents, la science de la composition n’étant pas de celles qui lui sont étrangères. Les deux titres de quasi fin, Digue et Béryl, montrent ainsi toute l’étendue des idées et de la classe du combo français. Sensibles, touchants, ces morceaux sont littéralement éclairés par la voix féminine et portés par un entrelacs de chants intéressant.
Pour autant, j’ai du mal à voir Deluge franchir un cap. Il diversifie son propos, montre un autre aspect de son univers dont seule la pochette permet de faire le lien entre le premier et ce second effort. Les amateurs de Aether regretteront la disparition du BM. Les amoureux de post-metal seront fiers d’accueillir un nouveau poulain presque totalement (re)converti. Dans tous les cas, Aego Templo mérite votre attention.
| Raziel 27 Mars 2021 - 1782 lectures |
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