Obsessions maladives
Interview
Obsessions maladives Entretien avec Fred Houriez (basse) (2021)
La scène metal en général, et extrême en particulier, est un microcosme composé à la fois de p’tits djeunz qui n’en veulent et de vieilles légendes, de blancs-becs aux dents plus longues que le râtelier de mémé et de vieux briscards qui étaient là aux tous débuts.
Place à Putrid Offal à travers la voix de son sympathique bassiste, Fred Houriez, quelques mois seulement après la sortie de son énormissime dernier album (que je ne saurais que trop vous conseiller d’acheter illico presto).
1 –Salut à toi Fred, honoré de faire cette interview en ta compagnie ! Commençons si tu le veux bien par une question un peu différente des « éternelles présentations aux lecteurs » : j’ai appris il y a peu que Ludovic Loez de S.UP. / Supuration a été membre de P.Offal jadis ? Alors, info ou intox ?
Ravi de répondre à tes questions. Ludovic a bien été un membre de PO, il était batteur à l’époque sur notre démo. Nous avons même fait une date live avec lui. Il a ensuite préféré arrêter car Supuration l’accaparait énormément.
2- Le groupe s’est ensuite séparé, entre 1994 et 2013. Tu as joué quelques temps au sein de M-Pheral…avant que celui-ci ne disparaisse à son tour. Qu’as-tu fait par la suite, en termes de musique notamment ?
M-Pheral n’a pas disparu. C’est en sommeil mais, contrairement à PO, cela m’étonnerait que le groupe se réveille. Je jouais dans mon coin (rire), je n’ai collaboré à aucune production artistique. J’ai eu des propositions mais ça ne correspondait pas toujours à ce que je cherchais à l’époque.
3 - Connaissais-tu Frank avant les débuts de Putrid ? Le fait que vous jouiez ensemble pendant la période de séparation du groupe en dit long, je pense, sur votre amitié.
Franck et moi, on se connaît depuis le collège. Une rue sépare les habitations de nos parents. On a toujours partagé les mêmes goût musicaux, à une ou deux grosses exceptions près (rire).
4- D’ailleurs quelles étaient les vraies raisons du split de Putrid Offal à l’époque ? Et inversement, pourquoi, et comment vous êtes-vous retrouvés ?
Boris, le batteur de l’époque, a souhaité quitter le groupe. Nous avons essayé d’autres batteurs mais, au début des années 90, les bons batteurs de grind ne couraient pas les rues. On en a essayé deux ou trois et puis on en a eu marre. On a décidé d’opter pour la boite à rythme pour créer M-Pheral.
Cela faisait plusieurs années que je me disais que remettre PO sur pied serait pas mal. Le déclic est venu de Philippe. Il a créé son studio et je lui avais confié que j’aimerais réenregistrer tous les titres de PO avec un son plus actuel et en prenant mon temps. Franck ayant délaissé la guitare, Phil s’est proposé pour réenregistrer les guitares. Et voilà comment tout a redémarré…
5- 19 ans de split, cela représente une longue durée quand même. Vu que votre musique reste du même acabit, malgré une certaine et logique évolution, doit-on en conclure que vous êtes les mêmes personnes qu’à l’époque ?
Je ne l’espère pas (rire) ! Nous avons tous évolué mais, grosso modo, nos goûts musicaux n’ont pas varié. Nous écoutons tous plus facilement les albums des années 80, 90 ou 2000 que ceux sortis ces dernières années. On en écoute évidemment, mais nos préférences vont vers cette période si foisonnante. Après lorsque tu réactives Putrid Offal, tu ne vas pas te mettre à faire du doom, du stoner ou du death symphonique. Tu es quand même obligé de reprendre ta route là où tes pas se sont arrêtés.
6 – Pourrais-tu nous expliquer le message derrière la musique de P.Offal : critique de la société de consommation comme à l’époque des premiers films d’horreur (je pense par exemple à « Zombies ») ? Critique sociale liée à votre bagage en partie grindcore, ou tout simplement le kiff de raconter de bonnes histoires bien barrées ?
Aucun message politique derrière PO. On pourrait mais je ne pense pas que cela collerait à l’étiquette PO. Dès le départ, lorsque Franck, Ludo et moi avons créé PO, l’idée était de suivre le courant carcassien plutôt que celui de Napalm. Donc, on est parti sur du gore médical bête et méchant sans vraiment se poser de questions. Depuis que PO a été sorti de sa léthargie, l’écriture des textes est différente. Toujours aussi barrés mais en étant basés sur des faits historiques au travers de l’histoire médicale.
7 - Il me semble que vous avez embauché le batteur des excellents Dehuman voici trois ou quatre ans. Il était déjà impressionnant sur les deux albums de ce groupe, mais à vos côtés, il déchire absolument tout. Ça doit être confort de bosser avec un tel batteur non ? D’ailleurs, depuis leur split en compagnie de Master en 2017 ils sont aux abonnés absents. Sais-tu ce qu’il en est, via Laye ?
Ah c’est clair que bosser avec un tel batteur est un pur régal. Un vrai bonheur sur scène où il est d’une régularité quasi métronomique. C’est un plus indéniable et Laye est tout simplement devenu indissociable de PO. Quant à Dehuman, j’avoue ne pas trop savoir où ils en sont.
8 - « Mature Necropsy » est composé de titres écrits par Frank, qui s’est également en grande partie chargé des lyrics, alors que votre nouvel album reflète beaucoup plus un travail de groupe. Tu es notamment responsable de toutes les paroles. Votre approche de la composition a-t-elle évolué avec le temps ? Concrètement, comment vous organisez-vous ? (en termes de « logistique » justement, je crois que Phil, votre guitariste, possède son propre studio, non ?)
En fait, j’ai toujours écrit les textes. Si Franck est crédité à ce niveau, c’était pour une question de Sacem à l’époque car il était le seul inscrit (rire). Le processus de composition a forcément évolué puisque qu’en 90, nous composions essentiellement lors des répétitions. Aujourd’hui, Phil et moi composons dans notre coin. On se voit une fois par semaine avec Franck pour confronter nos idées et coordonner tout cela dans le studio de Phil. Les fichiers sont ensuite transmis à Laye, qui habite Bruxelles, pour qu’il les bosse chez lui. Avant la Covid, on se retrouvait pour répéter tous ensemble. Depuis, on s’est peut-être réunis trois ou quatre fois...
9-De même, autant votre premier album contenait des titres plus anciens tirés de votre démo de ’91 par exemple, autant certains titres ont été favorisés sur « Anatomy », votre ep de 2017. Je pense notamment à « Rotted Flesh » ou « Gurgling Prey », carrément réenregistrés. Pourquoi ces chansons en particulier ?
Tout simplement parce que nous avions réenregistré notre démo, ces titres y figuraient, avec Laye à la batterie. Et comme nous en disposions, nous avons profité du EP pour les sortir.
10-Sur « Premature Autopsy », le cd compilant trois de vos anciennes sorties, on retrouve trois de vos parutions parues entre ’91 et ’92, mais pas « At The Sight Of The Foul Offal… », ni votre « Promo ‘94 », et encore moins « Suffering », votre ep de 2014. Pourquoi ? Cela aurait quand même fait une bête de compilation non (même si « Premature… » fait admirablement bien le job).
“At the sight of the foul offal” pourrait sortir de l’ombre d’ici peu. Quant à la promo 94, nous la considérons davantage comme les prémices de M-Pheral plutôt que de purs titres de PO.
11 - En 2017, vous vous êtes produits au Hellfest. Voyiez-vous cela comme une consécration, après toutes ces années passées au sein de la scène ? Ou y a-t-il d’autres concerts/festivals/évènements auquel vous attachez autant, voire plus, d’importance ?
Personnellement, jouer à l’Obscene extreme a eu beaucoup plus de résonance à mes yeux que jouer au Hellfest. Attention, je ne dénigre absolument pas le Hellfest car nous avons tous pris un pied d’enfer à y aller en étant artiste et en se produisant là-bas. Mais l’esprit du festival n’a rien à voir avec l’Obscene, un festival dédié à la musique extrême. Nous n’attachons aucune importance particulière à un festival. Que ce soit au Hellfest ou à la salle des fêtes du coin, nous jouons de la même façon, avec la même envie. De toute façon, ça se voit sur nos visages, on est avant tout heureux de jouer en live. Après les conditions, le lieu, on s’adapte car le décor ne sera pas le même au Hellfest que dans un club.
12- En parlant de live, sais-tu si un projet de réédition de votre cassette tirée de votre live en Allemagne en ’93 est prévue ?
Alors, je ne savais même pas qu’il y avait une cassette tirée de ce concert ! Donc pour la réédition…
13 - Aujourd’hui en France, un groupe comme Benighted a beaucoup de succès. Quel est ton avis là-dessus, sachant que vous êtes quand même les instigateurs de ce mélange de death et de grind au sein de notre scène ? Y a-t-il des groupes dont tu es fan actuellement, en termes d’extrême au sens large ?
Tu veux savoir si on les envie (rire) ? Non absolument pas. Et puis, nous n’avons rien inventé, d’autres groupes ont également eu cette idée. Pour revenir à Benighted, s’ils ont du succès, c’est que leur musique a rencontré un public. Je pense qu’ils ont ramé, qu’ils se sont cherchés musicalement avant d’en arriver là. Ils sont sur un très bon label, leur musique est excellente, ils tournent énormément et ont la chance de posséder une agence de booking très efficace. Cela fait un paquet d’étoiles solidement alignées dans le ciel pour que la réussite soit là. Mais tant mieux pour eux et pour la scène française car elle bénéficie également de leur lumière.
A vrai dire, j’apprécie énormément de groupes, français ou étrangers. En France, outre les anciens comme Blockheads, Inhumate et consorts, les musiques de Defenestration, Massive Charge, Haut&Court, Vomi Noir ne me sont pas indifférentes. Côté étranger, les Japonais de Pharmacist, les Allemands de Brain Corruption me plaisent énormément. Mais ils ne sont pas les seuls, la liste est très longue.
14 – Bon, je pense que je t’ai suffisamment tenu le crachoir. Je vais donc te laisser ces ultimes lignes pour nous donner ton avis sur un sujet qui te tiendrait à cœur et que nous n’aurions pas abordé, des news, des scoops, le secret de la zone 51, ton 06 ou ce qu’il te plaira !
On va rester plus terre à terre. J’aurai aimé que nous parlions de Sicknesses obsessions, notre dernier opus. C’est un album bien différent de Mature necropsy avec des titres composés pour cet album, aucune reprise d’un titre des années 90. Cet album offre un nouveau regard sur ce que nous faisons. Il est très varié, avec des titres qui possèdent tous leur propre originalité. J’espère que nous pourrons, un de ces quatre, le défendre sur scène. En attendant, soutenez la scène underground française et allez, dès que ce sera autorisé, soutenir les groupes en concert. Pour eux, mais aussi pour les orgas qui se démènent pour permettre à cette scène de vivre. Et à chacun d’y trouver son bonheur.
A noter la sortie, dès le 5 novembre chez les excellents Xenokorp, la sortie en vinyl et cassettes, de la compilation "Premature Necropsy: the Carnage Continues", à l’occasion des 30 ans du groupe. Déjà paru sous format cd en 2015, cette sortie rassemble les travaux majeurs de Putrid Offal dans les années ’90 (split avec Exulceration, ou encore Agathoclès).
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