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Discussion avec Sakrifiss, l'enterré vivant

Interview

Discussion avec Sakrifiss, l'enterré vivant Entretien avec Sakrifiss (2023)
Faisant suite à la sortie de « Shigenso » chez Antiq Records, le chanteur et parolier Sakrifiss a mal volontiers accepté de répondre à quelques questions afin de parler, entre autres choses, de ce deuxième LP d’ENTERRE VIVANT.



Maljour Sakrifiss et malci d’avoir accepté cet entretien. En premier lieu, avant d’évoquer les aspects musicaux, je souhaiterais, si tu le veux mal, en apprendre davantage sur toi en tant qu’artiste, un certain mystère planant autour de ta personnalité. Aussi, pour commencer, peux-tu nous en dire plus sur ton pseudonyme, « Sakrifiss » ou « Sakrifiss De Transylvanie » ? D’où vient-il ? Qu’est-ce qui te l’a inspiré ?

Sakrifiss : Malut collègue de Thrashocore. Je suis tout simplement un auditeur de black metal depuis la moitié des années 90, monté dans le train un petit peu après le départ. Et je suis resté dedans depuis, ne descendant jamais malgré les nombreux arrêts à chaque gare. J’en ai vu beaucoup quitter le train, parfois en sautant carrément par une fenêtre. Et puis j’ai vu de nouvelles personnes prendre place et parler très bruyamment. Je suis resté, souvent assis seul à ma petite place. Je n’ai pas quitté mon siège, même lorsque des travaux étaient faits... Longtemps, je n’avais même pas de nom. Inutile puisque je ne parlais pas aux autres. Et puis en 1999 je suis arrivé au Japon pour poursuivre des études. J’avais accès à Internet pour la première fois et je me suis dit qu’il allait me permettre de commencer des interactions dans un format idéal. Plus besoin de subir des conversations en face à face, ni de devoir répondre dès qu’une question était posée. Internet permettait de parler quand on le souhaitait, si on le souhaitait. Idéal pour ma personnalité. Il fallait prendre un pseudo, j’ai choisi Sakrifiss. Parce que les sacrifices sont nécessaires pour devenir libre. Parce que l’image du mot renvoie au sens primaire du sacrifice humain et du rituel. Et j’ai choisi cette graphie qui colle à certains codes du black metal.

Un autre élément indissociable de ton personnage est cette cagoule en jambe de jean. Pourquoi ? L’as-tu déjà changé ou lavé depuis tes débuts, sachant que ta première vidéo sur ta chaîne YouTube remonte à sept ans ?

Sakrifiss : Ce n’est pas un personnage. C’est la façon dont j’ai envie de me montrer. Les gens qui se laissent pousser la barbe cachent ainsi les traits de leur visage. Ceux qui se maquillent choisissent telle ou telle couleur, ou d’accentuer tel ou tel point de leur visage. C’est pareil, ce masque est mon visage, il correspond à ce que je suis en moi. C’est comme un pseudo que l’on se choisit à la place d’un nom et d’un prénom que nous n’avons pas désirés. Je n’ai pas voulu mon nez, ma bouche, ma mâchoire, alors j’ai choisi un masque qui me correspond, qui me représente. Un jean avec un nœud à son sommet, des trous grands et ronds pour les yeux, un trait épais pour la bouche... Je ne cache pas mon visage et ne crée pas un personnage, je trouve l’individu que je suis à travers une représentation qui me convient. Le masque que je porte actuellement est toujours celui de la première vidéo, mais en fait ce n’est pas le premier que j’ai fabriqué. Le premier, je l’avais fait pour le forum du webzine Postchrist, où il était demandé d’ajouter un avatar qui soit obligatoirement un portrait de soi-même. Ce prototype était un peu raté, mais il a été le vrai début. Sinon, l’actuel n’a jamais été lavé, il ne le mérite pas. Il a subi des yaourts, des bières, des cafés, un jet de parfum qui laisse une odeur depuis 2 ans et d’autres joyeusetés de frotti-frotta, mais comme je suis le seul à le toucher, le sentir et le porter, qu’importe. Je te le ferais sentir un jour si on en a l’occasion !

Pour parler encore un peu de ta chaîne, quel rôle joue-t-elle dans ton implication au sein de la scène black metal et du Webzine Thrashocore, auquel tu fais référence dès ta première publication ? De ce que j’ai compris, tu avais déjà un passif de musicien avant de t’y mettre, au moins avec THE SKADEN. Les chroniques n’étaient pas un média suffisamment parlant (si je puis dire) pour partager ta passion et tes connaissances ?

Sakrifiss : Avec THE SKADEN, j’avais tout simplement donné un coup de main à Stefan Kozak, que je vénérais pour son groupe MYSTIC FOREST. Il m’avait demandé de traduire des paroles du français au japonais. Je n’avais donc rien fait de musical pour lui. En revanche, j’étais chroniqueur pour Postchrist entre 2008 et 2012, puis j’ai migré par la suite sur Thrashocore. Sur les forums, vers 2015, je croisais des commentaires au sujet de vidéos sur le metal faites par cette nouvelle mode de Youtubeurs, mais c’était souvent pour se plaindre que l’esprit du black metal n’y était pas respecté. C’est un reproche qui avait déjà frappé aux débuts d’Internet, au sujet des webzines qui n’avaient pas et n’auraient jamais l’âme des fanzines papier. Et pourtant, en quelques années, il avait été créé des forums qui regroupaient des vieux de la vieille, et qui permettaient des espaces d’échange passionnants entre amateurs spécialistes. J’en ai conclu que la situation de YouTube était la même. Ce n’était pas l’outil mais l’utilisation qui en était faite qui posait problème. J’ai pensé que ce n’était pas le format vidéo qui ne collait pas à l’esprit du black, mais la façon de se montrer, la façon de parler, les thématiques abordés. J’ai donc commencé en mettant en avant tout ce qui me plaisait en tant que fans de black. Pas de lumière, pas de visage, pas de moyens, pas de blagues ou de jeux de mots pourris... Et pour ce dernier point, c’est un peu ma tragédie car on me dit parfois que je suis « amusant », alors qu’il n’y a pas nécessairement une envie de l’être. Je mets la caméra, je parle de ce que je veux avec les mots qui viennent sur le moment...

Dans tes vidéos, tu traites parfois des thématiques qui peuvent être clivantes mais toujours avec recul et, surtout, sans jamais te départir d’un ton décalé, d’un humour noir (évidemment). Quelles sont les réactions que suscite ton travail en général ? Bienveillance ? Colère ? Désespoir ? Es-tu « cancel » ?

Sakrifiss : Oui, je pense que je suis décalé, mais c’est de nature. J’aime bien être cynique et ironique. Ça ne marche pas nécessairement à chaque fois, mais les gens sont plutôt tolérants à mon égard. Ceux qui ne me supportent pas ne prennent pas la peine de trainer dans les parages j’ai l’impression. Alors il y a peu de commentaires agressifs ou violents. Lorsque c’est le cas, je ne peux pas vraiment leur en vouloir. Je compatis au fait qu’ils aient tout de même subi ma vidéo et qu’en plus ils se soient fendus d’un commentaire... Je réponds souvent pour leur faire part de ma gêne de leur avoir gâché quelques minutes de leur vie. S’ils ont envie de me claquer, j’essaie de les satisfaire en me frappant moi-même, à leur place. Et lorsque quelqu’un se plaint du contenu, je réponds généralement en argumentant, en expliquant mon point de vue et en espérant un mini-débat ou au moins être mieux compris. Je ne suis pas cancel ou alors je ne suis pas au courant, et ça viendra peut-être un jour, comme tout le monde le risque de toute façon. On en voit qui prenne des pincettes géantes mais qui se font finalement descendre pour une phrase mal formulée ou pour avoir donné une opinion opposée à ce que leur auditoire attendait. Sakrifiss a un ton particulier, mais il reste toujours informatif et n’a jamais été insultant sérieusement envers qui que ce soit. Il est très conciliant, c’est une crème ce monsieur cagoulé.

La question va peut-être sembler bête mais pourquoi une telle passion pour le black metal ? Qu’est-ce qui te fascine et te touche tant dans ce style ?

Sakrifiss : Je suis tombé dedans ça fait longtemps. Et pour répondre pour une fois très simplement, c’est un style qui me fait oublier les personnes qui le jouent et qui parvient à m’emporter dans le monde et dans les ambiances qu’elles souhaitent créer. Si j’écoute un autre style de musique, par exemple le death metal, je ferme les yeux et je vois des barbus en train de s’exciter sur une guitare, sur une batterie, sur une basse, sur un micro. J’écoute du black, je ferme les yeux, et je suis transporté. Quelque part, partout ou dans un vide vertigineux donnant sur l’infini de l’inconnu.

Pour terminer sur cette partie personnelle, peux-tu nous dire un mot sur le Japon ? Qu’est-ce qui t’a amené à y vivre en 1999 et, aujourd’hui, qu’est-ce qui fait que tu y restes ? As-tu le sentiment de toujours être un expatrié ou au contraire te sens-tu désormais finalement plus proche des Japonais que des Occidentaux ?

Sakrifiss : Je vis au Japon parce que c’est le résultat d’un processus enclenché à partir de ma naissance. Quand tu es enfant, tu vois que tout ce qui t’entoure et qui est « cool » vient du Japon. Les voitures ou motos de rallyes, les ordinateurs émergents, les premières consoles de jeux... Puis par la suite les mangas ou certains films. Je me suis sans doute plus impliqué que les autres dans la recherche du pourquoi et j’ai voulu en savoir plus sur ce pays qui engendrait tout ce qui composait finalement le quotidien d’un gamin dans les années 80-90. Donc je me suis spécialisé dans le Japon, culture et langue. Et puis j’y ai fait des études et trouvé ma place. En revanche je ne pose pas la question en ces termes : « Suis-je Occidental ou suis-je un Japonais ? ». Je ne risque pas de repartir en France après toutes ces années, donc je ne suis pas expatrié mais immigré. Je suis bel et bien établi ici, sans être devenu Japonais ou prétendre l’être. Je suis Sakrifiss, qui vivait auparavant en France et qui a donc toute une clique de codes, de coutumes, de connaissances culturelles de là-bas, mais qui a aussi tout plein de codes, de coutumes et de connaissances culturelles du Japon.



Parlons à présent de « Shigenso » et de ta collaboration avec Erroiak. Comment l’as-tu rencontré et quel a été l’élément déclencheur qui vous a réuni autour du projet ENTERRE VIVANT, malgré l’éloignement géographique ?

Sakrifiss : Comme je le disais un peu plus haut, j’ai du mal avec les relations humaines directes. Je rencontre quelqu’un physiquement et au bout de quelques minutes, j’ai envie de partir et de me mettre du black metal dans les oreilles. Là, avec les relations écrites, je peux communiquer tout en ayant les oreilles libres. Je mange en en écoutant, je lis en en écoutant, je travaille même en en écoutant. L’éloignement géographique entre Erroiak et moi est donc facile à gérer, et c’est même l’une des raisons qui nous permet de travailler ensemble sur le groupe, sans devoir nous supporter l’un l’autre. A la base Je connaissais Erroiak pour sa chaîne YouTube et lui connaissait la mienne. Il a vu ma vidéo sur « La haine dans le black metal », et j’y faisais une sorte de poème qu’il a eu l’idée de mettre en musique, d’en faire un titre. Il m’a demandé l’autorisation, puis il m’a proposé de mettre ma voix sur un passage. On a aimé ça, on a fait un deuxième morceau et puis voilà, on a décidé de se marier pour créer Enterré Vivant ! Vers 2019-2020.

Je pourrai te poser la même question pour Maxime Taccardi, qui a réalisé votre logo, Déhà ou encore Borie de la Combe Noire… C’est une espèce de « possee » black metal ? Peux-tu également nous présenter Mayana, qui pose quelques voix féminines additionnelles sur l’album ?



Sakrifiss : Quand j’ai commencé des vidéos YouTube, un anonyme m’a offert un dessin de moi. C’était spontané, et j’ai trouvé ça adorable. Du coup, je me suis dit qu’un dessin de moi réalisé par Maxime Taccardi, que je connaissais pour son travail depuis longtemps, pourrait être encore plus classe. Je l’ai contacté, et je lui ai passé commande. Ça me donnait aussi l’impression de soutenir un artiste méritant. Depuis, on a sympathisé et lorsqu’avec Erroiak nous avons décidé d’avoir un logo pour Enterré Vivant, j’ai pensé que Maxime était la bonne personne, d’autant qu’il aime beaucoup l’art japonais. Déhà, on le retrouve de toute façon partout donc c’est normal qu’il ne soit pas loin de nous. Mais c’est vrai que le label Antiq passe aussi par lui, comme c’est le cas pour le graphisme avec Borie de la Combe Noire, qui a retravaillé la photo que j’avais choisie avec Erroiak pour y ajouter logo et titres. Il a bien organisé tout ce layout visuel. En revanche, Mayana est un cas à part, beaucoup moins réputée que les personnes citées et pour une raison bien simple : c’est l’une des filles d’Erroiak, et du coup elle est sans aucun doute la relève dans quelques années... Je voulais une voix d’enfant sur le titre du feu, pour symboliser cette crainte et cette incompréhension des adultes qui donnent l’impression de souffrir parfois volontairement.

D’un point de vue purement artistique, si l’on devait parler d’accomplissement, es-tu aujourd’hui pleinement satisfait de « Shigenso » ou est-ce qu’avec le recul tu as des petites frustrations qui subsistent ? Le penses-tu plus abouti que « Les ténèbres ne sont pas formées d’ombre » par exemple et pourquoi ?

Sakrifiss : Ce deuxième album correspond exactement à ce que je souhaitais. L’objectif était de créer une suite logique et bien développée à notre EP « Shiki », qui parlait des quatre saisons. Les éléments et la formule en sont proches, mais avec encore plus d’apports variés et adaptés à la thématique choisie. Cependant, le premier album était plutôt un gros mélange musical de toutes sortes d’influences. Il y avait de vrais grands écarts stylistiques entre les compositions, et cela pouvait gêner la cohérence de l’ensemble. Mais il fallait qu’il soit comme ça puisqu’il a été réalisé morceau par morceau, et pas comme un tout. « Tiens, le prochain titre on le fait en japonais ! », « Tiens, la prochaine fois je voudrais qu’on fasse un hommage à Stefan Kozak en utilisant pour les paroles les titres de ses chansons, et en composant un peu à sa façon ! ». Je n’ai pas de frustrations car ce qui a été créé est et restera. Il vaut mieux se concentrer sur ce qui peut être changé, c’est-à-dire l’avenir, que sur ce qui ne peut pas l’être, le passé.

L’album a pour thématique les quatre éléments mais il existe au Japon le godai (« les cinq grands ») qui, outre la terre, l’eau, le feu et le vent, tous illustrés dans le disque, inclut le vide. Mais aucune composition ne traite de ce dernier, est-ce un choix ? A moins que le vide ne soit en fait représenté par les blancs entre les morceaux, tel un élément caché qui, finalement, soude les autres même si l’on ne le perçoit pas ?

Sakrifiss : Oh, je vois que tu as des connaissances sur le sujet ! Du coup, tu comprends peut-être que le concept des cinq éléments n’est pas un concept « du quotidien », mais un concept bouddhiste. Le vide, qui représente également le ciel, a une portée plus religieuse, trop religieuse pour que je l’intègre, car cela aurait fait basculer le message de l’album dans le bouddhisme ou dans le spirituel. Je voulais représenter les éléments classiques tels qu’ils sont dans le quotidien de tous, avec ces passerelles entre le Japon et l’Occident. Attention, il y a évidemment du bouddhisme dans l’album, mais en tant qu’élément rencontré dans la vie de tous les jours. Les Japonais vont dans des temples à certaines périodes de l’année, et entendent donc ces cloches, ces chants religieux, mais beaucoup n’ont plus de fortes connaissances concernant les préceptes plus précis du bouddhisme. Pour faire simple, c’est comme Noël. Tu as le Noël en tant que tradition, et Noël en tant qu’événement religieux. « Shigenso » parle plus de la nature, de la condition humaine, des liens entre eux, mais sans jamais se baser ou se concentrer sur une religion ou une philosophie en particulier.

Il y a dans « Shigenso » un important travail qui a été réalisé pour offrir un ensemble très cohérent : l’imagerie (que ce soit la pochette ou le clip), le chant japonais, l’usage d’instruments traditionnels et, bien entendu, les textes au travers des haïkus. Quelle place occupe aujourd’hui la culture japonaise, tant musicale que littéraire, dans la conception que tu te fais du black metal, tout du moins dans ENTERRE VIVANT ?

Sakrifiss : La culture japonaise n’a pas besoin d’avoir une place dans le black metal. Elle est tout simplement la représentation de mon quotidien, et il est tout à fait normal que j’intègre mon vécu et mon environnement dans le black metal. C’est même la seule chose que je puisse apporter au style et qui permet de justifier mon implication. C’est en fait comme avec les vidéos YouTube, je te disais que j’avais commencé afin de créer quelque chose qui me correspondait et ne me semblait pas exister, et là c’est pareil. Je suis fan de beaucoup de groupes, et principalement de ceux qui mettent leurs racines, leurs pensées, leur cœur et leur âme dans leurs compositions. Et j’ai toujours espéré entendre un black metal japonais qui inclue la véritable culture japonaise et pas juste celle fantasmée ou déformée vue de l’étranger. Peu de groupes japonais l’ont fait, mais MAGANE avait lancé de très bonnes bases. Dommage qu’il n’y ait pas de relève. ENTERRE VIVANT me permet de tenter en compagnie d’Erroiak ce que j’aurais aimé entendre.

En fonction des titres, les instruments traditionnels utilisés ne me semblent pas être les mêmes. Peux-tu nous dire s’il y a une corrélation entre l’élément et le ou les instruments sélectionnés et pourquoi tu établis ce lien ? Cela relève du spirituel ? D’un pur ressenti physique ?

Sakrifiss : Oui, chaque titre contient au moins un passage qui met en valeur un instrument traditionnel. Cela fait totalement partie du concept. Il ne fallait pas non plus qu’ils soient trop présents, afin de refléter leur réelle existence. On n’écoute pas de la flûte japonaise du matin au soir ici au Japon. On l’entendra à une occasion spéciale, dans tel ou tel endroit, pour telle ou telle festivité. Les compositions prennent cela en compte pour représenter avec réalisme la part d’existence des instruments dans le quotidien. Et la rareté crée aussi l’intérêt. On trouve donc une flûte Shakuhachi, un instrument à cordes appelé un Koto, des tambours Taïko et une flûte au son strident nommée Shô. Et ici ou là des petits bruits viennent aussi rappeler des « moments » du Japon (clochettes et cloches, incantations, festivals...)

Vidéo de « L’Eau »


Pour ma part, je n’ai qu’une connaissance extrêmement restreinte de la culture japonaise (en gros : la nourriture, l’Ensemble Sakura, les mangas, les kaijus, Tetsuo et quelques groupes de black tels que ARKHA SVA ou SIGH) mais j’y vois toujours une forme de démesure qui contraste avec la vision très policée que nous avons ici de ce pays. Et quand j’écoute « Shigenso », j’ai bien plus le sentiment d’avoir affaire à une formation 100% japonaise que 50% française, en dépit des paroles. Aussi, est-ce pour toi une évolution personnelle naturelle et qui est amenée à perdurer que de faire d’ENTERRE VIVANT un groupe définitivement ancré dans ce patrimoine culturel, en allant toujours plus loin dans son exploration ?

Sakrifiss : Là où l’on peut dire que c’est un album 100% japonais, c’est qu’effectivement le Japon est déjà un mélange de sa propre tradition et d’éléments venus de l’Occident. Les Japonais adorent le piano et la musique classique. Ils mangent et s’habillent dans des enseignes étrangères etc. Mais ce n’est pas un album 100% japonais dans le sens 100% « sons du Japon ». Pour moi et Erroiak, c’est bien un mélange de nos deux cultures, d’autant qu’il a composé les titres avec sa sensibilité, et qu’il n’est pas un spécialiste du Japon. Il a créé les morceaux avec son occidentalité. Et celle-ci a ensuite été plongée dans le Japon. C’est en ça que l’on y retrouve la situation réelle du Japon...

L’écriture de textes est un exercice qui m’a toujours paru extrêmement complexe et exigeant car cela demande d’être à la fois synthétique mais également pertinent dans le choix des mots afin de faire passer le maximum d’idées et de sentiments en un minimum de phrases. Dit autrement, je vois le parolier comme un poète pragmatique. Comment abordes-tu cette phase de création d’un album ? Quelles sont tes sources d’inspiration et quand sais-tu qu’un texte est finalisé, prêt à être enregistré ?

Sakrifiss : Autant je suis une catastrophe d’un point de vue musical avec l’incapacité de jouer d’un instrument et aucun talent pour progresser, autant j’ai des facilités dans l’écriture. Je passe beaucoup de temps seul, à observer le monde et les gens. Directement ou indirectement. Je regarde les gens normaux, leurs envies, leurs peurs, leurs bonheurs, leurs doutes... Et du coup je parviens à recracher un peu tout cela. C’est normalement la première chose que j’écris au moment de la composition d’un morceau d’ENTERRE VIVANT. Avant qu’Erroiak compose quoi que ce soit, je détermine un thème et j’écris des textes. Avec « Shigenso », il y avait aussi un travail de sélection de haïkus, en japonais. Erroiak m’envoie ensuite le titre composé, et j’ai tendance à rajouter des textes sur certains passages, inspirés par le thème et par les ambiances de sa musique.

J’ai lu dans un interview que « l'album se termine par « La Terre » parce que c'est elle qui va nous accueillir à la fin, lorsque nos corps seront morts... ». J’en déduis que tu ne comptes pas te faire incinérer ? Auquel cas l’album se serait terminé par « Le feu » ? La crémation me semble pourtant bien plus black metal que le pourrissement sous terre, davantage un délire death metal non ? Plus sérieusement, qu’est-ce qui a déterminé le choix de l’ordre des morceaux ? Est-ce que l’écouter en « shuffle » serait une hérésie ?

Sakrifiss : Lorsqu’on se fait incinérer, le corps devient des cendres, et il reste encore des ossements qui doivent être broyés et réduits en fines particules. Le feu n’est donc pas la dernière étape de ce processus, mais un outil pour passer à la suivante. Les cendres sont ensuite conservées dans un cimetière, dans une boite, ou encore dans un endroit de la maison prévu à cet effet. Parfois elles sont dispersées dans la nature. Il y a donc dans mon raisonnement, et dans mon choix de construction de l’album, un ordre qui devait amener à la terre en dernier, également parce qu’elle représente les racines. Tous les chamboulements, tout ce qui a agité la vie, tout cela se retrouve finalement absorbé, contenu dans la terre. Cela ne signifie pas que la terre bloque tous les éléments mais qu’elle peut aussi s’en nourrir. La terre accueille de l’eau, du magma…

Pour terminer sur cette partie, ENTERRE VIVANT a-t-il prévu de faire des concerts ou êtes-vous réfractaires à l’idée ? Cela nécessiterait sans doute une organisation conséquente, surtout si vous ne souhaitez pas jouer en passant des bandes sonores pour les parties traditionnelles…

Sakrifiss : J’ai appris à ne plus dire que je ne ferai jamais ceci ou cela, mais les lives ont terriblement peu de chances de voir le jour. Le fait que nous vivions éloignés, que nous ne soyons que deux, que la complexité et les détails de nos compositions obligeraient à en abandonner certains... Pourquoi pas dans un avenir où des hologrammes, des cyborgs ou des clones pourraient nous venir en aide...



En plus d’ENTERRE VIVANT tu joues également dans PEURBLEUE avec qui tu as sorti un album (« La ciguë ») en 2002 chez Les Acteurs de l’Ombre. Ce projet est-il toujours actif et, si oui, y a-t-il quelque chose en préparation ?

Sakrifiss : Au début de l’année 2023, nous avons sorti un split avec PRIEURE, pour un album concept autour du régicide Ravaillac. C’est une véritable collaboration avec l’envie de faire un ensemble cohérent et pertinent. Les deux groupes parlent non seulement du même thème, mais ils ont fait un titre commun, composé par PRIEURE, interprété par PEURBLEUE. Cette sortie a été faite sans grosse promotion, avec seulement 30 K7 en circulation. Finalement, les groupes ont accepté de le sortir sous un autre format, et il arrive bientôt en CD, chez les camarades de France Black Death Grind. PEURBLEUE sera en revanche bien moins actif à l’avenir, avec peut-être quelques nouveaux morceaux, qui ont été commencés, mais seront probablement les derniers.

Tous tes groupes sont signés sur des labels français. Est-ce un choix ? Un hasard ? Et, plus spécifiquement, quelles relations entretiens-tu avec le milieu black metal japonais ? Je n’ai pas connaissance de splits ou de collaborations de ta part avec des formations locales, ce ne sont pourtant pas les occasions qui doivent manquer si ?

Sakrifiss : Je suis quelqu’un de véritablement désintéressé par les rencontres physiques. Je ne supporte pas ça, donc c’est à travers Internet que je peux m’exprimer, quand j’en ai envie. Je ne suis pas capable de passer du temps dans un concert, même si j’aimerais soutenir les groupes. Comme à la base j’ai utilisé Internet pour garder un contact avec la France, c’est resté comme ça. J’ai quelques connaissances japonaises en ligne, mais c’est la partie francophone qui a pris le dessus. En revanche, dans mes interactions obligatoires du quotidien, je ne vois que des Japonais, je ne vais pas dans la communauté française de ma ville. Mais là aussi ce n’est pas pour chercher des gens avec mes goûts en matière de black metal. J’ai vraiment découpé mes univers, et les échanges que j’ai au sujet de ça sont donc à 95% en français. Je ne parle pas anglais, donc c’est compliqué de m’investir avec d’éventuels partenaires dans cette langue. Il était donc naturel de me retrouver avec des labels français.

Pour « Shigenso », vous êtes passés de Drakkar Productions à Antiq Records. Qu’est-ce qui a motivé ce changement et l’impact médiatique est-il plus important que pour « Les ténèbres ne sont pas formées d’ombre » ? Dit autrement, à ce jour, êtes-vous satisfaits des premiers retours sur l’album et de sa visibilité au sein de la scène metal dans son ensemble ?

Sakrifiss : Drakkar était pertinent pour le premier album car c’est un label qui aime les découvertes et donne sa chance aux nouveaux venus. Et puis le style que nous pratiquions pouvait trouver sa place parmi des groupes variés, dont ceux mélodiques tenus par Noktu lui-même. En revanche, « Shigenso » inclut beaucoup plus d’ambiances japonaises, aussi bien dans la musique que dans les thématiques. Le label qui en France laisse le plus de place à ce genre d’expression, et qui est identifié comme tel, est bien Antiq. C’est la principale raison qui nous a motivés à les contacter, car nous voulons être logiques, et trouver notre place dans une écurie qui nous ressemble le plus, pour trouver un public sensible à ce que nous proposons. Nous avions déjà un public important à l’étranger grâce au premier album, mais nous sommes arrivés à nous étendre encore un peu plus désormais. C’est Antiq qui a proposé notre album à la chaîne Black Metal Promotions par exemple, ce qui est une visibilité non négligeable.

Pour terminer, as-tu des projets à court ou moyen terme ?

Sakrifiss : Je suis toujours aussi motivé par mes vidéos YouTube, avec des envies sur divers thèmes, donc on me retrouvera là-bas encore longtemps. Je rédige aussi depuis plusieurs mois un nouveau livre, mais on verra s’il sort un jour. Les Flammes Noires sont intéressées, après le premier livre qu’on avait sorti ensemble, mais il faut voir si ce que je prépare l’intéresse véritablement. Il est cependant trop tôt pour parler du contenu.

Je te laisse le mot de la fin, en te remalciant pour le temps accordé.

Sakrifiss : J’incite tout le monde à donner sa chance à ce deuxième album. Même ceux qui ont entendu le premier. Il est différent. Même ceux qui n’aiment pas mes vidéos. Ça n’a rien à voir. Nous avons fait tout notre possible pour créer une musique qui nous ressemble, qui soit sincère tout en étant réfléchie, qui cherche un équilibre entre le fond et la forme, entre les thématiques et la musicalité. Nous en sommes fiers, et espérons en toucher certains. Malci, et à très vite sur Thrashocore au moins.

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