Comme le rappelait mon collègue AxGxB en introduction de sa chronique de
« Disincarnate », il était assez fâcheux de ne pas trouver sur votre webzine préféré de chronique des deux albums majeurs de ce fer de lance historique de la scène death hexagonale qu’est Loudblast. A l’époque où le death metal était en plein ébullition (voire mutation) aux USA évidemment mais aussi en Europe, la France n’entendait pas rester sur le bord de la route. Et même si nos groupes nationaux, malgré tous leurs efforts, eurent bien du mal à s’imposer notablement sur la scène internationale, certains albums n’ont absolument pas à rougir face aux standards de l’époque. « Sublime Dementia » en est le meilleur exemple.
Fort du bon accueil reçu par un
« Disincarnate » qui leur aura permis de tourner avec de grands noms comme Death, Cannibal Corpse ou encore Sepultura, c’est une nouvelle fois au Morrisound Studio en compagnie de l’incontournable Scott Burns que se rendent nos frenchies. Si la recette semble être la même, il y a pourtant un monde qui sépare « Sublime Dementia » de son prédécesseur. Premier changement notable, c’est Hervé Bocquerel qui s’assoit désormais derrière les fûts en remplacement de Thierry Pinck. Le moins que l’on puisse dire c’est que le changement n’aura pas porté préjudice aux Lillois tant sa prestation est en tout point irréprochable. Mais l’évolution principale est tout simplement musicale, Loudblast s’affranchissant de ses racines purement (thrash)death pour faire décoller son style vers quelque chose de plus mélodique, complexe et à l’ambiance si particulièrement bien représentée par l’artwork de Bolek Budzyn (poèmes interdits) dont les œuvres illustreront une bonne partie des sorties du groupe. Sorte de Dali lubrique sous LSD revisitant Bruegel, l’œuvre du nordiste illustre à merveille l’orientation prise par le quatuor, ce côté onirique dérangé et dérangeant.
Moins brut de décoffrage que son prédécesseur, ce troisième album marque donc une progression musicale glissant doucement vers une approche plus mélodique, plus alambiquée mais ne perdant rien de son mordant. Si la base reste évidemment ce death teinté de thrash qui faisait déjà de « Sensorial Treatment » et
« Disincarnate » des albums plus que solides, on sent que le travail de composition a mis un soin particulier à travailler des riffs encore plus accrocheurs et absolument immédiats. Comment en effet ne pas se laisser totalement emporter par le début de « Presumption », « Wisdom… Farther On » (raaaaah cette intro !), « Fire and Ice » ou l’imparable « Subject To Spirit » ? Stéphane Buriez et Nicolas Leclercq nous servent un riffing précis jouissif et d’une richesse que
« Disincarnate » ne faisait que suggérer. Le travail minutieux des deux guitaristes élève ici Loudblast à un niveau de composition que jamais plus il n’atteindra, bien que moins rapide qu’auparavant – plus axé mid-tempo – et aux mélodies plus affirmées. Ces dernières tiennent en effet une place prépondérante sur « Sublime Dementia », que ce soit au niveau du riffing qui possède bien souvent une touche mélodique inhérente (« Presumption » à partir de 58’’ par exemple), lui-même enrobé de ces leads tout en toucher plus qu’en technique qui imbibent l’album de leurs accents oniriques (le solo de « Presumption », le début de « Fancies ») quand ce ne sont pas quelques notes acoustiques (le refrain de « Wisdom… Farther On ») ou la planante (voire déroutante) interlude « About Solitude » qui viendront épaissir une ambiance fantasmagorique tantôt aérienne, épique, parfois presqu’inquiétante (« My Last Journey ») et une fois de plus complétée par les quelques discrets mais pertinents arrangements de Kent Smith. Bien ancrées par une assise rythmique solide (le jeu à la fois puissant, subtil et accrocheur d’Hervé, une basse discrète mais pas absente – « In Perpetual Motion » –) Loudblast enfante ici de compos instantanées qui s’imprimeront à jamais dans votre circuit neuronal et dont la simple évocation ou quelques notes fredonnées suffiront à vous faire hérisser le poil.
Fort de tous ces atouts, « Sublime Dementia » aurait pu être un album parfait. Malheureusement comme le dit ce vieil adage bateau :
il a les défauts de ses qualités. En effet, marqué au fer rouge par les trois titres absolument géniaux que sont « Presumption », « Wisdom… Farther On » et « Subject To Spirit », l’album souffre pour moi d’un certain déséquilibre, les autres titres (aussi bons soient-ils et dieu sait qu’ils le sont !) pâtissant inévitablement de la comparaison avec ces monuments devenus des incontournables du groupe. Ainsi, quand bien même le niveau reste indiscutablement élevé je ne peux m’empêcher de ressentir une légère baisse de régime dans la deuxième moitié de l’opus, et pourtant je n’ai aucun grief particulier à l’encontre de tel ou tel titre (si ce n’est peut-être l’éponyme qui m’a toujours semblé être une déclinaison de « Wisdom… Farther On »). J’ai par ailleurs toujours regretté que le titre « Cross The Threshold » (EP sorti la même année) ne figure pas sur cet album qu’il aurait complété à merveille.
Album sans conteste le plus abouti de Loudblast, pétri d’influences plus mélodico-techniques marquées par les illustres sorties de l’époque (on sent que « Human » et « Tetsimony Of The Ancients » sont passés par là) jusque dans le chant de Buriez un peu plus éraillé, « Sublime Dementia » restera (probablement à jamais) le point d’orgue de la carrière des Lillois et tout simplement, osons le dire sans chauvinisme aucun, l’un des albums emblématiques du début des années 90 que tout bon fan du style se doit de posséder. C’était jusqu’ici plus que difficile, les éditions originales affichant des prix quasi rédhibitoires, d’où l’intérêt indéniable de cette réédition.
Intérêt (et j’en terminerai là) partiellement gâché par un remastering à la truelle qui dénature totalement le son original de la galette, ce son si particulier, organique et un brin étouffé des studios Morrisound. Que ce soit bien clair, je ne suis absolument pas un intégriste du son et m’acoquine habituellement allègrement de rééditions remasterisées permettant de mettre la main sur des albums sinon introuvables mais ici ce ravalement de façade à base de l’habituelle
« vas-y fout les basses à fond ça suffira » rendrait presque pénible l’écoute de l’album saboté par une espèce de résonnement on ne peut plus désagréable. Très honnêtement le remastering de l’album présent dans le coffret sorti en 2009 chez XIII Bis Records rendait bien plus justice au son original que ce lifting à la tronçonneuse. Heureusement les cinq titres bonus (versions démo pré-prod enregistrées fin 92) vous permettront de terminer l’écoute sans avoir trop les oreilles qui bourdonnent. Et puis je préfère la version en relief du logo, bien plus classieuse. M’enfin bon que voulez-vous c’est dans l’ère du temps et tout cela ne doit pas vous empêcher d’acquérir (enfin !) cet incontournable du death metal (français).
3 COMMENTAIRE(S)
29/08/2015 14:28
29/08/2015 14:05
29/08/2015 13:31