D'habitude, je ne suis pas du genre ponctuel pour aller en concert. Je suis plutôt du genre à griller la politesse à tout le monde avec mon accréditation en jetant un regard dédaigneux à la plèbe dont l'exécrable élocution ne lui aura jamais permis de rejoindre l'élite virtuelle du webzinat, où tout est gratuit et servi avec le sourire : les places, les cds et cocktails sans alcool. Mais cette fois-ci, j'allais voir Angmar et Darkenhöld, géniteurs de deux des meilleurs albums de black metal de ces dernières années avec
Zurück in die Unterwelt et
A Passage To The Towers, je pouvais donc payer moi-même ma place, histoire de soutenir cette très belle tournée en compagnie des très bons Fhoi Myore. Avec une ouverture des portes théorique à 20h30, j'étais arrivé à 20h22 : une seule personne devant l'entrée, tout le monde devait déjà donc être à l'intérieur, me dis-je. Haha. Non. « T'es jamais venu au Floride ? Les concerts commencent avec trois quarts d'heure de retard, et là de toute façon il n'y a personne dans la salle, on ne réussit pas à allumer les lumières ». Trois quarts d'heure et un interrupteur enclenché plus tard, donc, je pénètre dans la salle de concert aux lumières les plus blafardes que j'ai jamais vues, à tel point que le merch devait être éclairé à la main pour qu'on puisse y voir quelque chose. La scène par contre est plutôt pas mal en apparence, la salle est plutôt grande pour un bar/discothèque, l'acoustique correcte tant qu'il n'y a pas assez de blasts pour couvrir les médiums des guitares, et les lights, certes spartiates, sont ce qui se rapproche le plus d'une lumière normale dans tout le bâtiment. Dommage que seulement trois prises électriques soient disponibles pour les groupes, ce qui donnera lieu à une très belle décoration à base de rallonges et de multi-prises, avec tous les risques que cela comporte. Bon courage à Decades Of Despair, qui joue ce soir au Floride avec As They Burn, leurs membres vont avoir bien du mal à trouver un son qui ne devienne pas instantanément brouillon dès les premiers tapis de double pédale.
Malgré ce qu'annonçait l'organisation avant l'ouverture des portes et l'ordre de passage suggéré par l'event facebook, c'est bien
Fhoi Myore qui ouvre les hostilités avec un black metal très énergique, sauvage et entraînant sans toutefois virer dans l'approximation comme il est d'usage chez les musiciens voulant proposer une musique bestiale en se gardant bien de jouer en place les uns par rapport aux autres. Non, les Niçois ont beau avoir été formés récemment et n'avoir qu'un seul album à leur actif, ils délivrent une prestation carrée, très professionnelle, et parfaitement conforme à ce qu'on était en droit d'attendre d'une affiche de ce niveau. Le style à la fois mélodique et relativement brutal accroche parfaitement l'oreille, et seul un mid-tempo en milieu de set viendra proposer une accalmie bienvenue, même si mon amour pour le blast me poussera surtout à retenir de leur set-list un avant dernier morceau plutôt rapide habillement structuré. Chose assez rare pour le souligner quand on parle de black metal, le bassiste propose d'intéressantes lignes de basses, même si le style vestimentaire façon guenilles et vanupieds qu'il partage avec leur également très convaincant chanteur m'aurait poussé, si jamais les avais croisés sur un trottoir, à jeter un demi-sandwich de l'autre côté de la rue pour éloigner ces foutus clodos de ma vue. Mais ils ont apparemment un concept tournant autour des premiers hommes/guerriers de l'histoire, on leur pardonnera donc volontiers cet attentat rétinien en ne retenant que leurs qualités musicales, et je les reverrai avec plaisir dans nos latitudes civilisées si l'occasion m'en est donnée – merde, non en fait j'oubliais j'étais en Bretagne, « civilisées » n'est pas le mot adéquat.
Second groupe niçois de cette tournée,
Darkenhöld s'est imposé en à peine deux ans et autant d'albums comme une valeur sûre du black metal mélodique français, grâce à un feeling délicieusement retro pour amateurs de BM de la fin des années 90, bien que le groupe n'ait que rarement l'occasion de jouer ailleurs que dans le sud de l'Hexagone ; je les avais d'ailleurs ratés à Paris, j'étais donc impatient de les voir enfin pour la première fois sur scène. Changement d'ambiance et de style par rapport à Fhoi Myore, les musiciens sont bien plus propres, et Darkenhöld, avec son black metal mélodique qui, sur le deuxième album, vire parfois même au symphonique (heureusement non grandiloquent), fait clairement figure de groupe le plus calme de la soirée. Avec une set-list partagée entre l'excellent
A Passage To The Towers et un
Echoes From The Stone Keeper moins immédiatement accrocheur, le groupe délivre une très bonne prestation, leur style relativement light leur permettant en plus de bénéficier du meilleur son de la soirée. Les mélodies des premiers titres sont toujours aussi superbes, et même les extraits du deuxième album s'y mêlent très bien, sans doute grâce à un claviériste quasiment inaudible en dehors des passages quasi-acoustiques – je ne dirais pas qu'en matière de black metal un bon claviériste est un claviériste mort, non, seulement qu'on l'a amputé des deux mains, et de toutes les autres protubérances qui lui permettent d'appuyer sur une touche de son instrument d'une effroyable mièvrerie. Sans surprise une excellente prestation, qui ne déplaira guère qu'aux plus réfractaires au black mélodique, même si à titre personnel j'aurais souhaité voir la reprise de « For All Tid » (qui demeure heureusement seul album fréquentable de Dimmu Borgir) clôturant le set remplacée par le formidable « Sorcery ». Qu'importe, le concert était excellent et les musiciens du groupe particulièrement avenants, je ne leur tiendrai donc pas rigueur de ce léger écart au bon goût. Définitivement un des groupes les plus intéressants du BM français, que j'espère suivre avec plaisir pour encore longtemps.
Set list :
Echoes From The Stone Keeper
Wyvern Solitude Chant
Ghouls And The Tower
Citadel Of Obsidian Slumber
March Of The Sylvan Beasts
Marble Bestiary
Nightfall And The Fire Doom
Mesnie Hellequin
For All Tid
La dernière fois que j'avais eu la chance de voir les excellents
Angmar en live, c'était au Belle-Île à Tours début février 2008, lors d'un concert écourté par une baston d'abrutis de punks (ceci est un pléonasme) en dehors du bar, et je m'étais dit que je devais les revoir au plus vite. Cinq ans bordel. Il m'aura fallu cinq foutues années pour enfin revoir l'un des, si ce n'est le meilleur groupe de BM français en activité, et je pèse mes mots, car dans un style qui leur est propre, les musiciens d'Angmar parviennent à insuffler un souffle et une émotion peu communs à des compositions à rallonge que l'on voie à peine passer. Après le flamboyant
Zurück in die Unterwelt et un
Cenotaph qui est une compilation de titres plus anciens dont je vous reparlerai bientôt, Angmar avait de quoi renouveler sa set-list en un lustre, et c'est sans surprise que le seul vestige des deux premiers albums fût l'excellent « Paria », qu'il aurait été dommage de laisser de côté. Débutant par le sublime « Lachrimae Mundi », leur set aura été sans faille, magnifique d'un bout à l'autre en alternant les émotions comme le groupe sait si bien le faire. Un très bon son viendra agrémenter une prestation parfaite, même si l'acoustique de la salle aura eu raison de la clarté dans les médiums, reléguant malheureusement un peu les guitares au second plan sur les rythmiques les plus graves. Qu'importe, un bassiste toujours aussi audible et inspiré (« le Jean-Jacques Moréac du black metal » me soufflera Aldébaran de Darkenhöld, et je ne puis qu'acquiescer), un batteur d'une précision redoutable et un trio alternant chœurs et vocaux plus classiques avec talent fera oublier bien vite les petits soucis de son des guitares. Sans surprise là encore, un concert magistral de la part d'Angmar, dont j'attends avec impatience le troisième véritable album, que je veux dans ma boîte aux lettres au plus vite. Et si demain il me fallait encore faire 300 kms pour aller les voir, je le ferai sans même y réfléchir.
Set-list approximative (n'hésitez pas à me corriger) :
Lachrimae Mundi
Unborn of the Ancient Times
13ème Rêve
Quand le Ciel Devient Noir
Perdition
Le Paria
Vous qui me lisez, alors qu'une date à Bordeaux et une autre au Klub à Paris avaient déjà eu lieu samedi et dimanche dernier, il ne faut sous aucun prétexte hésiter à aller aux dates de Lille ce soir, Montpellier (Darkenhöld) ou Nice (Angmar + Fhoi Myore) demain, et Lyunes après demain. Dans une salle au final plutôt correcte pour accueillir un concert de metal extrême, malgré une installation trop spartiate pour les groupes, la troisième date de cette Croisade Noire a été une réussite totale à tous les niveaux, sauf peut être celui de l'affluence, qui tournait à vue de nez autour de 50 entrées payantes (et dont la moitié doit encore confondre Fhoi Myore et Darkenhöld à l'heure actuelle). C'est bien trop peu pour une affiche si belle, si cohérente, avec de si bons groupes qui chacun dans leur style propre font partie des meilleures formations de l'Hexagone. Pour une fois sur une affiche de BM, on n'aura pas eu le droit au groupe régional de l'étape tout pourri, formé il y a trois mois et dont les musiciens savent à peine tenir leurs instruments à l'endroit. Alors vous, qui me lisez là oui, ne faites pas comme les Nantais (qui, certes, n'a jamais été une grande ville pour le black metal), et allez voir cette tournée près de chez vous. D'ailleurs, si vous êtes de Lille ou des environs, vu l'heure qu'il est, finissez votre lait fraise et filez.
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