Blackened Friday
Live report
Blackened Friday Aîn + Celeste + Déluge
Le 11 Mars 2016 à Nancy, France (La Machine à Vapeur)
Nancy, ville des lumières, accueillait hier soir une affiche que peu d'amateurs de Black / Hardcore noirci à la suie auraient loupé. Celeste était dans la place et comptait bien transformer Nancy en ville des loupiotes. Et pour se faire, les Lyonnais étaient accompagnés des locaux de Déluge que j'avais déjà eu le plaisir de voir en première partie de Kverlertak et de la jeune formation Aîn, officiant dans un Post-Black aux accents ritualistes. Cette soirée pleine de promesses se tenait dans la – fameuse – péniche de Nancy, la Machine à Vapeur, qui nous gratifie souvent de très bonnes soirées concert (récemment j'ai pu y voir le Screamo d'Aviator ou encore l'Indie Folk de Throw Me Off The Bridge). Il me tardait de revoir Celeste que je n'avais pas vu live depuis trois ans, ainsi que Déluge qui promettait un set plus long que lors de notre première rencontre. Bravant le froid en étant emmitouflé dans un Sweat Deathspell Omega, je pris donc la route de la péniche amarrée sur les bords du Canal de l'Est.
Aîn
Après une pinte de bière, nous nous positionnons pour assister à la prestation de Aîn, jeune formation vraisemblablement nancéienne qui compte bien défendre avec ferveur son Black Metal mâtiné de Post-Metal et de quelques touches d'orthodoxie. Le groupe apparaît caché par des capes bien Black Metal et ne se prive pas pour allumer quelques bougies et faire brûler un peu d'encens. C'est parti pour une grosse demi-heure de musique proposant son lot de surprises. Peut-être un poil trop, puisque le groupe semble naviguer entre différents styles sans vraiment arriver à faire ressortir un fil conducteur. Cela dit, la musique d'Aîn n'est pas exempte de qualités et certains riffs (notamment les plus mélodiques ou les plus lourds) arrivent à retenir l'attention du public. Autre détail qui fait plaisir, l'attitude scénique des musiciens qui sont vraiment à fond dans leur pratique de l'art noir, notamment le chanteur qui – en plus d'assurer avec talent la voix criée – se lance parfois dans des vocalises grégoriennes du meilleur effet.
Aîn est encore une formation récente et cela se sent, notamment sur les quelques approximations ou autres pains qui se frayent un chemin jusqu'à nos oreilles de temps à autre mais nulle doute que le groupe propose des débuts enthousiasmants qui – avec plus de maturité musicale et une plus grande expérience – pourront plus tard s'affirmer comme des compositions intéressantes. Une histoire de réglage donc, et une entame de soirée réussie.
Déluge
La formation de Post-Black la plus maritime d'Europe était de retour à Nancy pour affirmer une nouvelle fois la qualité live de son premier – et excellent – disque « Aether ». Quelques mois après leur ouverture à l'Autre Canal, le quintet lorrain nous propose un nouveau set. Plus riche, plus long et surtout plus travaillé, le groupe fait la part-belle à l'excellent « Appâts », au classique et efficace « Melas / Khôle », à l'inévitable « Avalanche » et à un petit soupçon de « Klartraumer » en guise de démarrage. Si Déluge n'avait clairement pas à rougir de sa prestation en novembre, on sent que le groupe a passé un nouveau cap avec cette nouvelle set-list, combinant aisément énergie Hardcore et émotions atmosphériques. Les membres du groupe se donnent toujours la peine de vivre chaque note avec une grande application et le réglage du son étant optimal, on se laisse bien évidemment prendre au piège.
La mise en scène, principalement constituée de stroboscopes, de fumée et d'un sampling identique à celui de l'album (donc à base de pluie, vagues et autres orages...), apporte aux transitions un côté hypnotique en forme de repos bienvenu entre deux décharges de Blasts épileptiques. D'ailleurs, le batteur est clairement remarquable de par sa précision à exécuter les parties les plus rapides sans le moindre accroc. Et croyez-moi, « Aether » n'est clairement pas avare en riffing supersonique. Bref, un set franchement réussi qui affirme une nouvelle fois que Déluge marche sur l'eau avec une facilité évidente et une sincérité palpable dans l'exécution de son Post-Black. Plus touchant, plus précis et encore plus habité, le groupe confirme qu'il est sur la bonne voie.
Celeste
Mon premier contact live avec Celeste remonte au Ieper Winter Fest 2013, à une époque où Johan – le chanteur – ne jouait pas encore de basse et où « Animale(s) » n'était encore qu'une hypothèse. La suite n'a été qu'une succession de rendez-vous manqués, que ce soit au T.O.T.E.M de Maxeville ou au Quai'Son de Nancy. Il me tardait donc de voir ce que pouvait donner le Celeste édition 2K16, spécialement dans un cadre aussi intimiste que cette péniche privée de fenêtres et éclairée – dans sa mouture live - par deux uniques ampoules 10 W. Comme d'habitude, les quatre Lyonnais font chauffer la machine à fumée et ne démarrent leur concert qu'après s'être assuré du bon fonctionnement des frontales rouges. La – petite – salle étant suffisamment noyée dans la fumée, on attaque donc cette heure et quelques de déferlantes Blacko-Sludgo-Machin-Chose. Alors que j'ai fumé la discographie de Celeste en long, en large et en travers il est difficile de se focaliser sur des choses aussi futiles que les « titres des morceaux » lorsque l'on est face à un tel magma sonore, détruisant tout ce qu'il reste d'humanité dans ce bateau dense, moite et enfumé.
Tout juste, je remarquais un « Laissé pour compte comme un bâtard », me rappelant à moi-même qu'effectivement, il y a bien une set-list dans cette immense déflagration. Bon, il faut dire que le bon litre de bière englouti pendant Déluge ne m'a pas aidé à avoir les idées claires, cela dit, on s'en fiche. Si je m'excuse pour mon manque de précision, l'essentiel de ce live n'est pas là puisque ce qui compte, c'est bel et bien cette capacité hypnotique totale dont fait preuve la formation. Un vortex sans fin de distorsions, de diodes rouges bougeant mystiquement au milieu d'un brouillard aussi épais qu'insondable. Au bout de quelques morceaux, plus rien n'est net, plus personne n'est vraiment visible et il ne reste que des explosions de basse, de stroboscopes et de cymbales. De temps en temps, on remarque tout de même la voix de Johan se faufilant au milieu de cette masse gluante et dégoulinante de grésillements. Ralentissements, accélérations, riffs parfois plus mélodiques, égalisation sonore, « jeu de scène », tout est maîtrisé avec brio par les quatre musiciens qui prouvent ici leur expérience sans faille de la scène. La violence de Celeste, si elle reste calibrée par leur nombreux atouts stylistiques (cette production sur album que l'on retrouve immédiatement en live), ne fait définitivement pas dans le détail et peut se résumer simplement en une seule formule : jusqu'au-boutiste. On ressort donc groggy, assommés, fatigués et un peu triste (Déluge + Celeste, c'est quand même pas la grosse joie mentale non plus...) de cette grosse heure de show sans pitié et sans rappel.
On a beau dire mais ce qui fait de cette soirée une immense réussite pour ma part tient beaucoup au cadre de cet événement. La Machine à Vapeur, cale de bateau compressée et suffocante m'a beaucoup aidé à me plonger corps et âme dans la musique des groupes proposés. Bien sûr, les formations ont été talentueuses mais il faut mettre l'accent sur cette ambiance, sur ce brouillard tellement opaque qu'il était difficile d'observer à plus d'un mètre. Un cadre idéal, des groupes parfaitement adaptés à l'occasion et une cohérence musicale à toute épreuve. Une soirée que vous auriez sincèrement eu tort de louper.
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