Testament - The Legacy

Ceux qui ne connaissaient de TESTAMENT que l'aspect thrash/death de son répertoire avec « Demonic » et « The Gathering » ont pu être décontenancés par le contenu somme toute plus heavy du mémorable « The Formation Of Damnation », sans doute l'album qui combine pour le meilleur toutes les facettes musicales d'un groupe formé à San Francisco Bay Area en … 1983 par le guitariste Eric Peterson et son cousin Derrick Ramirez, qu'on retrouvera plus tard à la basse sur « Demonic » et « Black Wings Of Destiny », deuxième opus de l'éphémère projet dimmu borgien DRAGONLORD. Aussi est-il bon de rappeler qu'avant de faire sa mue vocale et d'éprouver ses capacités de growler émérite, Chuck Billy a d'abord remplacé au pied levé Steve Souza au sein d'un THE LEGACY amené à changer son nom en TESTAMENT – sur une suggestion de Billy Milano (S.O.D.), THE LEGACY étant déjà la propriété d'un groupe de jazz - une fois sa signature acquise sur la major Atlantic Records. Steve Souza dont on retrouve la griffe sur les lyrics de « Over The Wall », « The Haunting », « Burnt Offerings », « First Strike Is Deadly » et « Alone In The Dark », avant que la voix d'EXODUS ne revienne bien plus tard hanter les compos de son groupe formateur en 2001 pour le Legacy Reunion Tour – concert de soutien à Chuck Billy, souffrant alors d'un cancer - et sur deux titres d'un « First Strike Still Deadly » en tous points exceptionnel.

Souza ? Billy ? Deux purs talents du thrash US à priori assez éloignés l'un de l'autre en terme de cadence et d'intonation si l'on se fie à leurs dernières prestations en date, mais pas si l'on en juge par les deux premiers albums de TESTAMENT, « The Legacy » en tête. Un premier sang de grande envergure sur lequel Chuck Billy délivre un nombre de screams hallucinants, en particulier lors du final tétanisant d'une « Over The Wall » qui n'est pas devenue pour rien un classique absolu. Up tempo redoutable, salves de riffs saccadés à souhait et un Chuck Billy en guise de loose cannon donnent le ton d'entrée de jeu, avant que l'arme fatale Skolnick ne cède à l'appel des sirènes pour un solo à faire pâlir de rage un Kirk Hammett auquel il sera inévitablement comparé, les deux six cordistes ayant tous deux eu un certain Joe Satriani comme prof de guitare. Dans un registre thrash modérément rapide empruntant les sentiers balisés par MEGADETH mais surtout METALLICA au niveau des riffs, TESTAMENT compte donc comme ces chefs de file du mouvement thrash un guitariste exceptionnel en la personne d'Alex Skolnick, shredder de génie capable de transformer le plomb en or par la grâce de ses seules interventions. Et comme Peterson n'est pas spécialement un manche lorsqu'il s'agit de sortir quelques riffs killer de sa besace, on tient là le trio gagnant pour un premier full length qui démarre au quart de tour avec « Over The Wall » donc, fast track ô combien jouissive bientôt suivie par une « The Haunting » dont le break à mi parcours (à 2 :22 pour les adeptes de la précision chirurgicale) reste un modèle du genre presque 23 ans après sa sortie en juillet 1987.

Vitesse d'exécution et fièvre thrash adolescente sont donc au menu de « The Legacy » mais pas seulement car dès le 3ème titre, « Burnt Offerings », les contours aguicheurs de « Fade To Black » ou « Welcome Home » sont de sortie pour un titre mid tempo qui vire dès 3 :24 au concours brise-nuques par excellence, preuve que TESTAMENT sait concilier radicalité du tempo (pour l'époque s'entend) et véléités mélodiques. Dans un registre purement heavy avec refrain mémorable qui va avec, impossible également de passer sous silence la fédératrice « Alone In The Dark », judicieusement placée entre une « Do Or Die » dont on appréciera la fronde vengeresse à 3 :06 (backing vocals attack !!) et la salve purificatrice finale d'une « Apocalyptic City » boostée aux growls et dopée rythmiquement par John Dette sur le « Live At The Fillmore » de 1995. Voilà pour les indispensables, les titres restants étant en deçà sur le plan purement qualitatif mais comportant chacun un ou plusieurs passages marquants justifiant leur présence dans le tracklisting, à l'image des riffs dévastateurs de « First Strike Is Deadly » et des cris haut-perchés d'un Chuck Billy décidément intenable. Tout n'étant pas parfait malgré l'excellence de cette première sortie, on notera entre autres rares défauts un batteur, Louis Clemente, au déficit technique évident mais qui compense ses propres carences par un jeu énergique et surtout une production ultra datée d'Alex Perialas qui ne rend absolument pas justice au formidable travail de composition abattu ici par le groupe. Un TESTAMENT qui marchera fort les premiers temps en Angleterre et en Allemagne (chiffres de vente à l'appui) mais qui aura par la suite bien du mal à réitérer pareil exploit, exception faîte d'un « The New Order » assez proche sur la forme, quoique débarrassé du caractère brut de décoffrage de son devancier. Les années 90 mises à part, j'ajouterai volontiers « Souls Of Black » (1990) au rang des réussites incontournables de la bande à Billy/Skolnick/Peterson (cherchez pas Greg Christian, on ne l'entend pas sur ce disque, à moins qu'un remaster … ?) mais comme je suis le seul à le penser ici, on dira plutôt que le groupe a attendu vingt ans et « The Formation Of Damnation » pour retrouver son lustre d'antan, la fraîcheur juvénile en moins et l'expérience en plus !

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