Mors Vincit 2016

Il est enfin l'heure d'aller observer sur scène une des tournées Black Metal les plus alléchantes de ce début d'année. Les musiciens de Mgla investissent en ce 23 Mars 2016 le Grillen de Colmar qui ne cesse de balancer des programmations alléchantes depuis quelques mois. Même si j'ai déjà eu l'occasion de me frotter aux Polonais lors du Black Metal Is Rising , couvrant la sortie de leur très bon « With Hearts Towards None », il me tardait de voir ce que donnait leur petit dernier (« Exercises In Futility » auquel j'ai nettement moins accroché, je dois vous l'avouer) une fois exécuté en live. Et puis il faut bien dire que mon premier contact il y a trois ans m'avait laissé un excellent souvenir. Pour ne rien gâcher, Mgla est soutenu par le tout-puissant Aosoth, ce qui – à titre personnel – me motive encore plus, tellement j'ai fumé « III – Variations Of Violence » et « IV - An Arrow In Heart » jusqu'à ce qu'il n'en reste plus que des cendres. Deus Mortem, formation dont je dois avoir un EP deux titres perdu quelque part se charge de compléter cette affiche qui me vend sérieusement du rêve. Retour sur une soirée remplie de promesses tenues... .


Deus Mortem :

Honnêtement, si on pouvait voir des premières parties comme celle-là à chaque concert, le monde irait mieux, je vous le dis... Deus Mortem n'est pas forcément un groupe que j'apprécie particulièrement, leurs moutures studio ne m'ayant jamais vraiment attiré plus que ça mais force est de constater qu'à contrario de certains plateaux tournant dans l'Europe (qui a dit Marduk ?), le quatuor ne passe pas pour un groupe de seconde zone servant à boucher un trou dans l'affiche. À mi-chemin entre un Inquisition et ses petits riffings dissonants et les mélodies chères aux tauliers du soir, Deus Mortem nous gratifie de titres plutôt bons, construits avec un feeling appréciable et plutôt ambitieux. Le son est bon, les musiciens jouent avec application (petit bémol au batteur qui a tendance à partir trop vite sur les blasts et qui se retrouve à mettre des coups de freins par moments, mais rien de bien grave...), le set n'est pas trop long ce qui lui évite d'être lassant et l'énergie des compositions fait mouche. Alors bien sûr, Deus Mortem n'a pas inventé le fil à couper le beurre, on est sur du Black excessivement classique mais il n'empêche que ça assure le job sans soucis et que ça a le mérite de nous mettre dans le bain avant la suite des hostilités.

Set-List Deus Mortem :

1. It Starts To Breathe Inside
2. Receiving The Impurity Of Jeh
3. Olam Haberiah
4. The Higher Sun
5. Penetrating The Veils Of Negativity
6. Ceremony Of Reversion (Pt. I)
7. Emanation


Aosoth :

Quand vous êtes fan d'une formation et que vous vous apprêtez à la voir en live, vous êtes toujours saisis d'un doute... Et si le show était décevant ? Et si cette expérience ratée vous dégoûtait à jamais du groupe ? J'ai eu cette peur absurde en allant voir Aosoth puisqu'au vu de mon affection particulière pour eux, il n'y avait que deux issues possibles : un show réussi qui aurait conforté tout le bien que j'en pense, ou un show oubliable qui aurait enterré le groupe. Fort heureusement (et c'est finalement plutôt rare), c'est la première option qui s'est dessinée ce soir. J'irais d'ailleurs jusqu'à dire que ce concert n'a pas fait que « conforter la place » d'Aosoth, non môssieur, il l'a sublimée. Seigneur mais quelle performance incroyable des Parisiens ! Il faut dire que le groupe est arrivé vite sur scène et qu'il nous a pour ainsi dire « cueilli » juste après la pause clope. Et il l'a fait avec l'art et la manière, c'est-à-dire avec un « I – An Arrow In Heart » qui nous a d'abord traumatisé avec un déferlement de violence rare avant de complètement nous absorber dans un Vortex d'une noirceur sans fond. Chapeau au groupe d'avoir eu le courage de conserver les samples tribaux qui se sont révélés être des déclencheurs d'ambiance pour certains de mes compères.

La set-list se révélera d'une excellence absolue puisque les cinq musiciens balanceront un « Ritual Marks Of Penitence » de quinze minutes en plein milieu du set, comme ça, au calme. On notera un réglage sonore parfaitement réalisé, à tel point qu'on se retrouve face au son de l'album et un jeu de lumière tout à fait adapté. Un taf au poil de la part des ingénieurs sons et lumière qui ont assurés. Impeccable de précision musicale et de prestance, le groupe nous livre le meilleur et l'heure de concert passe comme une lettre à la Poste, à tel point que j'en aurais bien repris une petite demi-heure de plus. Il est également bon de noter le charisme et la performance de MkM, complètement habité par la musique, utilisant le fil de son micro comme garrot et nous balançant pleine trogne des hurlements foutrement impressionnants. Ambiance glauque, oppressante et pleine de sens donc, bien aidée par les monstres que sont « III - V » ou « Temple Of Knowledge ». Chaque passage est carré, chaque instruments joue quand il faut et chaque petite note provoque l'effet escompté : une grosse dose de noirceur absolue. Chapeau bas messieurs, ça va être très difficile de vous surpasser cette année. Un show qui se hisse tranquillement dans mon top 3 Black Metal.

Set-List Aosoth :

1. IV – 1 : An Arrow In Heart
2. III – 1
3. IV – 6 : Ritual Marks Of Penitence
4. III – 5
5. IV – 3 : Temple Of Knowledge
6. Appendix C


Mgla :

Difficile de passer après le monumental set d'Aosoth et fatalement, Mgla en fera un peu les frais. Alors attention, calmez tout de suite vos ardeurs puisque les quatre Polonais ont assuré un show plein de maîtrise, de personnalité et de professionnalisme. Premièrement, il n'y a rien à dire sur la technique : le son étant – là encore – quasiment identique à la version studio, ce qui confirme une fois de plus que l'ingénieur du son de ce soir était très en jambe. M et Darkside, fondateurs de Mgla sont impressionnants de précision, tout spécialement Darkside qui reproduit ses blasts groovys à la perfection. On notera aussi le bassiste, franchement excellent sur ses back-voices avec un timbre de voix d'une puissance rare. La set-list est également plutôt riche, faisant la part-belle aux meilleurs morceaux de leur dernier disque en date mais également à quelques retours vers le passé, notamment sur les deux EP « Mdlosci » et « Further Down The Nest ». Personnellement, j'aurais apprécié entendre plus de morceaux tirés de « With Hearts Towards None » qui reste un sommet dans la carrière du combo. Un petit « With Hearts Towards None I » ou « III » aurait fait du bien, mais on se consolera tout de même avec la piste de clôture de cet album, très bien exécutée.

Mais malgré ces constats positifs et un plaisir quand même conséquent pendant toute la durée de leur prestation, je me suis senti moins happé que pendant Aosoth et moins convaincu que lors de ma première rencontre live avec Mgla. Alors tout ceci doit sûrement venir du fait que je suis beaucoup plus admirateur des Parisiens que des Polonais. Il n'empêche qu'Mgla reste bien au dessus du groupe de Black Metal moyen et livre des performances remarquables, toujours aussi efficaces visuellement (les cagoules y sont pour beaucoup) comme musicalement.

Set-List Mgla :

1. Mdlosci I
2. Further Down The Nest I
3. Exercises In Futility I
4. Mdlosci II
5. Exercises In Futility II
6. Groza III
7. With Hearts Towards None VII
8. Exercises In Futility VI

Sans aucun doute permis, c'est un plateau que l'on aimerait voir plus souvent. Trois formations de qualité se succédant, définitivement bien épaulées par une technique sonore et lumineuse au top du top. Franchement, que demande le peuple ? Si ma préférence à été pour Aosoth, en raison de l'énorme impact de leur show sur ma personne et de leur sincérité palpable, Mgla a prouvé qu'il n'avait pas usurpé son statut de fer-de-lance du Black Metal actuel et a livré un très bon concert, précis, carré et efficace. Quant à Deus Mortem, le groupe s'est révélé à la hauteur de l'ouverture, ce qui n'est pas si fréquent. Une soirée hautement qualitative qui restera dans les mémoires !