Un EP et un album, c’est tout ce qu’il a fallu aux Américains de Blood Incantation pour devenir ce groupe dont tout le monde parle dans les milieux autorisés. Depuis la sortie de
Starspawn il y a trois ans, la formation originaire de Denver est désormais partout, que ce soit dans la presse spécialisée, à l’affiche de tous les festivals ou presque, assurant les premières parties de groupes tels que Cannibal Corpse ou Immolation, vendant ses t-shirts comme on vend des croissants dans une boulangerie française un dimanche matin... Bref, les petits gars du Colorado ont su prendre leur place (sans compter les multiples projets dans lesquels ils sont également impliqués) quitte à faire évidemment quelques jaloux (à commencer par tous ceux qui utilisent le mot "hype" à tout bout de champ dès qu’un groupe vend plus de 500 disques). Alors forcément, quelques gros poissons ont commencé à leur faire les yeux doux. Dans ce jeu de séduction à sens unique, c’est Century Media qui a tiré le gros lot puisque c’est sur le label allemand que sort, tout du moins en Europe (Dark Descent Records assurant toujours le travail de l’autre côté de l’Atlantique), ce deuxième album naturellement très attendu.
Intitulé
Hidden History Of The Human Race, ce dernier en a surpris plus d’un par son artwork coloré particulièrement vintage que l’on doit, une fois de plus, à monsieur Bruce Pennington (déjà plébiscité par le groupe pour l’artwork de son EP
Interdimensional Extinction). Une œuvre qui remonte également aux débuts des années 70 et qui servira notamment à illustrer à l’époque une nouvelle de l’auteur de science-fiction Brian Aldiss baptisée "Space, Time and Nathaniel". Les commentaires Facebook se révélant parfois utiles, on apprendra également que cette peinture a été utilisée plus ou moins illégalement par un groupe canadien de Brutal Death afin d’illustrer son premier album sorti en 1995 (Agony,
Apocalyptic Dawning).
A la manière de son prédécesseur, même si le groupe a ici réduit la voilure,
Hidden History Of The Human Race ne propose que quatre nouveaux morceaux à se mettre sous la dent. Cela peut paraître une fois encore un peu chiche mais finalement on appréciera ce genre de format court puisqu’à l’instar de
Starspawn, l’album ne dure que trente-six petites minutes. Construit d’ailleurs sur un modèle quasi-identique, on retrouve là encore un titre instrumental ("Inner Paths (To Outer Space)") servant de préambule à un nouveau titre fleuve culminant à plus de dix-huit minutes. Finalement, la seule différence se trouve dans l’agencement de ces nouvelles compositions au sein de l’album puisque ce long morceau clôture ici l’album au lieu de l’introduire comme ce fût le cas il y a trois ans avec "Vitrification Of Blood (Part 1)". D'ailleurs, ce nouvel album partage également d’autres points communs avec son aîné comme celui d’avoir été une fois de plus enregistré en full analogique aux World Famous Studios de Denver sous la houlette du producteur Pete DeBoer. Le résultat, équilibré et parfaitement lisible, offre notamment un son de batterie dynamique et naturel extrêmement agréable (mention spéciale à cette caisse claire qui claque bien comme il faut) ainsi qu’une place de choix à la basse de Jeff Barrett. Deux choses qui, dans les productions modernes d'aujourd’hui, sont loin d’être une constante.
En terme de contenu,
Hidden History Of The Human Race ne diffère pas non plus spécialement de son prédécesseur. En effet, il aurait quand même été surprenant de voir Blood Incantation changer complètement de cap. Le groupe poursuit donc dans cette voie qu’il a lui-même tracé, un Death Metal relativement atypique qui, malgré des références toujours aussi évidentes allant de Morbid Angel à Demilich en passant par Timeghoul ou Immolation, conserve cette personnalité fortement marquée qui est la sienne. De ces riffs tortueux aux thèmes abordés en passant par ces sonorités spatiales qui ponctuent ici ou là certaines séquences, on retrouve sur ces quatre titres tout ce qui a fait jusque-là le charme des Américains. Si on a donc l’impression en écoutant ce nouvel album d’être un peu comme à la maison, cela n’empêche pas Blood Incantation de prendre parfois l’auditeur par surprise. Relativement classique dans sa construction, "Slave Species Of The Gods" surprend ainsi par cette attaque immédiate à laquelle on n’était clairement pas préparé. Une entrée en matière particulièrement tonitruante qui ne sera pas sans laisser quelques traces. Notons également ce break aux sonorités orientales pour le moins inattendues sur l’excellent "The Giza Power Plant" que le groupe exécute pourtant déjà sur scène depuis plusieurs mois ou bien encore ce titre instrumental bluffant qui, à l’image du clip diffusé il y a quelques semaines, va embarquer l’auditeur dans une espèce de trip psychédélique à base de pyramides, d'aliens, de planètes lointaines et de civilisations oubliées sur lequel un certain Antti Boman va venir poser en pleine explosion hallucinatoire un growl sorti des profondeurs les plus sombres de l’Espace...
Toujours aussi redoutable d’efficacité mais également toujours aussi varié, le Death Metal cosmique de Blood Incantation continue de régaler à chaque seconde. Comme évoqué un peu plus haut, le groupe américain lance ces retrouvailles sur l’un de ses meilleurs morceaux à ce jour. Outre ces premières secondes qui feront l’effet d’une déflagration inattendue prise en pleine tronche, on se réjouira encore et encore de ce riffing bouillonnant, de ces changements de rythmes incessants, de ces leads infernaux, de ce growl abyssal mais aussi de cette séquence entamée à 2:51 taillée pour rendre dingue absolument n’importe qui. Le reste, sans surprise, est bien évidemment calqué sur le même principe avec ces riffs tortueux et alambiqués, ces cassures rythmiques inopinées et incessantes, ces séquences plus aérées développant alors des atmosphères évoquant tour à tour le vide insondable de l’Espace ou bien l’existence de civilisation extra-terrestres insoupçonnées et pourtant grandioses. Bref, Blood Incantation continue de façonner son univers à sa guise sans donner l’air de se prendre la tête malgré l’évidente complexité que dissimule chacun de ces quatre titres. Tout à beau couler de source et paraître extrêmement fluide, on devine qu’il a fallu des heures de boulot acharné pour arriver à un tel résultat. Un constat évident tout au long de l’album même s’il l’est encore davantage à l’écoute de "Inner Paths (To Outer Space)" et son côté Free Death Metal ou de ce dernier titre de plus de dix-huit minutes qu’est "Awakening From The Dream Of Existence To The Multidimensional Nature Of Our Reality (Mirror Of The Soul)". Bien moins immédiat qu’un "Vitrification Of Blood (Part 1)", il m’a fallu plusieurs écoutes répétées avant d’arriver à rentrer véritablement dans cette ultime composition particulièrement ambitieuse où s’enchaîne les idées lors de séquences parfois bien différentes les unes des autres. Mais comme n’importe quel morceau de ce genre, les écoutes successives ont fini par payer, révélant ainsi tout le talent d’écriture d’un Blood Incantation au sommet de son art.
Difficile à l’écoute d’un tel album, si vous êtes en tout cas client de ce genre de Death Metal, de ne pas se montrer enthousiaste. De la production soignée permettant d’y voir clair à chaque instant et surtout d’apprécier les qualités de chaque musicien à ces riffs d’une autre dimension en passant par ces atmosphères étranges et absolument saisissantes, Blood Incantation a su se bâtir une identité rien qu’à lui à travers, pourtant, des influences somme toute évidentes. Alors si le groupe est "hype" pour certain, il n’a selon moi pas volé son succès et sa renommée. Chaque écoute que ce soit cet album ou ce que le groupe a sorti précédemment, est l’occasion de découvrir de nouvelles choses et surtout de prendre un pied incroyable. Un des albums de l’année, évidemment...
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