Groupe particulièrement discret, Ataraxy n’avait plus donné signe de vie depuis la sortie en 2012 de
Revelations Of The Ethereal, un premier album très encourageant paru à l’époque sur Memento Mori. Enfin ce n’est pas tout à fait exact puisque les Espagnols étaient tout de même brièvement réapparus le temps d’un EP deux titres sorti il y a deux ans sur le label anglais Me Saco Un Ojo. Une sortie tellement confidentielle qu’elle était passée sous le radar d’un bon nombre de connaisseurs pourtant amateurs de la formation.
2018 marque ainsi pour le groupe un retour aux choses sérieuses avec la sortie récente de son deuxième album intitulé
Where All Hope Fades. Pour cette nouvelle cuvée, le groupe a fait appel aux services de l’illustrateur italien Daniele Lupidi qui en plus de faire de beaux artworks bien mornes s’amuse également à gratter des cordes chez des groupes tels que Hateful, Valgrind ou bien encore Voids Of Vomit. Et comme un changement n’arrive jamais seul, Ataraxy en a aussi profité pour intégrer les rangs du label Dark Descent. Une très bonne opération qui devrait ainsi permettre aux Espagnols de gagner en visibilité dans les prochaines semaines.
Fort d’une identité relativement marquée, Ataraxy poursuit malgré les six années qui les séparent, ce qu’il avait déjà entamé avec l’excellent
Revelations Of The Ethereal et cela quitte à sonner de moins en moins comme un groupe de Death Metal. Car si on savait effectivement les Espagnols particulièrement portés sur les atmosphères, leur musique perd désormais presque toute trace de brutalité au profit de séquences sombres, vaporeuses et mystiques déjà très largement présentes sur l’album précédent. D’ailleurs il suffit de regarder les chiffres pour le comprendre. Avec deux titres de moins que son prédécesseur, ce nouvel album affiche une durée pourtant un poil supérieure. Bien entendu, on trouve encore quelques soubresauts d’agressivité ("Matter Lost In Time" de 6:53 à 8:57, "One Last Certainty" de 2:03 à 2:57 puis de 4:28 jusqu’à la conclusion, la première partie de l’excellent "The Mourning Path") histoire de rompre avec ces ambiances désabusées et voilées ainsi que ces rythmes tristes mais d’une manière générale, ces accélérations ne représentent qu’une petite partie d’un album construit en grande majorité sur la base de mid-tempo hypnotiques. Une évolution très nette si on le compare à son prédécesseur qui se montrait alors beaucoup plus partagé entre passages soutenus et moments plus aériens. Cela fait-il pour autant de
Where All Hope Fades un album moins intéressant ? Et bien non, pas en ce qui me concerne.
Certains pourront reprocher au groupe de traîner en longueur, de manquer de rythme et de tendre inéluctablement vers une étiquette Death/Doom qui ne lui collait pas encore à la peau jusque-là, le fait est qu’Ataraxy a toujours (enfin surtout depuis
Revelations Of The Ethereal) tiré son épingle du jeu grâce à autre chose que des séquences menées tête baissée. Une fois encore, c’est ici ce travail si particulier sur les riffs mais aussi et surtout sur les leads qui permet à Ataraxy d’offrir un voyage complètement hors du temps où l’esprit et le corps se régalent de chaque instant. Car c’est bien le but que se sont fixés les Espagnols, être capable d’amener l’auditeur dans des dimensions obscures, désolées et arides qui sont les siennes, notamment à l’aide de lignes mélodiques à vous donner la chair de poule. Si en guise d’introduction instrumentale, "The Absurdity Of A Whole Cosmos" permet de pénétrer à nouveau l’univers d’Ataraxy, c’est surtout à partir de "Matter Lost In Time" que les choses se font incroyablement plus saisissantes. Pourtant, à y regarder de plus près, ce premier morceau suit pendant un peu plus de dix minutes quasiment toujours le même schéma (en dehors de ces deux minutes plus soutenues). Ce qui lui permet alors d’être si intéressant, c’est justement l’évolution mélodique qui prend forme au fur et à mesure que se déroule le morceau. Des leads mélodiques particulièrement captivants qui nous embarque et jamais ne nous laisse repartir. Il en va exactement de même pour les autres morceaux où ces moments de grâces pourtant si gris et mélancoliques en arrivent presque à me filer la chair de poule ("One Last Certainty" à 3:54, les débuts ainsi que la conclusion de "As Uembras d’o Hibierno", "The Mourning Path" à 3:19, "The Blackness Of Eternal Night" à 3:39 mais aussi beaucoup d’autres petits moments ici et là). Et comme sur son prédécesseur, Ataraxy va également se servir d’un clavier pour sublimer ce travail mélodique. Toujours amenées d’une manière très subtile, ces sonorités sous formes de nappes (souvent des voix fantomatiques) vont nourrir encore un peu plus ces atmosphères voilées. Tout comme le growl sombre et désespéré de Javi dont le timbre rugueux n’est pas sans rappeler d’une certaine manière celui de Martin Van Drunen.
Résolument plus Doom et atmosphérique que son prédécesseur, ce nouvel album s’inscrit pourtant comme une suite relativement logique au très bon
Revelations Of The Ethereal. Outre une cadence revue à la baisse et une tendance à étirer ses compositions sur de longues minutes, Ataraxy réussit à séduire grâce une fois encore à de superbes ambiances capables de vous hérisser le poil et surtout de vous faire voyager. Bien entendu, certains risquent probablement de décrocher face à ce genre de morceaux peut-être trop longs, peut-être trop lents, peut-être trop répétitifs mais se faisant, les Espagnols affirment encore un peu plus leur identité sans se soucier du reste. Et pour le coup, on ne peut que saluer cette envie de proposer autre chose. Un retour réussi.
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