Révélé l’année dernière grâce à la sortie sur le label Dark Descent d’un EP particulièrement enthousiasmant intitulé
Interdimensional Extinction (en plus d’un split en compagnie de Spectral Voice dont font parti ¾ de ses membres), les Américains de Blood Incantation sont aujourd’hui de retour avec un premier album extrêmement attendu, notamment par tous les amateurs de Death Metal un brin tarabiscoté à la Demilich, Timeghoul et autre Chthe'ilist. Autant vous dire que j’étais donc dans les starting-blocks depuis déjà un moment.
Intitulé
Starspawn, celui-ci est une fois encore disponible via le label de Colorado Springs et ne compte à ma grande surprise que cinq titres pour seulement un tout petit peu plus de trente-cinq minutes. Je fais peut-être ma fine bouche mais j’avoue que je n’aurai pas été contre un ou deux titres supplémentaires. Enfin, ne boudons pas notre plaisir pour autant car contrairement à d’autres qui continuent de patienter, je n’aurai pas eu à attendre jusqu’au 19 août pour me glisser ce premier album dans les oreilles.
Aussi, malgré sa durée relativement courte,
Starspawn réserve tout de même quelques petites surprises à commencer par un premier titre ambitieux qui s’étire sur plus de treize minutes. Le groupe qui nous avait déjà prouvé son originalité et son audace par le passé nous montre qu’il est encore tout à fait capable de nous surprendre quitte à nous laisser dans un premier temps quelque peu perplexe. Loin des schémas classiques de compositions, "Vitrification Of Blood (Part 1)" atteste de toute l’ingéniosité des Américains capables d’imaginer des morceaux techniques, complexes et tordus tout en laissant une impression naturelle de fluidité. Ainsi, malgré les idées qui se succèdent voir qui se chevauchent (on pourrait s’amuser à compter le nombre de plans qui s’enchainent), ce premier titre - qui servira probablement pour certains d’introduction à l’univers de Blood Incantation - constitue à n’en point douter la pièce maitresse (ainsi que la plus difficile d’accès) de ce premier album sans pour autant faire de l’ombre aux quelques titres qui le succèdent.
L’autre petite surprise concerne le titre "Meticulous Soul Devourment" que le groupe a imaginé comme un interlude semi-acoustique entre les trois premiers morceaux de l’album et le titre final
Starspawn. Là encore le pari est plutôt risqué dans la mesure où la tentation est grande de se sentir flouer en voyant l’album "réduit" à "seulement" quatre titres plus un interlude. Mais peu importe, Blood Incantation n’est pas là pour répondre aux exigences de chacun et surtout aux normes quelles qu’elles soient. Aussi, "Meticulous Soul Devourment" sert à sa manière le propos des Américains qui se fait ici beaucoup plus simple et contemplatif. Une approche naturellement moins torturée et tumultueuse qui amène avec elle un certain apaisement bienvenue au milieu de ces quelques compositions tortueuses et alambiquées.
Au delà de ces deux points d’attention particuliers,
Starspawn demeure fidèle au Blood Incantation de
Interdimensional Extinction. Comprenez par là qu’il n’y a pas d’évolution particulière entre ces deux sorties et que ce qui faisait déjà le sel de son prédécesseur caractérise encore aujourd’hui dans les moindres détails ce premier album. Ainsi, sans pour autant donner le sentiment de stagner, les Américains reproduisent le même travail d’ambiance. Avec pour thème principal l’espace, ses étoiles ses planètes et ses mythes/vérités qui les accompagnent, Blood Incantation se plaît une fois de plus à avaler l’auditeur dans un espèce de trou noir terrifiant dont il ne faut pas espérer sortir indemne. Comme pour mieux parfaire cette atmosphère angoissante (le vide, l’inconnu, le silence et le froid), le groupe a opté pour un enregistrement 100% analogique. Si cela ne saute pas forcément aux oreilles, les écoutes répétées et au casque permettent tout de même de s’en rendre compte. Il y a dans les compositions de
Starspawn une certaine profondeur supplémentaire ainsi qu’une chaleur bien particulière dans les notes et leur manière de résonner. Une atmosphère à l’ancienne que Blood Incantation continue d’entretenir avec brio et qui transparait même jusque dans le lay-out de l’album (photographie de chacun des quatre membres au dos de l’album, logo AAA relatif à l’enregistrement...).
Une production faussement rétro au service de riffs, de leads et de solos toujours aussi remarquables qui vous feront frissonner de plaisir tout au long de ces trente-cinq minutes incroyables. Quelque part entre Demilich, Timeghoul et Nocturnus, Blood Incantation se fend de moments de bravoures absolument jouissifs à vous hérisser le poil. Et ça commence bien évidemment dès "Vitrification Of Blood (Part 1)" avec ces leads en spiral (0:16) suivi par cette séquence infernale à vous vriller la tête (1:10) à laquelle vient se succéder ce soli diabolique (3:40). Mais j’arrête-là car il en est de même pendant encore près de dix minutes ! Et vous pensez que la suite ne peut pas être du même niveau ? Et bien détrompez-vous. Entre les riffs schizophrènes (0:48, 3:05), les boucles interminables (1:55, 2:37) et ce solo complètement possédé (2:15) de "Chaoplasm", le break sous acide (1:33 - merci les samples et les effets qui débarquent de partout dans le casque) ou celui beaucoup plus lunaire et tout en mélodie (2:53) de "Hidden Species (Vitrification Of Blood Part 2)", l’insoutenable paradoxe entre les riffs acoustiques a priori inoffensifs et l’atmosphère brulante et dévorante du bien nommé "Meticulous Soul Devourment" et enfin le riffing frénétique et en constante évolution d’un "Starspawn" tout juste interrompu le temps d’un dernier solo au feeling old school toujours aussi délicieux, il n’est pas question d’une quelconque baisse d’intensité ici bas.
Surtout que d’un point de vue rythmique, le Death Metal technique et tortueux de Blood Incantation ne fait pas spécialement dans la demi-mesure. Loin de sombrer dans une veine démonstration de force, la technique des Américains est ici mise à profit afin de créer un ensemble original, cohérent et paradoxalement tout à fait imprévisible. Certes, les écoutes répétées vous permettront de voir venir certaines choses mais depuis deux mois que j’écoute ce disque de manière régulière, je continue de découvrir quantité de séquences, d’enchainements, de breaks ou d’accélérations que je n’avais pas complètement, voir même pas du tout, remarqués/assimilés jusque-là. Tout ceci se fait avec beaucoup de fluidité et surtout avec un groove toujours aussi efficace. D’ailleurs, Blood Incantation s’est doté depuis l’année dernière d’un bassiste à temps plein en la personne de Jeff Barrett (Spectral Voice, ex-Velnias). A la différence de Damon Good, le son de son instrument est ici plus rond et légèrement moins saturé. Si cette basse se fait peut-être moins facilement remarquer, elle n’en est pas moins frétillante pour autant. Quel panard de se faire retourner l’estomac par ces notes dynamiques et tout en rondeurs ! Enfin, et parce que je ne vais pas vous tenir la jambe trois plombes au sujet de Blood Incantation, évoquons le temps de quelques lignes le chant de Paul Riedl. Son growl puissant, profond et en même temps légèrement arraché fait rapidement la différence grâce à des intonations intéressantes et personnelles qui sortent quelque peu de l’ordinaire.
A la lecture de ces trop nombreuses lignes, je pense que vous aurez saisi la pleine mesure de mon enthousiasme face à ce premier album de Blood Incantation. Déjà plus qu’emballé par un
Interdimensional Extinction original, envoûtant et terriblement efficace, j’attendais de
Starspawn qu’il soit au moins aussi bon. Pari réussi et même haut la main tant le résultat final surpasse ce premier EP pourtant déjà irréprochable. Avec ce premier album, les Américains de Blood Incantation élèvent leur niveau de compositions, construisent encore un peu plus leur personnalité, prennent de sacrés risques (avouez que c’est quand même assez couillu de proposer un album de seulement cinq titres, de le faire débuter par un morceau à tiroirs de plus de treize minutes et d’y coller dix minutes avant la fin un interlude acoustique instrumental) et (re)mettent au goût du jour une certaine idée du Death Metal technique à l’époque où la surenchère, la quête de brutalité et le trigge n’était pas encore au cœur de l’équation. Album de l’année ? Me concernant, il se classe aisément dans cette liste en compagnie du premier album de Chthe'ilist.
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