Si le nom de Portal n'a véritablement émergé qu'en 2007 avec la sortie sur Profound Lore de son deuxième album (
Outre), il est bon de rappeler que le groupe australien a pourtant vu le jour il y a maintenant presque vingt ans (1994). Vingt longues années passés à produire une musique toujours aussi hermétique, à malmener le concept même de musicalité et de plaisir auditif. Vingt longues années qui n'ont pas empêché le groupe d'être absent de la liste des chroniques de Thrashocore. Un oubli corrigé à l'occasion de la sortie de
Vexovoid, quatrième album de l'homme pendule et ses acolytes s'inscrivant en toute logique dans la continuité de ses prédécesseurs. Un album qui, étonnamment, semblait particulièrement attendu alors que la musique des Australiens se destine pourtant à un public d'initiés. De là à dire que le nom de Profound Lore y est pour beaucoup, il n'y a qu'un pas que je laisse à chacun le soin de franchir ou non...
Car on ne pénètre pas l'univers de Portal aussi facilement. Il faudra du temps et de l'abnégation à l'auditeur curieux, arrivé ici par hasard, avant d'en apprécier l'amer et pourtant addictive substance. Un engagement total et surtout inévitable pour quiconque n'est pas habitué à ce genre de musique particulièrement opaque et monolithique. A l'inverse, un exercice de routine pour celui qui a déjà réussi à prendre du plaisir en s'infligeant les œuvres tout aussi frontales et intransigeantes que celles de Diocletian, Witchrist, Antediluvian, Mitochondrion, Abyssal... Mais si le jeu du name dropping est quelque chose de facile pour n'importe quel chroniqueur voulant aguicher le chaland, cela ne doit pas occulter le fait que Portal possède bel et bien sa propre personnalité. Un univers complexe et indéchiffrable tourné autour du mythe de Chtulu et autres histoires tentaculaires. Un voyage tourmenté qui passe par des paroles qui ne sont finalement qu'une succession de mots faisant référence à l'univers de Lovecraft et, je crois, au Latin. Il n'y a semble t'il aucune recherche de sens, juste des associations de mots dans le but d'obtenir des rimes ("Kilter": "Kilter Falter - Order Alter - Laws Abstained Incongruent Inveigh - Planes Engrained - Usurped & Drained - Iniquitous Flux Thy Bane..."). Une vision tordue et empoisonnée de la réalité sublimée par une succession de non sens linguistiques et musicaux.
Car rien n'est fait ici pour accrocher un tant soit peu l'oreille de l'auditeur. Que ce soit dans la composition des structures de chaque titre, dans la recherche harmonique et mélodique ou bien encore dans la production, chaque élément concours à la même chose: laisser l'auditeur sur le bord de la route. En effet, les structures développées par Portal ne répondent à aucun schéma classique, donnant ainsi à l'auditeur la sensation d'être emporté par un tourbillon sans fond. Une approche chaotique et anti-musicale effrayante mais pourtant terriblement envoutante faite de passages essentiellement rapides et particulièrement aliénants et de parties, certes plus modérées, mais aussi plus écrasantes (la deuxième moitié très martiale de "Awryeon"). Et c'est exactement la même chose concernant ces riffs distordus et rampants (le riff mélodique sous accordé sur "Kilter" à 03:47 par exemple) ou ces blasts de batterie dissonants, hallucinés et presque bancals qui renforcent indiscutablement le côté schizophrène de cette musique dérangeante et blasphématoire. Une ambiance moite, organique et rampante relevée par de nombreux samples tout à fait dans le ton (celui de "Plasm" me donnant l'impression d'être survolé par une centaine d'avions durant la seconde guerre mondiale, "Awryeon" et ses boucles inquiétantes façon univers post-apocalyptique, l'instrumental "Oblotten" en apparence accessible mais finalement tout aussi tordu... Bref, la liste est longue. Il n'y finalement que le chant (un growl profond mais relativement compréhensible) qui pourrait sembler plus académique même si, grâce à la production, il ne prend jamais le dessus sur le reste des instruments.
Album de Death Metal expérimental intense et exigeant à la production suffocante,
Vexovoid reste fidèle à l'image de Portal avec néanmoins peut-être davantage de réussite que pour
Swarth. Pour ma part, je trouve que les Australiens ont gagné ici en lisibilité sans pour autant sacrifier à leur personnalité. Le format assez court (trente cinq minutes) aide d'ailleurs à digérer l'album assez facilement même si comme je l'ai déjà dit, il ne faut pas s'attendre à tomber sous son charme dès les premières minutes.
Vexovoid est un album qui comme tous ces albums de Death Metal rampants et suffocants nécessitera plusieurs écoutes avant d'en saisir toutes les subtilités. Un droit d'entrée qui laissera forcément du monde à la porte. Aussi qu'on se le dise, écouter et apprécier Portal est quelque chose qui doit tout simplement se mériter.
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