Est-il si étonnant que cet album, perçu par beaucoup comme le disque totalement « autre » de Portal où ce dernier abandonne le metal pour plonger dans la part noise de sa musique, sonne dès qu’on le met dans le lecteur comme… un album de Portal, en bonne et due forme ?
Voilà sans doute ce qui doit encore donner du grain à moudre à ceux n’arrivant pas à se décider entre originalité et absurdité à propos de ce qu’ils pensent du projet ! Il n’empêche que
Hagbulbia, paru en même temps que l’excellent
Avow, donne rapidement à entendre qu’il n’est pas exactement tel qu’on l’imagine derrière ses allures d’œuvre bonus, d’appendice alimentant le corps sans exactement en faire partie. Qu’il est bien une création à part entière des Australiens à mettre au même rang que
Swarth,
ION ou son prédécesseur direct.
Un dernier disque auquel je ne peux m’empêcher de rattacher
Hagbulbia, tant il s’affirme comme un approfondissement de l’ambiance sinistre que Portal y dépeint.
Avow grogne dans le noir, s’infiltrant dans notre esprit pour suggérer ses horreurs difformes imperceptibles autrement que du coin de l’œil ? Le ci-présent s’attache à faire résonner l’extérieur, bâtir des murs de bruits, les feulements et bourrasques empêchant tout espoir de sortie. Une fois dépassées les considérations de genres et de formes, une familiarité de fond se ressent dans ces trente-huit minutes aux bourdonnements semblables à des tremolos enfiévrés, rythmées par une batterie frénétique ou ritualiste dont on aurait enlevé presque tous les toms, guidées par cette voix triturée mais laissant toujours percer une haine cosmique et carnassière.
Noise si vous voulez, Dark Ambient si on dépasse sa stridence pour apprécier l’horreur de ses atmosphères… et sans aucun doute Death Metal autant que Death Industrial (les guitares de « Stow » et « Weptune » en guise de révélations) :
Hagbulbia poursuit cette vision d’un metal extrême déformé jusqu’à en dépasser ici son état premier, donnant une nouvelle force à ses images occultes et monstrueuses. Une force implacable, terrifiante pour peu qu’on y pénètre avec la concentration nécessaire. Le chemin à faire vers lui est étonnamment aisé, tant Portal séduit et entête avec un raffinement épatant pour ce qui s’affiche faussement, encore une fois, en sortie de route. De cette île flottant dans un noir permanent, surplombée d’un manoir fait de roches couleur pétrole plus sombres encore que l’intérieur où
Avow se terre, le groupe se fait l’architecte jusqu’à la moindre couche, qu’il aime multiple et d’une géométrie défiant la Raison. Même lors des instants où la tension est remplacée par des nappes formant des boucles étranges (« Of Straw & Cloth » par exemple), l’impression d’un labyrinthe savamment réfléchi reste présente, sans pour autant s’afficher outre-mesure.
Malgré une immersion qui devient totale un peu tardivement (jusqu’à tourner à l’obsession durant les onze minutes de « Hexodeus »),
Hagbulbia se considère finalement ni comme un complément, ni comme une juxtaposition (une pensée pour les masochistes ayant cru que les Australiens nous avaient fait une Neurosis et qui ont essayé d’écouter les deux disques en même temps), mais comme une partie d’un même geste où, si
Avow est la démoniaque main gauche tordant les âmes, il est l’autoritaire main droite encerclant les victimes de ses doigts-mondes. À elles-deux, un des plus excessifs et fascinants jeux de marionnettes lovecraftiens qu’il m’a été donné d’entendre.
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