Ikea : Autant être honnête d'emblée, et avouer que je n'ai jamais apporté à Portal l'attention qu'il semble mériter. Il faut dire que, bien que charmé par
Outre, ce dernier a été découvert après une palanquée de formations s'en étant inspiré, au point de ne pas le trouver aussi incroyable que beaucoup paraissent le juger. Après un essai infructueux de
Vexovoid (aux volontés d'évolution louables mais s'arrêtant à mi-chemin, entre nouveauté et redondance), je pensais même voir en les Australiens un projet à retenter plus tard, toujours plus tard. Et voici qu'arrive
ION, sa pochette intrigante m'ayant fait une nouvelle fois sauter le pas malgré une absence d'attente envers lui de ma part. Électrifié de l'intérieur, les yeux écarquillés d'étonnement et d'horreur, on peut dire que, ça y est, je fais définitivement partie des conquis !
Dysthymie : De bête immonde lovecraftienne, l'entité s'est transformée en dévoreuse d'univers. Se démarquant davantage de la masse, cette dernière revêt des formes et des couleurs encore inédites à rendre fou n'importe quel être humain. C'est d'ailleurs totalement hagard que vous ressortez après la première écoute de l'abomination qu'est
ION. Car sous ses formes toutes géométriques et sa puissante lumière, celle-ci semble la personnalisation même du chaos. Un chaos ici beaucoup plus maîtrisé – guidé par la propre logique du groupe – mais davantage froid et tortueux. Dès le titre introductif instrumental « Nth », la formation instaure un climat tout en tension et suffocant, trouvant également échos dans les courtes parties moins rythmées et/ou ambiancées (cf. la fin de « Phreqs » et le début de « Crone ») ainsi que la magnifique outro de « Olde Guarde » (entre grandeur du cosmos et déliquescence). Des éléments parfaitement travaillés qui donnent davantage d'ampleur au propos de Portal et d'impact aux déflagrations de violence quasi constantes. Telle une grosse décharge électrique, la musique des Australiens vous traverse de part en part. Vous êtes secoué, malmené, perturbé par ce flot à la fois rageur et très mathématique (ces riffs nerveux et les lignes de guitares dissonantes à souhait) pendant un peu plus de 37 minutes – qui, si sur le papier peuvent paraître courtes, sont des plus éprouvantes. Les nombreux effets (à commencer par ceux utilisés pour les vocaux inhumains de The Curator) ainsi que la production tant massive qu'acérée comme une lame d'acier (qui aurait très bien sied à un groupe d'indus) ne font que mettre en relief l'atmosphère glaciale et cette explosion d'énergie venue d'outre espace, tout en magnifiant l'ensemble.
Ikea : Une énergie où les particules paraissent prendre forme, cessant de titiller l'imaginaire pour dévoiler au grand jour toute leur atrocité.
ION fait le même effet que de voir dans un miroir devant soi une main monstrueuse sortir, le monde inversé que l'on devine en se regardant à l'intérieur se décidant à conquérir notre réalité. Transis, sidérés, nous sommes pris dans ces lignes de fuite qui attaquent de toute part, dans ce parti-pris qui a tout de l'expérimentation casse-gueule mais accentue la réussite de Portal, jouant de la crudité et du chaos ambiant avec une puissance de suggestion frôlant l'incroyable (« Phreqs » me fait véritablement peur, ce qui m'arrive rarement en musique). Certes, l'expérience est exténuante, notamment dans une fin de disque où l'envie que l'ensemble se fasse encore plus lisible et horrible se ressent, climax d'une évolution grimpante qui, en l'état, donne le sentiment de s'arrêter avant une victoire définitive – impossible de ne pas penser par moment au
Fas d'un certain Deathspell Omega, et son attaque finale que
ION garde pour lui. Mais Portal, au-delà de mériter ici particulièrement son nom, montre à ses suiveurs ayant fait de la dissonance leur robe de bure qu'elle n'est pas qu'un artifice, pas qu'un outil de violence au service de masochistes accoutumés aux méthodes classiques du death metal – qu'elle peut très bien être le death metal lui-même, cet omnivore à l'appétit insatiable, et servir à assujettir avec encore plus de prégnance que des riffs et thématiques classiques. C'est bien la plus grande réussite de ce disque qui, de figure « autre », donne envie de le considérer comme un bel exemple d’œuvre death metal, où le plaisir se mêle au malaise. Et que vive la nouvelle dimensION !
Dysthymie : Oui, c'est une toute autre dimensION que prend le groupe avec ce dernier album. Car outre la première impression de s'être pris une grosse châtaigne et de rester clouer sur place, c'est toute le folie créatrice du groupe qui subjugue. Une folie toujours à l'image du groupe mais plus instable et creusant davantage le sillon des expérimentations. Les sonorités perturbantes et abstraites vous font toucher du bout des doigts l’innommable tout en vous laissant à vos propres visions cauchemardesques. Les choix judicieux effectués (notamment sur la production) ainsi qu'une façon de composer différente, où la musique passe avant tout, donnent également un résultat plus personnel et abouti.
ION ou la consécratION.
Ikea : 8/10
Dysthymie : 8,5/10
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